BENTLEY, JOHN, musicien et fonctionnaire, né vers 1756 en Angleterre ; décédé le 10 novembre 1813 à Québec.
Jeune claveciniste anglais, John Bentley vivait à Philadelphie à la fin de la Révolution américaine. En 1783, il fonda les City Concerts à Philadelphie, la première ville de la nouvelle république à tenir des séances musicales régulières. Cette série bimensuelle de musique vocale et instrumentale fit salle comble pendant les saisons d’octobre 1783 à avril 1784, et de novembre 1784 à avril 1785. En août 1785, Bentley et sa femme, Catherine, partirent pour New York avec la troupe de comédiens de Lewis Hallam. Bentley joua du clavecin, dirigea l’orchestre quand on en eut besoin, composa de la musique d’accompagnement pour le théâtre, de même que pour trois pantomimes : The cave of enchantment, The genii of the rock et Touchstone, or harlequin traveller. À la fin de la saison new-yorkaise, en novembre 1785, deux membres de la troupe de Hallam, William Moore* et Edward Allen, fondèrent leur propre compagnie ; Bentley en fit partie comme directeur musical, tout en jouant, avec sa femme, de petits rôles.
Dans la première semaine de mars 1786, après s’être produite pendant deux mois à Albany, dans la colonie de New York, la troupe arrivait à Montréal où elle fut accueillie avec plaisir par les militaires et la nouvelle classe des marchands. Son programme annonçait une nouvelle pantomime, The enchanters, or the triumph of genius, sur une musique de Bentley. La compagnie se transporta ensuite à Québec et commença sa saison d’été le 21 juillet. Catherine y mourut en octobre, peu après avoir donné naissance à un fils. En janvier 1787, Bentley retourna à Montréal avec une partie des membres de la compagnie. Vers la fin de l’année, comme le groupe se séparait, il fit paraître une annonce dans laquelle il offrait ses services comme professeur de géographie, de latin et d’anglais, tout en précisant : « il n’y a point de Langue moderne aussi sublime, aussi riche, et où il y a tant de beauté et d’énergie que dans l’Angloise ».
En janvier 1788, Bentley était de nouveau à Québec. Le 11 janvier de l’année suivante, il y épousait Mary Colley Gill, âgée de 32 ans, veuve de William Gill, qui était un homme d’affaires de Québec. Ils louèrent une maison rue des Remparts, où Mary moulut en couches au mois de février 1790. Bentley emménagea alors dans une maison donnant sur la rivière Saint-Charles, qui allait être détruite par le feu en mai 1791. Entièrement intégré à la vie musicale de la ville, Bentley s’occupa activement des concerts par abonnement de musique vocale et instrumentale, en plus d’être associé à des groupes de théâtre qui jouaient soit à Québec, soit en province. Lors d’une réunion tenue le 26 décembre 1791 pour célébrer l’adoption de l’Acte constitutionnel, il chanta une ode qu’il avait mise en musique et dont le texte fut imprimé dans la Gazette de Québec du 5 janvier suivant.
En 1797, Bentley fut nommé « sous inspecteur des grands chemins et ponts » du quartier Saint-Charles. En août 1798, il prêta serment comme constable en chef et, le 21 décembre 1799, il épousa Déborah McKay, fille de Hugh McKay, son prédécesseur à ce poste. En décembre 1798, Bentley avait été nommé inspecteur de la ville et banlieue de Québec, puis, en mai 1801, il remplaça William Vondenvelden comme inspecteur des chemins pour la ville et paroisse de Québec, au salaire annuel de £100. Il avait, entre. autres responsabilités, celle de veiller à l’application de la loi obligeant les citoyens à entretenir les parties de rue qui faisaient face à leurs propriétés, et il fit régulièrement paraître dans les journaux des avis en ce sens ; au début de mars 1811, il poursuivit avec succès John Neilson* « pour avoir négligé d’aplanir les cahots » devant sa maison. Bentley supervisait aussi la construction et le pavage des routes ; pendant son mandat, le marché de la haute ville et la rue de la Montagne furent pavés, et des rues furent construites dans le faubourg Saint-Jean, alors en expansion. En 1810, un entrepreneur se plaignit dans le Quebec Mercury que Bentley lui avait envoyé une demande de soumission en français. Celui-ci présenta des excuses dans la Gazette de Québec, puis ajouta : « je regrette de plus qu’on ait négligé votre éducation au point que vous ne compreniez pas le français, surtout que vous vivez maintenant dans une partie du monde où cette langue est unanimement parlée, si bien que je serais porté à croire que certaines de vos heures doivent s’écouler sans plaisir à cause de l’ignorance que vous en avez ».
Bentley avait aussi la responsabilité de veiller à ce qu’on n’empiétât pas sur les chemins publics, comme cela se pratiquait trop souvent, en particulier chez les marchands, qui, fort à l’étroit dans la basse ville, cherchaient désespérément à se donner de l’espace. Sa tâche était d’autant plus difficile que les juges de paix qui administraient la ville – dont les plus influents étaient des marchands – négligeaient de ratifier un plan d’urbanisme proposé par Vondenvelden en 1801, qui eût clairement délimité ce qui était propriété publique et propriété privée. Bentley fut, semble-t-il, le premier inspecteur des chemins à tenter sérieusement de défendre la propriété publique quand, en 1802, il poursuivit le constructeur de navires John Goudie* pour avoir bloqué le chemin public sur un lot de grève appartenant à William Grant (1744–1805).
Bentley paraît avoir éprouvé de graves difficultés financières au début des années 1800. En mars 1803, sa femme et lui vendirent, pour la somme de £45, à l’encanteur John Jones, 1 400 acres de terre qui leur avaient été concédées dans le canton de Tring en 1801. En juillet 1804, les dettes de Bentley envers un certain nombre de créanciers, dont Jones et Louis Dunière, s’élevaient à £211, sans compter une somme, non déterminée alors, qu’il devait à la firme Lester and Morrogh [ V. Robert Lester]. Il dut remettre à ses créanciers deux chevaux avec leurs harnais, deux carrioles, un traîneau, une charrette et une grande quantité de meubles, de vaisselle et d’articles divers provenant de sa maison de Bateau Yard dans la basse ville.
Bentley continua de s’occuper de théâtre comme agent de spectacles pour des troupes américaines en tournée et comme directeur d’un théâtre jusqu’en décembre 1806. Ces troupes s’arrêtèrent à Québec au moins une fois par année, de 1804 à 1811, sauf en 1805 et 1807 où aucune ne se rendit. Les compagnies locales, à l’exception de celle qui était composée d’officiers de la garnison, étaient peu nombreuses et n’avaient qu’un temps, à cause de la forte concurrence des officiers de la garnison et des troupes étrangères. Mais certains comédiens de la ville pouvaient se joindre aux officiers et aux troupes en tournée. Les spectacles étaient donnés dans des théâtres qui étaient en fait des salles aménagées temporairement dans des casernes ou au-dessus des tavernes. Tels étaient le Military Theatre, le Garrick Theatre ou cet autre situé au-dessus de la New Tavern, qu’un comédien américain décrivait comme « une misérable petite salle d’un très misérable débit de boissons, qui, tant pour la forme que pour le nombre de places, ne méritait en rien le nom de théâtre ». Deux salles pour les arts d’interprétation furent construites tour à tour en 1804, le Brodignac et le Patagonion ; elles fermèrent leurs portes au cours de la même année.
Mais la musique restait la grande passion de Bentley. En 1805, certains citoyens s’étaient plaints, dans des lettres au Quebec Mercury, qu’« il serait dans l’intérêt réel du public que le constable en chef fût plus exact à remplir ses fonctions en faisant niveler correctement les rues [... ] plutôt que de donner toute son attention à ses noires et à ses croches ». La congrégation de l’Église d’Angleterre l’avait engagé comme organiste en 1801 et comme maître de chapelle en 1802. Lors de la consécration de la cathédrale Holy Trinity par l’évêque Jacob Mountain*, le 28 août 1804, le chœur, en surplis, était composé de 13 garçons et de 4 hommes. Le révérend James Sutherland Rudd, de William Henry (Sorel), écrivait au révérend John Strachan* à ce sujet : « Le service fut chanté et fit un bon effet. L’orgue est un instrument d’une belle sonorité. » En 1813, Bentley recevait £40 par année pour enseigner le chant aux membres de la chorale et un dollar chaque fois qu’il touchait l’orgue. De 1810 à 1813, il fut aussi organiste à la cathédrale Notre-Dame, au salaire annuel de £40, et avait la responsabilité de former son successeur.
La troisième femme de John Bentley était morte en 1809 ; le 2 novembre 1811, à l’âge de 55 ans, il épousa Margaret Hutton, âgée de 28 ans et veuve du capitaine James Hutton. En avril 1812, le couple louait pour £80 par année une maison avec jardin sur le chemin du Roy, à Saint-Sauveur, juste à l’extérieur de la ville. Bentley mourut le 10 novembre 1813. Selon Oscar George Theodore Sonneck, il « mérite d’être considéré comme l’un des personnages les plus importants de l’histoire musicale de Philadelphie ». Au cours des 25 ans qu’il vécut à Québec, son plus grand intérêt fut pour la musique, et il mérite d’être considéré, là aussi, comme une figure marquante de l’histoire musicale de cette ville.
Deux chants attribués à John Bentley se trouvent dans A collection of original sacred music, arranged in full score, with organ or piano forte accompaniment, F. H. Andrews, compil. (Montréal, 1848), 81s.
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Dorothy E. Ryder, « BENTLEY, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/bentley_john_5F.html.
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Auteur de l'article: | Dorothy E. Ryder |
Titre de l'article: | BENTLEY, JOHN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 11 oct. 2024 |