LAFRANCE (Hianveux, Hianveux, dit Lafrance), AMBROISE (baptisé Ambroise-Adhémar), orfèvre, né le 20 décembre 1847 à Québec, fils d’André Hianveux, relieur, et de Marie-Louise Pageot ; le 2 septembre 1874, il épousa à l’église Saint-Roch de Québec Adéline Martel ; décédé le 29 juillet 1905 dans la même ville et inhumé le 1er août au cimetière Notre-Dame de Belmont à Sainte-Foy.

Peu de choses ont été écrites sur Ambroise Lafrance jusqu’ici et l’on s’est surtout intéressé à l’artiste en tant que continuateur d’une tradition. Certes, cet orfèvre est l’héritier de la grande école inaugurée par Laurent Amiot* à la fin du xviiie siècle. Il a effectué son apprentissage auprès du successeur de ce dernier, François Sasseville*, et a sans doute parfait sa formation chez le neveu de celui-ci, Pierre Lespérance*. Par la suite, il est vraisemblablement demeuré compagnon de ce dernier et a travaillé dans son atelier de la rue du Palais (côte du Palais), à l’angle de la rue Charlevoix, à Québec. Après la mort de Lespérance en 1882, Lafrance a poursuivi seul, au même endroit, durant plus de 20 ans. En 1905, sa veuve et ses fils ont déménagé le commerce non loin de là, au 26 de la rue Saint-Nicolas, et ont continué de l’exploiter jusque vers 1910. Non seulement Lafrance s’inscrit-il donc bien dans la tradition par l’apprentissage ainsi que par la transmission des lieux de travail et même des outils, mais il fait preuve également d’une continuité certaine en desservant une clientèle semblable à celle de ses prédécesseurs, constituée principalement des fabriques de paroisses et des nantis de la société. En outre, il lui arrive encore, même à l’aube du xxe siècle, de créer des œuvres en fondant d’abord des pièces anciennes afin de récupérer le métal, procédé archaïque pour l’époque. C’est ainsi qu’en 1896, à la demande du curé Antoine-Adolphe Gauvreau*, il a réalisé neuf vases sacrés en portant préalablement au creuset toute l’argenterie de table de la fabrique de la paroisse Saint-Roch, à Québec.

Les œuvres d’usage domestique sorties de l’atelier de Lafrance témoignent d’un certain conservatisme et montrent à quel point il est l’héritier de la tradition. Par exemple, les divers ustensiles qu’il a réalisés empruntent les formes traditionnelles issues de la période géorgienne. Plus remarquables toutefois sont ses tasses d’enfant ; bien qu’elles rappellent également l’héritage anglo-saxon du début du xixe siècle, la qualité du métal et la facture robuste leur permettent de supporter avantageusement la comparaison avec la production industrielle de la fin de ce siècle.

Un survol de l’œuvre religieuse de Lafrance nous mène dans une tout autre direction ; c’est sans doute dans cette production que l’artiste s’est véritablement accompli. S’il a façonné le même type d’œuvres pour la même clientèle que ses prédécesseurs, il les a réalisées bien différemment. On constate dès l’abord que l’éventail d’articles religieux est beaucoup plus restreint à ce moment qu’il ne l’était antérieurement. Lafrance se cantonne dans deux genres : les vases qui doivent être fabriqués en métal précieux, c’est-à-dire le calice, le ciboire et l’ostensoir, et les accessoires de petites dimensions tels que les croix pectorales reliquaires, les aiguières baptismales, les boîtiers à lunule, les ampoules aux saintes huiles et les pyxides. On est loin de la période faste où les croix processionnelles, les lampes de sanctuaire et les bénitiers étaient aussi d’argent massif. L’orfèvre semble même n’avoir jamais exécuté un service de burettes.

Les grands calices historiés de Lafrance constituent peut-être les meilleurs témoignages de l’apport de cet artiste. On perçoit, certes, un air de famille entre ces œuvres et les réalisations d’Amiot. Mais entre les mains des successeurs du maître, selon l’idée même que celui-ci a véhiculée, le type a connu diverses transformations. Le calice de la paroisse Saint-Michel, à Sillery, daté de 1888, se distingue par la fluidité de son profil, le caractère massif des formes et une certaine surcharge ornementale, le tout bien en accord avec la sensibilité de la fin du xixe siècle. En outre, le décor n’a plus cette symbolique qu’on retrouve chez Amiot ni la cohérence du programme iconographique de l’époque où Sasseville a introduit les médaillons coulés dans l’ornementation des œuvres. Chez Lafrance, il ne s’agit plus d’une symbolique ou d’une petite histoire, mais plutôt d’une série d’images et d’évocations. Un calice de la collection Henry-Birks d’orfèvrerie canadienne présente une autre tendance : l’esprit éclectique. On remarque en effet sur cette œuvre à la fois des godrons qui évoquent le milieu du xviiie siècle et des raies de cœur typiques du premier tiers du xixe siècle.

L’œuvre la plus prestigieuse de Lafrance demeure l’ostensoir de la paroisse Saint-Charles-Borromée, à Charlesbourg, exécuté en 1884, le seul qu’il ait réalisé. On décèle toujours ici les principes mis de l’avant par Amiot au tout début du xixe siècle, mais l’allongement des formes et la disposition d’une ornementation abondante ont donné naissance à une pièce d’un type nouveau.

On peut donc à juste titre considérer Ambroise Lafrance comme un successeur de la grande école d’orfèvrerie de Québec. Artiste sensible et intelligent, il a su enrichir le legs reçu et, ce faisant, s’inscrire dans l’époque qui a été la sienne.

René Villeneuve

Une certaine confusion a régné jusqu’ici relativement à l’identification des œuvres d’Ambroise Lafrance. Ce dernier a signé ses pièces à l’aide du poinçon qu’il avait hérité de Laurent Amiot – les deux artisans portent du reste les mêmes initiales mais inversées –, accompagné d’une tête inscrite dans un ovale. Marius Barbeau* a signalé le fait dès 1939, mais cet avertissement est passé presque inaperçu.

La collection Henry-Birks d’orfèvrerie canadienne, conservée au Musée des beaux-arts du Canada, à Ottawa, est celle qui contient le plus grand nombre d’œuvres de Lafrance ; elle renferme aussi des outils qui lui ont appartenu. Le Musée du Québec et plusieurs paroisses de la grande région de Québec possèdent aussi des réalisations de l’artistan.  [r. v.]

ANQ-Q, M186, A.-A. Lafrance ; Abraham Lafrance ; CE1-1, 21 déc. 1847, 1er août 1905 ; CE1-22, 2 sept. 1874 ; CN1-255, 30 nov. 1863.— AP, Saint-Roch (Québec), Une page de l’hist. de la paroisse de Saint-Roch de Québec, 31 déc. 1905.— L’Action catholique (Québec), 14 avril 1938 : 24.— Annuaire, Québec, 1905–1906, 1909–1910.— Marius Barbeau, « Nos anciens orfèvres », le Canada français (Québec), 2e sér., 26 (1938–1939) : 914–922.— E. A. Jones, « Old church silver in Canada », SRC Mémoires, 3e sér., 12 (1918), sect. ii : 135–150 ; Old silver of Europe & America from early times to the nineteenth century, etc. (Londres, 1928).— J. E. Langdon, Canadian silversmiths, 1700–1900 (Toronto, 1966).— Gérard Morisset, le Cap-Santé, ses églises et son trésor, C. Beauregard et al., édit. (2e éd., Montréal, 1980) ; Coup d’œil sur les arts en Nouvelle-France (Québec, 1941 ; réimpr., 1942).— René Villeneuve, « l’Orfèvrerie ancienne », le Musée du Québec : 500 œuvres choisies (Québec, 1983), 307–342.

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René Villeneuve, « LAFRANCE (Hianveux, Hianveux, dit Lafrance), AMBROISE (baptisé Ambroise-Adhémar) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/lafrance_ambroise_13F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
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