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CUTHBERT, JAMES, officier, marchand, juge de paix, conseiller législatif et seigneur, né probablement à Farness (Highlands), Écosse, vers 1719, fils d’Alexander Cuthbert et de Beatrix Cuthbert ; il épousa en 1749 Margaret Mackenzie, en 1766, Catherine Cairns (ils eurent trois fils et sept filles) et, le 23 mars 1786, Rebecca Stockton ; décédé à Berthier-en-haut (Berthierville, Québec), le 17 septembre 1798.
James Cuthbert, issu d’une famille de vieille noblesse, fit d’abord carrière dans la marine britannique. Capitaine et commandant d’une compagnie indépendante d’infanterie en octobre 1760, il fut aussi capitaine dans le 1011 d’infanterie avant de passer en décembre 1762 au 151 d’infanterie. Cuthbert fut membre de l’état-major du général Murray à Québec, puis il quitta l’armée en 1765.
Avant de partir pour l’Angleterre, Murray avait nommé Cuthbert membre du Conseil de Québec, le 14 juin 1766, et juge de paix la même année. Le nouveau conseiller se trouva vite en conflit avec le lieutenant-gouverneur Guy Carleton*, le successeur de Murray. Les circonstances du départ de ce dernier, rappelé en Angleterre à la suite de pressions exercées par les marchands de la colonie, amenèrent les partisans de l’ancien gouverneur à accueillir froidement Carleton, qui les assimila immédiatement à un parti d’opposition. Comme les autres conseillers hostiles, Cuthbert critiqua sévèrement Carleton en 1766, quand celui-ci régla temporairement, avec un conseil tronqué, un conflit portant sur l’accès aux postes du roi, la décision du lieutenant-gouverneur étant contraire à la politique de Murray et favorable à l’ennemi juré de celui-ci, George Allsopp*. De plus, Cuthbert et les autres conseillers nommés par Murray s’opposèrent farouchement à Carleton qui, au conseil, accordait droit de préséance aux membres nommés par le roi.
Cuthbert se tailla une place dans la société en achetant, le 7 mars 1765, la seigneurie de Berthier, où il se fit construire un manoir, et en acquérant, entre 1770 et 1781, la seigneurie Du Sablé, dite Nouvelle-York, et une partie des seigneuries de Lanoraie, Dautré et Maskinongé. Toutefois, l’invasion américaine en 1775 et 1776 le toucha durement. Il s’aliéna ses censitaires en usant d’autoritarisme pour qu’ils fissent leur service militaire. En 1776, les Américains incendièrent son manoir et causèrent pour plus de £3 000 de dégâts à son domaine de Berthier pour se venger, au dire de Cuthbert, parce qu’il avait sauvé, à Trois-Rivières, le lieutenant-colonel Simon Fraser, 700 à 800 soldats et sept vaisseaux britanniques. Il fut en outre déporté comme prisonnier à Albany, New York. Libéré, il séjourna en Angleterre en 1777 avant de revenir au Canada, probablement l’année suivante, et reprendre en main ses activités seigneuriales. Cuthbert reconstruisit d’abord, dans des proportions imposantes, le manoir de Berthier. En janvier 1781, il s’engagea à fournir à Allsopp, pendant une période de 14 ans, tout le froment de ses seigneuries.
Dès son retour au Canada, Cuthbert avait aussi pris possession de son siège au Conseil législatif, établi en vertu de l’Acte de Québec, auquel il avait été nommé en 1775. Il se trouva en conflit avec le gouverneur Haldimand sur deux points en particulier. D’abord, peut-être parce qu’il était lui-même juge de paix, il s’opposa à toute diminution des émoluments des fonctionnaires de l’État, que Haldimand jugeait trop onéreux pour le peuple. Ensuite, en 1779 et 1780, alors que les prix montaient en flèche et que Cuthbert s’apprêtait, selon Haldimand, à se lancer dans le commerce du blé, il s’opposa à ce qu’on gelât les prix du blé et de la farine et que l’on promulguât un édit contre le monopole de certains produits alimentaires. D’un autre côté, le gouverneur se plaignit de l’absence prolongée de Cuthbert, lequel séjourna en Angleterre pour affaires de 1781 à 1784. En 1786, il fut exclu du conseil et démis de son poste de juge de paix, sans qu’on lui donnât de raisons.
Très fier de ses origines nobles écossaises, Cuthbert tenait beaucoup à son statut de seigneur. Quoique souvent hautain et mauvais coucheur, il était généreux et accueillant, et son manoir de Berthier, un lieu réputé pour son hospitalité ; à la fin du siècle, le prince Edward Augustus* le fréquentait hebdomadairement. Presbytérien, Cuthbert construisit en 1786 et 1787, à Berthier, l’église St Andrew, probablement la première église protestante bâtie dans la colonie. Toutefois, comme ses censitaires étaient presque tous catholiques, il s’efforça de faire montre d’une certaine tolérance religieuse. En 1766, il avait participé à la création de la paroisse Saint-Cuthbert en donnant 60 arpents de terre pour y bâtir une église. En 1779, il fournit la pierre pour construire l’église et, plus tard, une peinture de son saint patron ainsi que deux cloches. Il donna également le terrain et les matériaux nécessaires à la construction, dans sa seigneurie, de l’église Sainte-Geneviève, qui se poursuivit de 1782 à 1787. Cependant, en 1789, il protesta publiquement contre l’attitude de Mgr Hubert qui avait autorisé le curé de Berthier, l’abbé Jean-Baptiste-Noël Pouget*, à recevoir l’abjuration de deux de ses fils, Alexander et James. Il les avait envoyés, avec leur frère Ross*, étudier la langue et le droit civil français au collège catholique anglais de Douai, en France, d’où ils étaient revenus déterminés à se convertir. De plus, ne pouvant se prévaloir de son banc seigneurial ou de la préséance qui lui était due lors des cérémonies religieuses, parce que non catholique, Cuthbert saisit les rares occasions offertes de manifester publiquement son rang, lors de la plantation annuelle du mai, et lorsqu’il recevait au manoir ses censitaires venus lui rendre hommage, par exemple.
Prospère et éminent, Cuthbert avait néanmoins beaucoup d’ennemis et peu d’influence politique, surtout à partir des années 1780. Depuis 1763, il réclamait 3 000 acres de terre en arrière de Berthier en vertu de son grade de capitaine dans l’armée britannique lors de la Conquête ; c’était peine perdue. En outre, après 1786, il protesta sans succès auprès des autorités contre son exclusion du Conseil législatif et sa destitution comme juge de paix, et il demandait vainement, depuis plusieurs années, une compensation pour les dommages causés à ses seigneuries pendant la Révolution américaine. En 1788, il alla en Angleterre où il tenta, mais inutilement, de se faire réintégrer dans ses postes et d’obtenir plus particulièrement une compensation pour les dommages causés à ses seigneuries en 1779 par des soldats qui, selon lui, coupaient du bois pour la citadelle de Québec et qui avaient accidentellement mis le feu à 54 acres de pin blanc de grande valeur. En 1792, il se présenta comme député à la chambre d’Assemblée et fut défait par Pierre-Paul Margane* de Lavaltrie dans le comté de Warwick, dont ses propres censitaires constituaient la grande majorité des électeurs. Il contesta, sans succès, le résultat de l’élection auprès des autorités de la colonie et de la métropole. En 1795, il se rendit en Angleterre dans un ultime effort pour obtenir gain de cause dans ses réclamations politiques, chercher une compensation monétaire et se faire accorder le titre de baronnet pour son action et ses pertes lors de la Révolution américaine ainsi que le grade de colonel de milice dans ses seigneuries ; il essuya refus sur refus.
Malgré ces échecs, Cuthbert demeura un des seigneurs les plus prospères : ses terres lui rapportaient £1700 en 1790. Avec l’acquisition de Dorvilliers après cette date, ses seigneuries s’étendaient sur environ 50 milles le long du Saint-Laurent. De plus, il possédait une maison d’été à Beauport et, en décembre 1797, il acheta quelques propriétés à Montréal, dont un grand terrain au coteau Saint-Louis, sur lequel se trouvait une maison de pierres. Après sa mort, survenue à Berthier, en septembre 1798, ses fils se partagèrent ses propriétés : James, l’aîné, hérita de Berthier, Alexander reçut Dorvilliers et les propriétés de Montréal, et Ross recueillit le reste.
ANQ-M, Greffe de J.-J. Jorand, 1er mai 1793 ; Greffe de P.-F. Mézière, 13 oct. 1770 ; Greffe de Pierre Panet, 7 mars 1765.— ANQ-MBF, État civil, Anglicans, Église protestante (Trois-Rivières), 23 mars 1786.— Archives civiles, Richelieu (Sorel, Québec), État civil, Christ Church (Berthierville), 18 sept. 1798 ; Greffe de Barthélemy Faribault, 10 sept. 1771, 13 sept. 1774, 26 juin 1777, 19 sept., 12 oct. 1778, 21 mars 1786.— Archives de la Soc. historique de Joliette (Joliette, Québec), Cartable famille Cuthbert.— Archives de l’évêché de Joliette, Registre des lettres, Cartable Saint-Cuthbert, 1766–1794 ; Cartable Sainte-Geneviève-de-Berthier, 1766–1794.— Musée McCord (Montréal), Cuthbert-Bostwick papers, 1765–1957.— Doc. relatifs à l’hist. constitutionnelle, 1759–1791 (Shortt et Doughty ; 1921), I : 167.— P.-G. Roy, Inv. concessions, I : 165 ; II : 186 ; III : 56s., 87, 92s. ; V : 55.— S.-A. Moreau, Précis de l’histoire de la seigneurie, de la paroisse et du comté de Berthier, P.Q. (Canada) (Berthierville, 1889).— F.-J. Audet, James Cuthbert de Berthier et sa famille ; notes généalogiques et biographiques, SRC Mémoires, 3e sér., XXIX (1935), sect. i : 127–151.— Du Vern [Richard Lessard], Le fief Dorvilliers, L’Écho de Saint-Justin (Louiseville, Québec), 24 mars 1938, 1.— Édouard Fabre Surveyer, James Cuthbert, père, et ses biographes, RHAF, IV (1950–1951) : 74–89.— D. R. McCord, An historic Canadian family, the Cuthberts of Berthier, Dominion Illustrated (Montréal), VII (1891) : 110–112, 123–125.— S.-A. Moreau, L’honorable James Cuthbert, père, seigneur de Berthier, BRH, VII (1901) : 341–348.— Jacques Rainville, Vers notre tricentenaire, Le Courrier de Berthier (Berthierville), 19 janv. 1967, 24 oct. 1968, 12, 26 juin, 3, 14 juill., 4, 18 sept., 2, 16, 30 oct., 13, 27 nov. 1969.
Jean Poirier, « CUTHBERT, JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/cuthbert_james_4F.html.
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Auteur de l'article: | Jean Poirier |
Titre de l'article: | CUTHBERT, JAMES |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
Année de la révision: | 1980 |
Date de consultation: | 2 oct. 2024 |