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CUYLER, ABRAHAM CORNELIUS, fonctionnaire et homme politique, né le 11 avril 1742 à Albany, New York, fils de Cornelius Cuyler et de Catalyntje Schuyler ; le 10 avril 1764, il épousa à Schenectady, New York, Jane Elizabeth (Jannetie) Glen, et ils eurent trois fils et deux filles ; décédé le 5 février 1810 à Montréal.
Abraham Cornelius Cuyler naquit dans une éminente famille de souche hollandaise de la colonie de New York, qui exerça une grande influence dans la région d’Albany. Après avoir occupé le poste de président des sessions générales de la paix, qui statuaient sur des causes pénales de moindre importance, il devint maire d’Albany en 1770. À différentes reprises, il remplit les fonctions de coroner de la ville et du comté ainsi que celles d’officier de milice. Au début de la Révolution américaine, Cuyler s’afficha ouvertement du côté des Loyalistes. Le 4 juin 1776, lui et quelques autres furent arrêtés pendant qu’ils célébraient l’anniversaire de George III. Incarcéré à Albany, puis à Hartford, au Connecticut, il s’évada en décembre et gagna New York, où son épouse et sa famille le rejoignirent. L’année suivante, Cuyler et un groupe de volontaires accompagnèrent l’expédition infructueuse de sir Henry Clinton qui remonta le fleuve Hudson pour venir en aide aux forces de John Burgoyne* menacées par les rebelles. En octobre 1779, on le nomma lieutenant-colonel et commandant d’une troupe de Loyalistes qui devait être formée, mais le projet ne vit jamais le jour. Au mois d’août suivant, il fut nommé colonel d’un groupe de milice loyaliste de l’île Long. À l’automne de 1782, Cuyler et sa famille étaient installés à Montréal, et, plus tard la même année, on le choisit pour occuper le poste d’inspecteur des Loyalistes réfugiés dans la région de Québec. Pendant la guerre, le gouvernement rebelle avait exproprié sa propriété qu’il évaluait à £6 000.
Lors de son séjour à Québec, il est probable que Cuyler ait rencontré Samuel Johannes Holland, qui avait arpenté l’île du Cap-Breton en 1766 et qui se montrait optimiste quant au potentiel de l’île. Peut-être influencé par Holland, Cuyler décida d’y fonder un établissement pour les quelque 3 000 Loyalistes qui se trouvaient au Québec. Avec son enthousiasme caractéristique, il envoya le capitaine Jonathan Jones pour inspecter l’île à l’automne de 1783, puis, en novembre, il s’embarqua pour l’Angleterre afin de presser le ministère de l’Intérieur d’approuver son projet. Sur place, il découvrit qu’on projetait déjà la division de la Nouvelle-Écosse en diverses colonies. Appuyé par sir William Howe, qu’il avait connu en Amérique et qui était membre du comité de commerce du Conseil privé, il demanda que le Cap-Breton soit séparé de la Nouvelle-Écosse. Une fois que ceci fut accordé, il sollicita et obtint les postes de secrétaire et de greffier de la nouvelle colonie. On lui permit également d’amener ses Loyalistes au Cap-Breton, mais quand la permission fut accordée, on était déjà en octobre 1784, et la plupart des éventuels colons décidèrent de rester au Québec. Seulement 140 personnes se rendirent à Louisbourg et à St Peters cette année-là, et lorsque Cuyler lui-même vint à Louisbourg peu de temps après, il découvrit que le gouverneur de la Nouvelle-Écosse, John Parr*, n’avait pas été informé de la venue des Loyalistes et que, par conséquent, il n’était pas en mesure de fournir du ravitaillement. Entre-temps, Joseph Frederick Wallet DesBarres* avait été nommé lieutenant-gouverneur du Cap-Breton et, avec un groupe de colons anglais, il avait fondé la ville de Sydney au printemps de 1785. Cuyler y arriva dès juillet pour assumer ses fonctions et fut assermenté comme membre du Conseil exécutif. On lui accorda également une propriété de 500 acres de l’autre côté du havre de Sydney, qu’il baptisa Yorkfields, où il s’installa avec sa famille. Dans la maisonnée vivait au moins une personne noire réduite en esclavage, une enfant nommée Diana Bestian.
Il apparut bientôt que Cuyler et DesBarres ne pouvaient travailler ensemble. Le lieutenant-gouverneur rêvait d’un avenir brillant pour le Cap-Breton. De plus, ses antécédents militaires l’avaient habitué à l’obéissance absolue et lui avaient donné la ferme volonté d’éviter que sa position fût ébranlée ou contestée. De son côté, Cuyler était influent, ambitieux, impatient de compenser ses pertes financières et rébarbatif à l’idée de ne jouer qu’un rôle de second plan dans le développement de la colonie. Avec David Mathews*, ancien maire de New York et procureur général du Cap-Breton, il entra bientôt en conflit avec DesBarres.
La pénurie périodique de ravitaillement pendant les premières années de la colonie fut la principale pomme de discorde. Officiellement, seuls les troupes et les Loyalistes avaient le droit de recevoir des provisions fournies par le gouvernement britannique, mais comme aucun autre ravitaillement ne parvenait à l’île, cette politique était discriminatoire à l’égard des colons anglais arrivés avec DesBarres. À l’automne de 1785, DesBarres tenta de résoudre le problème en essayant de contrôler lui-même la distribution des ravitaillements fournis par le gouvernement, mais le lieutenant-colonel John Yorke, commandant de la garnison, revendiqua cette responsabilité. Cuyler et Mathews se rangèrent du côté de Yorke pour tenter de conserver la fidélité des Loyalistes et ainsi renforcer leur propre autorité et réduire celle de DesBarres. Les dissensions attisèrent le conflit pendant tout l’hiver et une partie du printemps de 1786. DesBarres ne réussit à obtenir des provisions qu’en s’emparant de celles qu’on avait découvertes dans un navire qui avait fait naufrage au large d’Arichat. Entre-temps, Cuyler continuait de s’opposer à DesBarres, et, à l’été de 1786, il signa une pétition rédigée par les adversaires du lieutenant-gouverneur dans laquelle ils réclamaient sa révocation. Une fois Desbarres rappelé à Londres, cette année-là, Cuyler et Mathews, forts de la justification apparente de leur conduite, étaient plus déterminés que jamais à obtenir la mainmise sur les affaires de la colonie.
Le nouveau lieutenant-gouverneur, William Macarmick, tenta d’amener une réconciliation entre Cuyler, Mathews et leurs partisans, d’un côté, et les défenseurs de DesBarres, dont le juge en chef Richard Gibbons*, de l’autre, mais les deux groupes ne tardèrent pas à s’attirer les foudres de Macarmick. La rupture entre Cuyler et ce dernier se produisit en février 1789 lorsque plusieurs détenus irlandais condamnés à la déportation firent naufrage et durent être logés à Sydney. Cette situation d’urgence épuisa les réserves de vivres de la ville, et Cuyler critiqua la décision de Macarmick de nourrir les détenus, alléguant que les procès-verbaux du conseil avaient été falsifiés pour prouver qu’il avait lui-même appuyé la mesure auparavant. En conséquence, Macarmick suspendit Cuyler du conseil en juin et, pour essayer de le limoger, institua une enquête sur sa conduite et l’accusa de mal administrer les concessions de terre, d’employer un langage immodéré et de pratiquer l’obstructionnisme. L’enquête, mal menée, n’apporta aucune preuve catégorique de mauvaise gestion, mais Macarmick, déterminé à rétablir la paix au conseil, obligea tous les conseillers, sauf Mathews, à reconnaître la culpabilité de Cuyler, et obtint sa suspension en août. Furieux, Cuyler refusa pendant deux semaines de rendre les procès-verbaux du conseil. Puis il partit pour l’Angleterre afin d’interjeter appel auprès du ministère de l’Intérieur. Bien qu’il ne reçût qu’une légère semonce et qu’il fût réintégré dans ses fonctions, il ne resta pas longtemps à Sydney après son retour en octobre 1790. Avant d’arriver, il avait fait circuler un pamphlet contre Macarmick et, après avoir abandonné toutes ses fonctions, il quitta le Cap-Breton au début de 1791.
Après avoir quitté l’île du Cap-Breton, Cuyler retourna à Albany et essaya de récupérer une partie de la propriété qu’il avait perdue durant la révolution. En 1784, il avait présenté une liste de ses biens à la commission chargée d’examiner les réclamations des Loyalistes. Les rebelles avaient confisqué et liquidé, entre autres choses, une « habitation et un entrepôt » à Albany (1 262 £) ; la terre du domaine du père de Cuyler, dont il possédait un cinquième des parts (350 £) ; des meubles de maison (300 £) ; des devises new-yorkaises (12 326, 80 £) ; et trois Africains réduits en esclavage (200 £). La commission lui accorda une somme de 1 360 £.
En 1795, on lui accorda, ainsi qu’à sa famille, 4 000 acres de terre dans le canton de Farnham, à l’est de Montréal. Cuyler se joignit à un groupe de dix personnes pour essayer d’obtenir le canton en entier, mais lorsque la concession fut accordée, en 1799, il se trouvait encore à Albany et ne put ainsi recevoir sa part. En 1802, il quitta Farnham pour Montréal, où il passa le reste de sa vie.
Abraham Cuyler est un personnage digne de compassion. De toute évidence homme talentueux et ambitieux, il subit de lourdes pertes lors de la Révolution américaine et l’absence de possibilités d’avancement au Cap-Breton le frustra. Il s’installa tard au Bas-Canada et ne put ainsi obtenir une place de choix dans la structure administrative de cette colonie. Bien que ce soit lui qui ait amené le premier groupe important au Cap-Breton, après la chute de Louisbourg en 1758, son influence dans le développement de l’île fut plutôt néfaste. La faction qu’il créa avec Mathews pour s’opposer à DesBarres se transforma en une opposition marquée contre les autorités gouvernementales pendant toute la durée de la colonie.
APC, MG 11, [CO 217] Cape Breton A, 1 : 9, 13–15, 16–18, 37s., 136s., 151 ; 2 : 370s. ; 3 : 112–115 ; 7 : 25s. ; Nova Scotia A, 108 :240–242 ; [CO 220] Cape Breton B, 4 : 126 ; 5 : 4–13, 84–90, 134–137, 179s., 249s. ; 6 : 15s., 92s., 115–296 ; RG 1, L3L- : 34628, 34665–34667, 34827s.— A. H. Cuyler, Cuylers of Canada and other places (s. l., 1961).— A. C. Flick, Loyalism in New York during the American revolution (New York, 1901 ; réimpr. 1969 ; réimpr. [1970]).— Jonathan Pearson, Contributions for the genealogies of the first settlers of the ancient county of Albany, from 1630 to 1800 (Albany, N.Y., 1872).— R. [J.] Morgan, « Joseph Frederick Wallet DesBarres and the founding of Cape Breton colony », Rev. de l’univ. d’Ottawa, 39 (1969) : 212–227 ; « The loyalists of Cape Breton », Dalhousie Rev., 55 (1975–1976) : 5–22.
Bibliographie de la version modifiée :
N.S. Arch. (Halifax), St. George’s Anglican Church, Sydney, 1785–1827, p.39 (Diana Bustian [sic] burial record ; accessible à archives.novascotia.ca/Africanns/archives/?ID=49).—National Arch. (Londres), AO 12/19 (American loyalists claims, ser. 1, subser. evidence, New York), pp.153–167.—Royal Gazette (New York), 3 nov. 1779.— H. A. Whitfield, Biographical dictionary of enslaved Black people in the Maritimes (Toronto, 2022) ; North to bondage : loyalist slavery in the Maritimes (Vancouver et Toronto, 2016).
Robert J. Morgan, « CUYLER, ABRAHAM CORNELIUS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/cuyler_abraham_cornelius_5F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/cuyler_abraham_cornelius_5F.html |
Auteur de l'article: | Robert J. Morgan |
Titre de l'article: | CUYLER, ABRAHAM CORNELIUS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 2023 |
Date de consultation: | 11 oct. 2024 |