HARTY, WILLIAM, homme d’affaires et homme politique, né le 8 mars 1847 dans le canton de Biddulph, Haut-Canada, fils de John Harty et d’Elizabeth Heenan ; en 1870, il épousa Catherine Mary Bermingham (décédée en 1889), d’Ottawa, et ils eurent deux fils et une fille ; décédé le 1er avril 1929 à Kingston, Ontario.

Fils d’immigrants de Tipperary (république d’Irlande), William Harty étudia à Kingston dans des établissements catholiques, d’abord chez les Frères des écoles chrétiennes, puis au Regiopolis College. Avant l’âge de 20 ans, il se joignit à son oncle James Harty, grossiste en alimentation dans cette ville, et reprit l’entreprise après le décès de celui-ci. Il appartenait au Bureau de commerce local et en devint président en 1873. L’année suivante, à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, il assista à l’assemblée de la Chambre de commerce de la Puissance, où furent rejetées les propositions de l’éminent réformiste George Brown* au sujet d’une entente de réciprocité avec les États-Unis. Néanmoins, cette expérience confirma son soutien au Parti libéral.

Fort du succès de son commerce d’épicerie, Harty se lança dans d’autres entreprises. De 1875 à 1879, il fit partie du conseil d’administration et du comité de direction de la Kingston and Pembroke Railway Company. Peut-être parce que cette expérience s’avéra fructueuse pour lui, il quitta le domaine de l’alimentation en 1881 et participa à la mise sur pied de la Kingston Charcoal and Iron Company. De plus, avec d’autres Kingstoniens – dont deux députés fédéraux, George Airey Kirkpatrick* et sir Richard John Cartwright*, et deux anciens maires, John McKelvey et John Breden –, il acquit des intérêts majoritaires dans la Canadian Locomotive and Engine Company. Cette société, issue d’une fonderie située à Kingston sur le bord du lac Ontario [V. James Morton*], avait alors son bureau à Montréal et traversait une mauvaise passe. Le groupe de Harty réinstalla le bureau à Kingston, nomma Harty administrateur délégué, exploita l’usine avec succès durant sept ans, puis la vendit à une société écossaise, la Dubs and Company. À ce moment-là, Harty quitta l’entreprise pour assumer au Canada la direction générale d’une société new-yorkaise, l’Equitable Life Assurance Society of the United States.

En l’absence de Harty, la situation de la Canadian Locomotive and Engine Company se détériora à nouveau. Comme la Dubs and Company éprouvait aussi des difficultés, son principal créancier, la Banque de Montréal, obtint des tribunaux la nomination de deux syndics, A. F. Riddell et Kennet William Blackwell. Un groupe dirigé par Harty, qui était devenu entre-temps député provincial, présenta une offre en vue de prendre le contrôle de la Canadian Locomotive et de rouvrir l’usine. En 1900, les syndics choisirent cette offre. Avec son beau-frère Cornelius Bermingham et un ingénieur torontois, Michael John Haney, lui aussi libéral, Harty acheta la compagnie pour la somme de 60 000 $. Les trois hommes avaient promis (c’était là un aspect important de l’entente) de moderniser l’usine, qui ne répondait plus aux critères de l’industrie. Grâce à des améliorations techniques et aux relations politiques de Harty, la Canadian Locomotive and Engine Company obtint de nouveaux contrats, notamment du chemin de fer Intercolonial et des grands entrepreneurs ferroviaires Donald Mann* et William Mackenzie, et elle redevint l’un des principaux employeurs de Kingston. Le 6 novembre 1900, le Daily British Whig, organe libéral, claironna : « L’usine en de bonnes mains. L’honorable William Harty maintenant propriétaire. Des commandes pour 32 locomotives. Tout compte fait, les libéraux [sont] les seuls amis de l’ouvrier. » Le 7 février 1901, l’entreprise fut reconstituée juridiquement sous le nom de Canadian Locomotive Company Limited. La même année, le syndicat local des machinistes y déclencha une grève parce que des tâches dévolues à ses membres étaient assignées à des ferronniers. Le conflit perdura jusqu’en 1905, mais la production n’en souffrit pas car la compagnie employait des remplaçants.

Même si Harty et ses associés avaient réussi à restaurer la réputation de l’entreprise, des tensions régnaient entre eux. Harty, qui en était président, refusait en effet d’étudier les offres de participation d’investisseurs américains et tenait à garder la compagnie à Kingston. Il se brouilla tellement avec Bermingham qu’il ne lui adressa plus jamais la parole. Les deux beaux-frères finirent tout de même par ouvrir une plus grosse usine de locomotives à Montréal, tout en gardant leur poste dans l’entreprise de Kingston. En 1911, malgré ses relations dans le milieu des affaires, Harty perdit la haute main sur la Canadian Locomotive Company au profit d’un groupe de spéculateurs torontois dirigé par Edward Æmilius Jarvis*. Peu après, il démissionna. Demeurés au sein de l’entreprise, ses fils en deviendraient à leur tour présidents, John Joseph (Jock) en 1917 et William en 1924.

Parallèlement à sa carrière d’industriel, Harty mena une vie politique très active à Kingston. Il avait été élu au conseil municipal en 1879 et appartint à son comité des finances. Président de la Reform Association locale, il accéda à l’Assemblée législative de l’Ontario en 1892. Le scrutin de 1894 fut annulé dans sa circonscription à la suite de sa défaite par une voix et, notamment grâce à l’intervention du premier ministre Oliver Mowat*, il remporta l’élection partielle tenue en 1895. Encore une fois, il y eut annulation. Cependant, en octobre 1895, Harty reconquit son siège sans avoir eu à affronter aucun adversaire. En mai 1894, le premier ministre l’avait nommé commissaire des Travaux publics. Harty n’était pas très connu dans le reste de l’Ontario, mais il fallait un représentant catholique pour remplacer Christopher Finlay Fraser* au cabinet. Harty démissionna de ce poste en octobre 1899 tout en restant au cabinet à titre de ministre sans portefeuille et conserva son siège jusqu’en janvier 1902, après quoi il passa à la Chambre des communes à la suite d’une élection partielle dans Kingston. Membre de la délégation des manufacturiers qui s’opposa en janvier 1911 à l’adoption d’un accord de réciprocité commerciale avec les États-Unis par le gouvernement, il ne se présenta pas aux élections de septembre, qui portaient sur cette question. Sa correspondance avec le premier ministre, sir Wilfrid Laurier*, en dit long sur sa conception de la politique. La plupart du temps, il y sollicite de l’aide financière pour sa compagnie de locomotives ou plaide en faveur du maintien de la protection tarifaire. De son côté, Laurier lui demande du soutien financier et politique.

Après avoir pris sa retraite en 1911, Harty demeura actif sur la scène publique à titre d’administrateur de la Queen’s University de Kingston et de président du conseil d’administration de la School of Mining and Agriculture, qui y était affiliée. Il avait déjà manifesté son intérêt pour l’éducation en participant en 1883 avec sa femme, Catherine Mary Bermingham, à la création du Women’s Medical College, à la même université [V. Jenny Kidd Gowanlock]. De plus, il avait accepté en 1892 un poste au conseil de la University of Toronto. Le décès de son fils aîné, John Joseph, survenu en 1919 à cause d’une pneumonie, assombrit ses vieux jours. Lui-même mourut en 1929. Il laissait dans le deuil deux enfants, William et Kathleen. La valeur de sa succession dépassait le million de dollars.

William Harty était essentiellement un Kingstonien. En 1908, il déclara à ses électeurs que des motifs personnels et altruistes l’avaient poussé à racheter la Canadian Locomotive Company. Au moment de la transaction, il télégraphia le message suivant à sa ville : « en essayant de m’aider moi-même, je me réjouis de pouvoir faire quelque chose pour mes vieux employés de la Locomotive Works et pour Kingston ». Voilà qui résume bien sa vision des affaires et de la politique. Il devait son immense réussite à la ville du calcaire et s’efforça de la payer en retour.

Andrew Thomson

AO, RG 22-159, nº 4215.— BAC, MG 26, G, Harty à Laurier, 11 déc. 1903 ; Laurier à Harty, 14 déc. 1903.— Daily British Whig (Kingston, Ontario), 6 nov. 1900.— Kingston Whig-Standard, 1er avril 1929.— Katherine Bermingham Macklem, The Berminghams of Kingston (Kingston, 1977).— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 1.— Fritz Lehmann, « The Canadian Locomotive Company’s response to three crises in the post–World War II era » (exposé présenté à l’assemblée annuelle de la SHC, Kingston, 1991).— D. R. McQueen et W. D. Thomson, Constructed in Kingston : a history of the Canadian Locomotive companies, 1854–1969 (Kingston, 2000).— George Richardson, « The Canadian Locomotive Company », dans To preserve & defend : essays on Kingston in the nineteenth century, G. [J. J.] Tulchinsky, édit. (Montréal et Londres, 1976), 157–167.— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell).— A. A. Travill, Medicine at Queen’s, 1854–1920 : a peculiarly happy relationship ([Kingston, 1988]).

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Andrew Thomson, « HARTY, WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 10 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/harty_william_15F.html.

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Année de la publication:    2005
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