HIGGINS, DAVID, capitaine de navire, marchand, colonisateur et fonctionnaire ; le 6 juin 1773, il épousa Elizabeth Prince à Boston ; décédé en avril 1783 à Charlottetown, île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard).

On ne sait rien des origines ni des premières années de David Higgins. La première mention qu’on ait de lui date des années 1760, au moment où, capitaine de navire, il s’occupait de la pêche dans le golfe Saint-Laurent. En 1767, à la loterie du Board of Trade, i[ tira, avec les marchands Hutcheson Mure et Robert Cathcart, le lot 59 situé sur l’île Saint-Jean. Deux ans plus tard, il s’associa avec James William Montgomery, procureur général d’Écosse. Ils projetaient de transformer, en un centre de pêche, de commerce et d’exploitation de bois, le lot 59, qui donnait sur la baie de Cardigan, et le lot adjacent 51, qui appartenait à Montgomery. Probablement à cause de ses relations avec Montgomery, Higgins fut nommé intendant du commerce maritime (naval officer) de l’île, de même que l’un des premiers membres de son conseil. Le comte de Hillsborough, secrétaire d’État des Colonies américaines, l’autorisa à assumer la garde des marchandises et des provisions que Michæl Francklin, lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse, avait commandé d’envoyer à Charlottetown en 1768, dans une tentative avortée de favoriser ses amis et ses associés.

Higgins arriva dans l’île en septembre 1769 et fit rapport à Whitehall que le gouverneur Walter Patterson serait désappointé s’il s’attendait, comme résultat des efforts de la Nouvelle-Écosse, à « de bonnes maisons, des provisions, des ustensiles nombreux, des navires, etc. » ; en effet, les maisons étaient inachevées et inhabitables, les provisions gâtées, les navires en mauvais état, les marchandises hors de service et les outils fort rouillés et inutilisables. Montgomery avait muni Higgins d’une pleine cargaison de marchandises de traite à vendre aux éventuels colons et d’une lettre de crédit illimité à l’adresse d’un important marchand bostonnais, Job Prince, le futur beau-père de Higgins. Celui-ci n’eut pas de difficultés à écouler ces marchandises non plus que celles qu’il se procura par la suite en Nouvelle-Angleterre, ce qui contribua à sauver plusieurs nouveaux venus de l’inanition, mais la plupart de ses transactions se faisaient uniquement à crédit. Higgins tint un magasin à Georgetown et, sur le lot 59, il construisit un moulin à scier et un moulin à farine. I[ défricha 30 acres de sa future ferme St Andrew et établit 32 petits tenanciers, dont une douzaine de familles acadiennes familières avec la pêche. Il expédia en Grande-Bretagne 22 chargements de bois au début des années 1770, mais, à cause de la chute des prix, il recouvra à peine lés frais de préparation et de transport. Higgins servit comme chef du premier grand jury de l’île, et on le nomma « contrôleur des laissez-passer » de Georgetown, en 1771, pour empêcher les domestiques engagés de quitter l’île sans congé. Le conseil le congédia en 1773 pour s’être absenté des séances sans autorisation.

En 1774, épouvanté des montants tirés sur lui – près de £4 000 au total – sans que jamais il en vît quelque dividende, Montgomery cessa de payer les lettres de change de Higgins et le rappela pour qu’on fit ses comptes. En route, Higgins s’arrêta à Boston pour céder à Job Prince ses intérêts dans le lot 59 (et les édifices y construits, appartenant à Montgomery) afin de satisfaire à quelques-unes de ses dettes. En Écosse, Montgomery ne put comprendre grand-chose aux livres de son associé, mais il amortit la dette en retour du tiers du lot 59 appartenant à Higgins (dont il ne découvrit la vente à Prince qu’après la mort de Higgins), ainsi que d’un autre tiers du même lot et de la moitié du lot 12 que Higgins avait finalement acquis, et d’une obligation de £2 400. En contrepartie, Higgins devint le locataire de Montgomery pour les deux tiers du lot 59, la moitié du lot 12, l’ensemble du lot 51 et l’île de Panmure au loyer de £100 par année, qui devait finalement s’élever à £300. Ayant déjà investi et perdu la « petite fortune » de sa femme et ayant résidé dans l’île pendant cinq ans « dans un état guère meilleur que celui d’esclave », Higgins se sentit obligé d’y retourner à l’été de 1775 avec une autre charge de marchandises de commerce et un équipement complet pour la distillation de la mélasse. Avec tout ce fourniment, présumément obtenu à crédit, il espérait se servir de Three Rivers (la région entourant Georgetown) comme base d’un commerce triangulaire, avec la Grande-Bretagne et les Antilles, de poisson, de bois, de mélasse et de marchandises de traite. La guerre d’Indépendance américaine ruina ses projets. Des corsaires prirent son navire dans son voyage, d’aller, et Higgins ne put conserver sa liberté et sa cargaison qu’à grands frais. Si, cette fois, il sauva ses précieux appareils à distiller, ils lui furent enlevés au cours des raids américains sur Three Rivers, plus tard au cours de la guerre. Élu à la chambre d’Assemblée, en juillet 1779, Higgins démissionna en mars 1780, après en avoir été le président. Il tentait encore de rester en affaires en 1781, année où il écrivit a Haldimand pour lui offrir d’être son agent dans le golfe, mais il abandonna en 1782 et déménagea sa famille à Charlottetown. Il retourna à Three Rivers à bord d’un schooner sur lequel il chargea tout ce qui pouvait être déplacé pour le vendre dans la capitale. La plupart des fonctionnaires de l’île vinrent au secours de Higgins en lui retirant des mains, à prix d’amis, des choses telles que portes, fenêtres, équipement de forgeron, même si, selon un observateur, « aucun n’avouera y avoir participé ». Et, dernière indignité, un « Mr Barry [probablement le capitaine Walter Berry] » enleva la femme de Higgins. Accablé par ses dettes et par sa « femme déshonorant son lit », Higgins s’embarqua dans une soûlerie de quatre mois, qui finit par une fièvre fatale, en avril 1783. Un autre des agents de Montgomery, David Lawson*, entreprit de gérer la succession de Higgins et obtint la garde de ses livres de comptes, dont la rumeur dans l’île voulait qu’ils fissent état de grandes sommes dues par les principaux fonctionnaires, en particulier par le procureur général Phillips Callbeck. Montgomery, le créancier principal, malgré des années de litiges, ne put jamais entrer en possession de ces livres.

Un des premiers aventuriers de l’île, David Higgins compta parmi les plus actifs et les plus entreprenants, et il aida beaucoup de colons. Le lieutenant-gouverneur Thomas Desbrisay* écrivit, à la mort de Higgins, que celui-ci fut « un homme qui rendit plus service aux petites gens d’ici que tous les fonctionnaires du gouvernement ensemble ». Mais les services rendus ne payèrent pas les factures, non plus qu’ils ne satisfirent les créanciers. Presque tout l’argent utilisé ne lui appartenait pas et, à sa mort, Higgins était virtuellement en banqueroute – ce qui démontre la nature des problèmes des premiers marchands de l’île Saint-Jean.

J. M. Bumsted

BL, Add. mss 21 734, f.127.— PRO, CO 226/1, f.55 ; 226/4, ff.1–2, 29–32, 119–121, 175–178.— Scottish Record Office (Édimbourg), Montgomery estate papers in the muniments of Messrs. Blackwood and Smith, W.S., Peebles, Estate papers, GD293/2/78/23 ; 28 ; 30 ; 45 ; 47 ; 61 ; 293/2/79/1 ; 19 ; 46 ; 49 ; 51 ; 52.— Brebner, Neutral Yankees (1969), 85s.— A. H. Clark, Three centuries and the Island : a historical geography of settlement and agriculture in Prince Edward Island, Canada (Toronto, 1959).

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J. M. Bumsted, « HIGGINS, DAVID », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/higgins_david_4F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
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