JOHNSON, GEORGE, séparatiste anglais ; avec trois compagnons, il vint au Canada en 1597 à la recherche d’un endroit propice à l’établissement d’une colonie de Pèlerins ; il nous à laissé le récit de ses aventures ; né en 1564, décédé en 1605.
Depuis 1590, les séparatistes puritains, appartenant à la secte de Robert Browne, subissaient en Angleterre une violente persécution. Quatre d’entre eux devaient venir au Canada. Francis Johnson (1562–1618), ancien membre de Christ’s College, à Cambridge, et ministre anglican, adhérait au mouvement séparatiste de Henry Barrow (exécuté en 1593), à Londres, il était pasteur d’un groupe de fidèles de Barrow qui furent arrêtés en masse en 1592. Daniel Studley était un ancien parmi les propres paroissiens de Barrow ; sa vie n’est guère connue, mais on sait qu’il à été condamné à mort et que sa peine fut commuée en 1593. John Clarke (ou Clerke), cultivateur de Wallsoken, Norfolk, était en prison depuis 1590. Enfin, George Johnson, qui avait fréquenté Christ’s College, à Cambridge, était maître d’école au moment où il fut arrêté en 1593. Une loi du Parlement, en date de 1593, imposait une sentence de mort où de bannissement à tous les séparatistes qui ne s’étaient pas réconciliés avec l’Église d’Angleterre. À partir de ce moment, on les relâcha et ils s’exilèrent à Amsterdam où ils fondèrent une assemblée ; les chefs restèrent en prison. Francis Johnson, dès 1593, avait présenté une pétition demandant que les séparatistes soient autorisés à se retirer quelque part dans l’un des dominions de la reine, où ils pourraient pratiquer librement leur religion. En 1597, l’occasion survint. Le capitaine Charles Leigh et ses amis, probablement appuyés par le vieux Lord Burghley, leur offrit la chance de fonder un établissement anglais à Ramée (îles de la Madeleine) dans le golfe du Saint-Laurent. Le Privy Council, le 25 mars 1597, accepta la demande que les brownistes lui adressèrent de leur prison en vue de s’y établir. Quatre d’entre eux devaient partir sur-le-champ et « emporter les articles de ménage et autres instruments qui étaient nécessaires à leur usage » ; ils devaient y garder l’un des navires, passer l’hiver sur les îles et recevoir le renfort du reste des exilés en 1598.
Partis de la Tamise, les vaisseaux Hopewell et Chancewell gagnèrent Falmouth en avril 1597 ; Francis Johnson, chef du groupe des fidèles, et Studley, l’un des anciens, accompagnaient le capitaine Leigh à bord du Hopewell – leur histoire se confondra désormais avec celle de Leigh – tandis que George Johnson et John Clarke, ce dernier choisi sans doute pour ses connaissances pratiques en, agriculture, étaient sur le Chancewell. Un incident fâcheux survint à Falmouth. George, Johnson avait fait circuler parmi l’équipage le credo browniste : A true confession of the faith (Amsterdam, 1596) ; la préface de Henry Ainsworth décrivait le sort poignant des séparatistes : « nous ne sommes que des étrangers et des pèlerins luttant contre de nombreux et puissants ennemis. » Le texte était vraiment séditieux. Le capitaine Stephen van Harwick du Chancewell voulait prendre des mesures sévères contre George Johnson ; mais Francis intervint et l’expédition put reprendre la mer. (George essaya encore de convertir les matelots à Terre-Neuve ; il se produisit d’autres dissensions que Francis apaisa de nouveau.) Les navires traversèrent ensemble l’Atlantique et arrivèrent dans les eaux de Terre-Neuve le 18 mai. Après avoir momentanément perdu le contact, ils se retrouvèrent à la baie de la Conception le 20, puis longèrent le littoral de l’île. À la fin, ils se perdirent de vue dans un brouillard, le 5 juin, au large de la baie de Plaisance (Placentia).
Le Chancewell, de toute évidence, n’avait pas de pilote pour se rendre aux îles de la Madeleine et ne fit aucun effort pour y aborder ; il fit route vers le Cap-Breton. Il se peut que le capitaine ait eu l’intention de faire la pêche où de chercher quelque navire à capturer le long de la côte ; peut-être aussi eut-il le dessein de fournir à ses passagers puritains l’occasion de rechercher d’autres emplacements pour leur colonie. Quoi qu’il en soit, le Chancewell fit naufrage dans une grande baie, à quelque 18 lieues (environ 54 milles) du Cap-Breton (du côté ouest, peut-être dans la baie Sainte-Anne). George Johnson raconte que « le navire obéissant à l’impétuosité du capitaine donna sur les récifs par une belle journée ensoleillée. » On réussit à dégager le vaisseau et à l’échouer sur la grève ; cependant, on ne l’entoura d’aucune mesure de protection et il tomba aux mains de pêcheurs basques-français venant de Ciboure où leur flotille s’occupait à la pêche dans les parages. Ils dépouillèrent le navire et les hommes de tous biens, ne laissant à peu près que les embarcations. Johnson et Clarke perdirent tous leurs outils de colonisation ; au reste, ils étaient pour le moins en mauvais termes avec le capitaine van Harwick. Celui-ci se trouvait alors dans une position dangereuse ; il croyait que ce qu’il avait de mieux à faire était de tenter de contre-attaquer les Français, mais il avait compté sans les scrupules de ses passagers puritains qui, refusant d’encourager le vol, s’opposèrent à son projet. D’un air sarcastique, il leur donna le choix entre être abandonnés au milieu des Indiens (et périr), tomber aux mains des Français (et être forcés d’entendre la messe), où se joindre à lui pour attaquer un vaisseau de pêche. Ni Clarke ni Johnson ne voulurent choisir ; ils se contenteraient d’accepter « la décision qu’il leur imposerait » et qu’ils subiraient avec l’aide de Dieu ; toutefois, le capitaine hésita à décider à leur place et il crut bon d’attendre. Entre-temps, van Harwick équipa ses hommes et gréa ses barques du mieux qu’il put. Trois où quatre jours plus tard, alors qu’en compagnie de George il se promenait sur la grève, « devisant de ces problèmes », « il aperçut soudain (il avait l’œil vif) un navire bien au large et dit : « Je vois un vaisseau. » George Johnson répliqua : « C’est peut-être le Seigneur qui nous envoie ainsi de l’aide », et il pria van Harwick de dépêcher une chaloupe à sa rencontre. Ce qui fut fait. De la rive, on reconnut bientôt que c’était un navire anglais, et l’espoir grandit que c’était peut-être le Hopewell. C’était bien lui. Le 27 juin eut lieu la joyeuse réunion des quatre exilés. « En vérité, je puis maintenant écrire sans pleurer au souvenir de cette faveur étonnante de la Providence divine même en terre étrangère », écrivait George en 1603. Francis partagea ses effets et ses vivres avec son frère. Le Hopewell, avec cette augmentation d’effectifs, commença à exercer contre les Français des représailles qui devaient occuper le capitaine Leigh jusqu’au 5 août suivant. On n’essaya pas d’étudier plus avant les projets de colonisation. Nous pouvons présumer que Francis Johnson et Studley avaient perdu leurs illusions à la suite de leurs épreuves aux îles de la Madeleine, où du moins qu’ils n’envisageaient plus la perspective de fonder un établissement stable.
À bord, les puritains étaient absorbés par leurs propres soucis. Aux dires de George Johnson, Daniel Studley se tenait à l’écart des frères réunis et Pavait incité, lui, George, à « réprimander et admonester » le capitaine Leigh au sujet de certaines faiblesses dont on ne mentionne pas le nom. Le capitaine naturellement s’irritait de ces intrusions, même s’il était favorable aux croyances de ses passagers. Il en résulta une querelle entre lui et George, « un bon vieil ami de toujours ». Et puis ce fut encore Studley, nous dit George, qui raviva les critiques théologiques portant sur la façon dont se vêtait la femme de Francis Johnson ; cette discussion avait déjà divisé les fidèles en prison. Nous avons une description imagée de George et de Studley couchés dans leur cabine et tendant le cou pour se lancer l’un à l’autre des arguments bibliques sur ce sujet compliqué. Pendant ce temps, le Hopewell cherchait à retrouver les effets qui avaient été pris à bord du Chancewell sur la côte du Cap-Breton ; puis il longea le littoral sud-ouest de Terre-Neuve ; il y rencontra un vaisseau breton, s’en empara et fit voile vers l’Angleterre le 5 août. Au milieu de l’Atlantique, la discussion devint si violente que George fut banni du groupe ; Francis Johnson, selon George, alla jusqu’à prier le capitaine Leigh de le garder à bord, de peur qu’il ne jette la discorde parmi le groupe en Angleterre. Les Pèlerins déçus atteignirent l’île de Wight le 5 septembre ; de Southampton, ils se rendirent à Londres ; ils forcèrent George à rester calme pour ne pas attirer l’attention sur eux. Nous n’avons aucun document portant sur les discussions qui eurent lieu avec les autres fidèles restés à Londres et à ce moment-là libérés sur parole. On sait qu’ils optèrent contre l’émigration en Amérique (même si Leigh se montrait toujours en faveur d’un établissement aux îles de la Madeleine). Ils quittèrent Londres afin de rejoindre à Amsterdam les émigrants qui y étaient déjà rendus.
George Johnson était un déséquilibré ; par ses controverses avec son frère et Daniel Studley, il continua à semer la division parmi cette Église ; il en fut expulsé et écrivit son Discourse of some troubles (1603) ; ce livre n’existe que sous forme de copie à Trinity College, à Cambridge, et au Sion College, à Londres) ; entre autres choses, il y relate ses aventures au Canada. Par la suite, il rentra à Londres et retourna en prison où il mourut, à Durham, en 1605. Studley continua de se livrer à des polémiques jusqu’en 1612. George Johnson nous dit qu’il « consignait par écrit toutes sortes de choses contre moi, ce qui provoqua notre mise à l’écart lorsque nous étions en mer et à Terre-Neuve ; il n’en discutait jamais avec moi, mais il lançait ses attaques en pleine assemblée. » Malheureusement nous n’avons pas son journal d’Amérique. Il n’est plus mention de John Clarke par la suite. Jusqu’à sa mort, survenue en 1618, Francis Johnson dirigea courageusement l’ » Ancienne Eglise », comme on l’appela plus tard, à travers toutes sortes de vicissitudes, en Hollande et à Emden. On ignore s’il contribua personnellement à raviver le projet d’aller s’installer en Amérique. Toutefois William Bradford, le fondateur de la colonie de Plymouth, considérait les Pèlerins de 1597 comme les précurseurs de ceux de 1620. Dans son « Dialogue » (écrit vers 1648 et reproduit dans A. Young, Chronicles of the pilgrim fathers (2e édit., Boston, 1844), 440s.), il déclare au sujet des adhérents de Browne : « En toute vérité, ils ont vécu, la plupart du temps, dans un état misérable et difficile ; si on essayait de le décrire, on aurait peine à le croire. Il n’y à pas à s’en étonner. Nombre d’entre eux connurent la prison ; ils furent ensuite bannis à Terre-Neuve où on les maltraita ; enfin, ils se rendirent aux Pays-Bas où ils se trouvèrent privés d’argent, de travail, d’amis où de connaissances, et incapables de parler la langue du pays pour se tirer d’embarras. Comment aurait-il pu en être autrement ? » L’aventure de la Ramée fut un faux pas sur la voie de Plymouth.
[Pour de plus amples détails sur l’expédition, V. Leigh.]. Pour la bibliographie, V. celle de Leigh.
David B. Quinn, « JOHNSON, GEORGE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/johnson_george_1F.html.
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Auteur de l'article: | David B. Quinn |
Titre de l'article: | JOHNSON, GEORGE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1966 |
Année de la révision: | 1986 |
Date de consultation: | 2 oct. 2024 |