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KONDIARONK (Gaspar Soiaga, Souoias, Sastaretsi), connu des Français sous le nom de « Le Rat » ; chef tionontaté ou huron pétun de Michillimakinac ; né aux environs de 1649 et décédé à Montréal le 2 août 1701, au cours des négociations de paix entre les tribus des lacs supérieurs et les Iroquois.
Après la dispersion des Hurons par les Iroquois, en 1649, les Tionontatés se fixèrent finalement à Michillimakinac, pays de plusieurs tribus algonquines. Séparés par des différences culturelles et linguistiques, les hurons ne s’intégrèrent pas aisément à la communauté algonquine ; une mince palissade les isolait ostensiblement du village des Kiskakons (Outaouais). Même s’ils étaient alliés de nom des Algonquins, même s’ils vendaient du maïs aux bandes de chasseurs et de pêcheurs qui se groupaient à l’entrée du détroit, les Tionontatés n’en étaient pas moins tout disposés à faire des propositions d’amitié aux Iroquois, s’ils venaient à sentir que leur sécurité était menacée. Ils craignaient, avant tout, que les Iroquois, qui étaient presque toujours en guerre avec les Miamis et les Illinois au sud de leur contrée, dans le dessein d’obtenir de nouveaux territoires de chasse au castor, ne se tournent vers les tribus du détroit de Mackinac.
Une crise ne tarda pas à éclater. Un chef tsonnontouan, qui s’était égaré au cours d’une incursion vers l’Ouest, fut capturé par quelques Winnibagos qui le ramenèrent comme une prise de guerre à Michillimakinac. Durant une réunion avec Henri Tonty, dans un wigwam des Kiskakons, un Illinois assassina le captif tsonnontouan. De peur d’être anéanties par les Iroquois, les tribus du détroit de Mackinac recherchèrent la protection du gouverneur français et c’est au cours des négociations entreprises à cette fin avec Buade* de Frontenac, en 1682, que Kondiaronk se fit remarquer pour la première fois.
Pendant que l’orateur outaouais gémissait sur le sort des siens, affirmant qu’ils n’étaient pas mieux que morts, suppliant leur père d’avoir pitié d’eux, Le Rat reconnaissait « que la situation était renversée » et rappela à Frontenac que le Huron, qui jusque-là était son frère, « est maintenant ton fils » et que, par conséquent, il avait droit à la protection du gouverneur en retour de son obéissance. Ces flatteries ne convainquirent pas Frontenac plus qu’elles ne contentèrent les Kiskakons car ce n’était plus un secret pour personne que les Hurons avaient fait parvenir des ceintures de porcelaine aux Iroquois sans en avertir leurs alliés ni aviser Onontio (le gouverneur). Quand on l’interrogea, Kondiaronk expliqua que le geste des Hurons était une tentative pour régler l’affaire du guerrier assassiné, mais les Kiskakons rétorquèrent que, non seulement les Hurons avaient tenu les Outaouais à l’écart de l’envoi des ceintures de porcelaine, mais qu’ils leur avaient fait porter tout l’odieux de l’incident. Après avoir confié aux Hurons le soin d’apaiser les Tsonnontouans en leur nom, les Outaouais redoutaient maintenant une action unilatérale qui pourrait se retourner contre eux.
Malgré les efforts de Frontenac qui tenta de les amener à se faire mutuellement confiance, les deux tribus retournèrent à Michillimakinac, fort embarrassées d’être voisines, tandis que l’agression iroquoise contre les tribus de l’Ouest continuait de plus belle. Après l’expédition de Brisay de Denonville au pays des Tsonnontouans, en 1687, Kondiaronk et les nations alliées, en retour de leur fidélité, arrachèrent au gouverneur la promesse que la guerre ne cesserait qu’avec l’anéantissement des Iroquois. La paix aurait sans doute répondu au vœu des anciens chez les Iroquois de même qu’elle aurait soulagé une Nouvelle-France épuisée, mais cette paix aurait fait planer sur les Hurons de Michillimakinac un danger que Kondiaronk pressentait fort bien : si les Iroquois n’avaient Plus à se préoccuper des Français, ils pourraient dès lors concentrer leurs forces contre l’Ouest. À l’été de 1688, Kondiaronk décida de frapper lui-même le grand coup. Il leva un parti de guerriers et s’en fut à la recherche de scalps et de prisonniers.
En arrivant au fort Frontenac (Kingston, Ont.) où il désirait obtenir des renseignements, Kondiaronk eut la stupéfaction d’apprendre de la bouche du commandant que Denonville s’efforçait de négocier une paix avec les Cinq-Nations ; on attendait incessamment les émissaires pour les conduire à Montréal. On conseilla à Kondiaronk de rentrer immédiatement dans son village ; il acquiesça, mais intérieurement il était mécontent de la décision des Français. Il se retira donc de l’autre côté du lac de l’Anse à la Famine (baie de Mexico, près d’Oswego) à un endroit où il savait que passeraient les ambassadeurs onontagués en se rendant au fort. Moins d’une semaine plus tard, apparut la délégation composée de quatre conseillers qu’escortaient 40 guerriers. Les Hurons attendirent que les Onontagués s’apprêtent à mettre pied à terre et les accueillirent par une décharge d’armes à feu. Une confusion s’ensuivit, au cours de laquelle un chef fut tué, un certain nombre d’hommes furent blessés et les autres faits prisonniers.
Une fois les captifs solidement liés, Kondiaronk tint, à la lisière du bois, un conseil aux funestes conséquences. Il expliqua qu’il avait décidé d’agir quand Denonville lui avait appris qu’un parti de guerriers iroquois emprunterait cette route. Les infortunés iroquois, protestèrent par la voix de leur premier représentant, le fameux Teganissorens, affirmant qu’ils étaient des ambassadeurs de paix en route pour Montréal. Kondiaronk feignit d’abord le plus profond étonnement, puis la rage et la fureur, maudissant Denonville qui l’avait trompé au point de faire de lui un instrument de perfidie. Puis il dit à Teganissorens et aux prisonniers : « allez, mes freres, je vous délie & vous renvoye chez vos gens, quoique nous ayons la guerre avec vous. C’est le Gouverneur des François qui ma fait faire une action si noire que je ne m’en consolerai jamais, à moins que vos cinq Nations n’en tirent une juste vengence ». Il accompagna ses paroles de présents de fusils, de poudre et de balles, ce qui acheva de convaincre les Iroquois qui l’assurèrent d’ores et déjà que, si les Hurons désiraient une paix séparée, elle leur serait accordée. Kondiaronk avait perdu un homme et la coutume lui accordait le droit d’exiger un remplaçant qu’il adopterait ; les Onontagués lui firent don d’un Chaouanon qu’eux-mêmes avaient adopté ; puis ils rebroussèrent chemin vers leurs villages tandis que les Hurons rentraient à Michillimakinac. Arrivé au fort Frontenac, Kondiaronk rendit visite au commandant et, au moment de partir, lança avec un sang-froid incroyable : « J’ai tué la paix. Nous verrons comme le gouverneur se tirera d’affaire ».
Le détachement de guerriers arriva triomphant à Michillimakinac et présenta le malheureux Iroquois au commandant. Celui-ci, qui ne savait rien des projets de paix entre son gouvernement et les Iroquois, condamna l’Indien à être fusillé. Devant les protestations du détenu, qui affirmait que cette exécution était une violation de l’immunité diplomatique, Kondiaronk déclara que l’homme avait le cerveau dérangé et que, par surcroît, il craignait la mort. Kondiaronk fit venir un vieil esclave tsonnontouan afin qu’il soit témoin de l’exécution ; il lui raconta l’épisode de la condamnation de son compatriote, puis le libéra pour qu’il aille en avertir les Iroquois. Kondiaronk le chargea de raconter comment les Français avaient violé la coutume de l’adoption et trompé la confiance des Cinq-Nations, les leurrant avec de fausses négociations de paix.
Un membre de la délégation iroquoise qu’avait attaquée Kondiaronk réussit à s’enfuir au fort Frontenac ; les Français l’assurèrent de leur innocence dans toute cette affaire, mais le mal était fait et les négociations de paix irrémédiablement rompues. La nouvelle de la perfidie des Français vola de brasier en brasier, tout au long des « cabanes longues ». On enterra les ceintures de porcelaine et l’on suspendit la chaudière de guerre. Il ne s’était pas écoulé un an depuis la trahison de Kondiaronk que des groupes de guerriers des Cinq-Nations faisaient irruption dans l’île de Montréal ; au cours de l’été de 1689 ils saccagèrent Lachine. Les hostilités étant reprises, en Europe, entre Français et Anglais, la colonie de New York encouragea et soutint l’attaque iroquoise, mais Lom d’Arce, baron de Lahontan, rejeta sur Le Rat la responsabilité d’avoir provoqué les Iroquois à un point tel qu’il était devenu impossible de les apaiser.
Pendant les quelque dix années de guerre qui suivirent, Kondiaronk multiplia les intrigues. En 1689, on le surprit à comploter avec les Iroquois la destruction de ses voisins outaouais et en septembre, voulant sans doute être le spectateur de ses propres méfaits, il descendit à Montréal puis retourna chez lui sans être inquiété. C’était selon lui la preuve que les Français n’avaient pas l’audace de le pendre : mais il avait plus de valeur vivant que mort. Sans doute peut-on le tenir responsable de la rebuffade que Frontenac essuya l’année suivante de la part des Outaouais et aussi des démarches que ceux-ci firent auprès des Iroquois pour conclure un traité leur permettant de trafiquer à Albany. Néanmoins, aux environs de 1695, quand des factions se formèrent chez les Hurons de Michillimakinac, Kondiaronk était à la tête de la faction profrançaise tandis qu’un autre chef huron, Le Baron, dirigeait les partisans favorables à une alliance avec les Anglais et avec les Iroquois : chaque clan avait à sa suite des groupes d’Outaouais. Le Baron désirait s’allier aux Iroquois pour anéantir les Miamis mais, en 1697, Le Rat en avertit les Miamis et attaqua les Iroquois. Dans un violent combat de canots, qui se poursuivit pendant deux heures sur les eaux du lac Érié, Kondiaronk tailla en pièces un parti de 55 Iroquois. Cette victoire anéantissait toute possibilité d’alliance entre Hurons et Iroquois et rétablissait la suprématie de Kondiaronk ; en outre c’est en partie grâce à cette victoire que les tribus de Michillimakinac purent de nouveau se réclamer du titre « d’enfants de Frontenac » quand elles venaient délibérer à Montréal.
Le traité de Ryswick de 1697 avait mis fin au conflit en Europe ; aussi les autorités de New York et de la Nouvelle-France étaient-elles d’accord pour suspendre les hostilités en Amérique. Le retrait de l’appui matériel des Anglais ajouté aux ravages d’une longue guerre poussèrent les Iroquois à faire des ouvertures de paix à Frontenac. Les négociations se poursuivirent pendant plusieurs années pour aboutir au traité de 1701. Kondiaronk assista à toutes les délibérations des alliés. Lors d’une des premières rencontres qui eurent lieu entre Frontenac et les Outaouais pour discuter d’une trêve avec les Iroquois, un délégué goyogouin tenta de confondre les Outaouais en les accusant d’avoir négocié sans la participation d’Onontio. Kondiaronk, « le plus habile & le plus considerable des Nations d’enhaut », rétorqua au Goyogouin : « Nous voilà en presence de nôtre Pere, il ne faut rien lui cacher, raconte donc ce que porte les Colliers que tu nous as adressez & aux Outaouaks ». Le Goyogouin, démonté, ne releva pas le défi.
Après la mort de Frontenac, Le Rat reporta sa vénération sur le nouvel Onontio, Louis-Hector de Callière. En 1700, Callière réunit les diverses tribus à Montréal pour conclure un précaire armistice, prélude à une entente définitive. À cette occasion Le Rat pressa les Iroquois d’écouter la voix de leur père : « Que ce ne soit pas du bout des lévres que vous lui demandez la Paix, pour moi je lui rends la hache qu’il m’avoit donnée, je la mets à ses pieds, qui seroit assez hardi pour la prendre ? » Pendant un certain temps des répliques cinglantes jaillirent de part et d’autre. L’orateur iroquois, après avoir écouté calmement les paroles du Rat, répondit avec esprit : « Onontio avoit jetté la hache dans le Ciel, tout cequi est là haut n’en revient jamais, mais il y avoit un petit cordon attaché à cette hache qu’il a retiré, dont il nous a frapé ». À ce point, Le Rat prit la parole pour leur rappeler que « le Tsonnontaouan ne se promettant que l’entiere destruction des François, ne voulant pas même épargner son Pere, qu’il vouloit mettre le premier à la chaudiere, puisqu’un Iroquois menaça Monsieur de Frontenac de boire son sang dans son crane [...] Que leurs mains étoient toutes ensanglantées de celui de nos Alliez, que leur chair étoit même encore entre leurs dents, & que leurs lévres en étoient toutes bordées que l’on connoissoit leurs cœurs dissimulez ». Comme l’aurait dit Le Rat, dans son style imagé, il faut dissiper les nuages qui enveloppent l’Arbre de la Paix.
La conférence finale eut lieu l’année suivante ; elle débuta le 21 juillet 1701, au moment où Le Roy de La Potherie (dont les écrits sont une source de première main sur les détails du cérémonial) alla rencontrer les délégués au village des Indiens de la mission de Sault-Saint-Louis (Caughnawaga). Une première flottille apparut, composée de 200 Iroquois, sous la direction des ambassadeurs des Onontagués, des Onneiouts et des Goyogouins ; les Tsonnontouans s’étaient désistés en cours de route et les Agniers allaient arriver plus tard. Ils déchargèrent leurs fusils en guise de salutation et leurs frères de la mission, alignés sur la grève, répondirent de même. Pour les accueillir, on avait allumé un petit feu sur le rivage, comme c’était l’usage, puis on les conduisit par le bras jusqu’au lieu du grand conseil où ils fumèrent avec grand calme pendant un quart d’heure. Ensuite on leur adressa les « trois mots particuliers » du rituel des retrouvailles – les pleurs qu’on essuie, le curetage des oreilles, l’ouverture du gosier – afin de les bien disposer aux pourparlers de paix du lendemain avec Onontio.
Le protocole de la diplomatie chez les habitants des bois exigeait un emploi généreux de la métaphore, un cérémonial minutieusement réglé et le concours actif et réciproque des deux parties. La chaudière, la hache, la route, le feu, la natte, le soleil, l’Arbre de la Paix étaient parés tour à tour de qualificatifs symboliques qui correspondaient à l’humeur ou à l’intention du moment. Conduire ou accueillir les files d’Indiens à l’orée du bois, guider les invités par le bras auprès du grand feu, répartir le terrain des réunions, assigner des places aux délégués afin de leur permettre de se retirer pour délibérer puis de revenir répliquer : tout cela se déroulait selon un ordre bien déterminé. Hôtes et invités participaient à parts égales à certains rites : les pleurs qu’on sèche, les discours et les chants qui se répondent, le calumet qui va de l’un à l’autre, les ceintures de porcelaine qu’on dépose, les prisonniers qu’on remet, les présents qu’on distribue et le festin qu’on partage, autant de gestes réciproques. Tout ce rituel faisait partie des traditions des Iroquois et des Algonquins des lacs Érié et Ontario et subsistait aussi d’une façon fragmentaire chez les Indiens du « Conseil iroquois de condoléance ».
Le jour suivant, les Iroquois sautèrent les rapides jusqu’au grand brasier de Montréal où une salve d’artillerie les salua. La fumée du festin de bienvenue s’était à peine dissipée qu’apparurent 200 canots chargés d’alliés des Français : les Sauteux, les Outaouais, les Potéouatamis, les Hurons, les Miamis, les Winnebagos, les Folles Avoines, les Sauks, les Renards et les Mascoutens, soit plus de 700 Indiens qu’il fallait accueillir cérémonieusement lorsqu’ils mettraient pied à terre. Les Indiens des pays lointains, pour se gagner l’amitié de leurs hôtes, exécutèrent leur danse distinctive, la danse du Calumet, qu’accompagnait le crépitement rythmé des courges séchées.
Le 25 juillet, les négociations entre les diverses tribus étaient bien engagées et Le Rat parla des difficultés qu’il avait dû surmonter pour se faire remettre les Iroquois, prisonniers des alliés. Il se demandait si les Iroquois se soumettraient loyalement aux échanges ou s’ils décevraient les alliés en ne rendant pas les neveux faits captifs au cours des 13 dernières années de guerre. Il avait l’intuition que les alliés allaient être trompés même si eux étaient toujours disposés à remettre leurs prisonniers en signe de bonne foi. En effet, le lendemain, les Iroquois admirent qu’ils n’avaient pas amené les captifs qu’ils avaient promis de rendre ; ils expliquèrent que ceux-ci, encore enfants, avaient été adoptés par des familles et qu’il leur fallait avouer qu’ils n’étaient pas maîtres de leurs jeunes. Cette excuse mécontenta les Hurons et les Miamis qui, eux, avaient arraché à leurs familles adoptives les captifs iroquois. On parlementa pendant des jours et des jours.
Le Rat était grandement mortifié de s’être fait duper, lui qui avait persuadé les membres de sa tribu et des autres tribus alliées d’amener. leurs prisonniers iroquois à Montréal ; peu après, il tomba malade, frappé d’une violente fièvre. À la réunion tenue le 1er août pour discuter de la question des prisonniers, il était tellement faible qu’il ne pouvait se tenir debout. Cependant tout étaient contents d’écouter ses paroles : « Il s’étois mis d’abord sur un siege pliant, on lui fit apporter un grand fauteuil de commodité afin qu’il pût se reposer et parler plus à son aise, on lui donna du vin pour le fortifier : il demanda à boire de l’herbe, on reconnut qu’il vouloit du capilaire », un remède iroquois infaillible. Un peu remis, il parla d’une voix traînante et l’assemblée l’écouta d’une attention indéfectible pendant près de deux heures, exprimant à l’occasion son approbation. Bien que manifestement chagriné par la conduite des Iroquois, son habileté de parlementaire lui fit adopter une tout autre tactique. Il passa longuement en revue le rôle diplomatique qui avait été le sien : comment il avait réussi à faire échouer les projets d’incursion contre les Iroquois et comment il avait su convaincre les tribus hésitantes d’envoyer des délégations à Montréal et de rendre leurs prisonniers. « Nous ne pûmes pas nous empêcher d’être touchez, écrivit La Potherie, de l’éloquence avec laquelle il s’énonçoit & d’avouer en même-temps que c’étoit un homme de merite ». Après son discours, Le Rat devint si faible qu’il ne put retourner à sa hutte et on le transporta dans un fauteuil à l’hôpital où son état ne fit qu’empirer. Il mourait à deux heures le lendemain matin.
Les Iroquois, qui aiment les funérailles, vinrent recouvrir sa dépouille. Une soixantaine arrivèrent en procession solennelle et dans la plus grande dignité ; Chabert de Joncaire ouvrait la marche et Tonatakout, le grand chef tsonnontouan, éploré, la fermait. Ils s’accroupirent en cercle autour du corps et le chantre désigné continua à marcher de long en large à pas mesurés pendant près d’un quart d’heure. Un second orateur, Aouenano, lui succéda, qui sécha les pleurs, ouvrit les gosiers pour y verser une médecine sucrée qui raviverait ceux qui pleuraient Kondiaronk. Puis, exhibant une ceinture, il ramena le Soleil, engageant les guerriers à quitter les ténèbres pour entrer dans la lumière de la paix. Il recouvrit alors le corps temporairement en attendant les grands rites solennels. Les délégations d’autres tribus répétèrent des cérémonies analogues.
Les funérailles du Rat eurent lieu le lendemain 3 août 1701. Les Français voulurent témoigner aux Hurons et à leurs alliés le regret qu’ils avaient de la disparition d’un personnage d’une telle importance. Pierre de Saint-Ours prit la tête d’une escorte de 60 hommes suivie de 16 guerriers hurons, en rangs de quatre, vêtus de peaux de castor, le visage noirci en signe de deuil, fusils pointés vers le sol ; puis venait le clergé. Six grands chefs guerriers portaient le cercueil couvert de fleurs et sur lequel on avait déposé un chapeau à panache, une épée et un gorgerin. Derrière la dépouille marchaient le frère et les fils du chef défunt et de longues files de guerriers hurons et outaouais. Madame de Champigny, qu’accompagnait Philippe de Rigaud de Vaudreuil, gouverneur de Montréal, et les officiers d’état-major fermaient la marche. Après le service de rite catholique – Le Rat était un converti des Jésuites – les soldats et les guerriers tirèrent deux volées de mousquet, une pour chacune des civilisations représentées à la cérémonie. Puis les hommes, chacun à leur tour, tirèrent un troisième coup de mousquet. Kondiaronk fut inhumé dans l’église de Montréal ; sa tombe portait l’épitaphe suivante : « cy git le Rat, Chef des Hurons ».
Il ne reste plus trace de la tombe de Kondiaronk. Il repose quelque part sous la place d’Armes ou dans le voisinage immédiat.
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William N. Fenton, « KONDIARONK (Gaspar Soiaga, Souoias, Sastaretsi) (Le Rat) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/kondiaronk_2F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/kondiaronk_2F.html |
Auteur de l'article: | William N. Fenton |
Titre de l'article: | KONDIARONK (Gaspar Soiaga, Souoias, Sastaretsi) (Le Rat) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1969 |
Année de la révision: | 1991 |
Date de consultation: | 2 oct. 2024 |