Provenance : Lien
MERCIER, OSCAR-FÉLIX, médecin, chirurgien, professeur et administrateur d’hôpital, né le 1er décembre 1866 à Montréal, fils de Joseph Mercier, voiturier, et de Zoé Gauthier ; le 4 juin 1895, il épousa dans cette ville Alexina Rolland, et ils eurent un fils et deux filles ; décédé le 26 juillet 1929 à Montréal.
Après ses études primaires à l’école modèle Jacques-Cartier de Montréal et ses études classiques au petit séminaire de Montréal (où il entre en 1879) et au collège Sainte-Marie, Oscar-Félix Mercier, élève brillant et discipliné, entreprend en 1886 des études de médecine à l’université Laval à Montréal. Il obtient son diplôme de docteur en médecine en 1890 et sa licence de pratique du Collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec le 14 mai de la même année. Peu après, il se rend à Paris dans le but de parfaire sa formation chirurgicale. Pendant deux ans, il fréquente la clinique du docteur Paul Reclus, où il s’initie aux pratiques antiseptiques et aseptiques proposées par les chirurgiens français Octave Terrillon et Louis-Félix Terrier, pionniers des méthodes chirurgicales aseptiques. Il constate alors l’efficacité des autoclaves pour stériliser l’eau, les instruments et les pansements chirurgicaux. Il y apprend également les nouvelles techniques d’anesthésie locale, notamment par la cocaïne.
À son retour à Montréal en 1892, Mercier est engagé à l’hôpital Notre-Dame, à titre d’assistant chirurgien du docteur Alfred-T. Brosseau. Il occupe cette fonction jusqu’en 1899, année où il devient chef du service de chirurgie par intérim de l’hôpital en remplacement de Brosseau. Il est confirmé dans ses fonctions l’année suivante. Le contraste entre le maître et l’assistant est frappant. Brosseau, homme en fin de carrière, bourru et peu ouvert, opère selon les procédés classiques où la dextérité s’allie à la rapidité du geste. Mercier, jeune chirurgien curieux, intéressé à la bactériologie médicale et aux nouveautés techniques, est partisan d’un rapprochement entre les sciences de laboratoire et la médecine. Les tensions entre les deux hommes, parfois vives, n’empêchent pas Mercier d’obtenir l’appui nécessaire des autorités de l’hôpital Notre-Dame pour instituer de nouvelles pratiques chirurgicales.
Mercier compte parmi les pionniers de l’introduction des méthodes aseptiques dans le domaine chirurgical. Il utilise les découvertes les plus récentes en matière d’anesthésie générale et locale et opère les patients selon un protocole rigoureux. Plusieurs séjours à Paris (en 1896, en 1920 et en 1924) lui permettent de s’initier au développement rapide de la bactériologie. À l’automne de 1896, par exemple, il s’est inscrit au cours de « microbie technique » [V. Arthur Bernier] que donnent Émile Roux et Ilia Ilitch (Élie) Metchnikov (Metchnikoff) (qui obtiendra le prix Nobel de médecine en 1908) dans les laboratoires de l’Institut Pasteur. Il est alors mis au fait des recherches sur la suppuration des plaies, notamment sur le rôle joué par les staphylocoques et les streptocoques dans les infections postopératoires. Il prend aussi connaissance des premières données recueillies grâce à l’immunologie, telles que les processus de virulence et de phagocytose. De Paris, Mercier rapporte différents procédés de désinfection par des moyens physiques (eau bouillante, chaleur sèche, chaleur humide et étuves à vapeur) et par des moyens chimiques (antiseptiques divers). En somme, il est l’un des premiers chirurgiens canadiens à recevoir une formation théorique et pratique adéquate en techniques microbiennes appliquées à la chirurgie. Sa méthode rigoureuse d’asepsie chirurgicale lui permet d’obtenir des résultats heureux dans les interventions intra-abdominales, notamment les herniotomies et les appendicectomies, jusqu’alors très meurtrières.
La prise en charge du service de chirurgie par Mercier en 1899 consolide les réformes déjà instituées et accélère la modernisation de la pratique chirurgicale. Sous sa direction, des mesures très sévères d’asepsie et d’anesthésie sont appliquées. De plus, les horaires d’intervention et l’accès à la salle d’opération sont plus stricts, on y interdit l’enseignement de la pathologie, le personnel reçoit une formation appropriée, on acquiert des instruments plus performants et une salle de réanimation est installée. La salle opératoire et ses annexes subissent aussi des modifications importantes : table d’opération mécanique, stérilisateur à pansements, autoclave, plateaux en verre pour les sondes, les compresses et les pansements stérilisés. En 1913, Mercier encourage l’instauration d’un service d’anesthésie chargé, sous la direction d’un anesthésiste en chef et de ses assistants, d’instituer un examen suivi des patients, d’imposer des horaires stricts, de proposer l’achat d’appareils et d’appliquer les nouvelles techniques telles l’usage du protoxyde d’azote, qui s’ajoutera en 1919 à celui du chloroforme. Ses efforts porteront fruit, puisque le nombre des infections et des décès postopératoires diminuera sensiblement malgré la croissance des interventions à risque.
L’intérêt de Mercier pour le développement des sciences médicales l’incite à promouvoir non seulement le perfectionnement de la salle d’opération, mais aussi celui des laboratoires de l’hôpital Notre-Dame. Excellent clinicien et très doué pour établir un diagnostic, il insiste tout au long de sa carrière sur la nécessité de faire un rapport, à l’aide des moyens offerts par les développements techniques et scientifiques, entre l’examen clinique au lit du malade et l’examen anatomo-pathologique. Tout en utilisant les procédés classiques d’interrogation, d’auscultation, de percussion, de palpation et d’analyse des urines à l’aide de réactifs, il adopte une série d’éléments cliniques récemment issus de la technologie médicale, dont l’examen radioscopique, l’analyse bactériologique des crachats, la ponction exploratrice à l’aide d’une seringue pour analyse en laboratoire, l’utilisation du cautère électrique, l’injection de sérum antitétanique et l’utilisation de l’anesthésie locale par la cocaïne. Il a également été parmi les instigateurs du projet de construction d’un nouvel hôpital. Jusqu’à l’inauguration de cet édifice, l’hôpital Notre-Dame est situé dans l’ancien Donegana’s Hotel, à proximité du château Ramezay, rue Notre-Dame. En 1901, les autorités de l’hôpital ont décidé de construire un nouveau bâtiment, rue Sherbrooke. L’année suivante, Mercier faisait partie du comité chargé de superviser les plans de construction. Divers problèmes ont retardé le projet. Lorsque Mercier, à la suite de ses intenses activités médicales au sein de l’hôpital, est nommé surintendant en 1918, l’érection est en cours ; c’est d’ailleurs à ce titre qu’il veille à ce que les travaux entrepris respectent les normes de construction d’un hôpital moderne et fonctionnel. Ce n’est qu’en 1924 qu’a lieu l’inauguration du nouvel immeuble construit au coût de 1,5 million de dollars. L’année suivante, Mercier démissionne de son poste de surintendant, mais demeure chef du service de chirurgie, poste qu’il occupera jusqu’à son décès.
Grâce à son enseignement, à ses communications scientifiques et à ses articles, Mercier contribue aussi largement à faire connaître les implications théoriques et pratiques de la bactériologie dans le domaine chirurgical. Parallèlement à son travail de chirurgien et d’administrateur, il consacre en effet beaucoup de temps à l’enseignement. En 1893, il devient professeur agrégé de chirurgie à l’école de médecine et de chirurgie de Montréal/faculté de médecine de l’université Laval à Montréal. Il est nommé professeur titulaire de clinique chirurgicale en 1905 et fait partie du conseil de la faculté de médecine à partir de 1913, postes qu’il occupera jusqu’à son décès. En 1897, dans le but de fournir une formation théorique et pratique adéquate au personnel qui gravite autour de la salle d’opération, il a aussi participé à la fondation d’une école d’infirmières à l’hôpital Notre-Dame. Son fils, Oscar, deviendra professeur agrégé de chirurgie en 1927 à la même faculté et sera un chirurgien remarqué de l’hôpital Notre-Dame.
Le docteur Mercier est de plus très actif dans de nombreuses associations professionnelles médicales. Il contribue notamment à la renaissance de la Société médicale de Montréal en 1900 et en assume la présidence pendant l’année 1903–1904. En 1904, il dirige la section de chirurgie du deuxième congrès, tenu à Montréal, de l’Association des médecins de langue française de l’Amérique du Nord. En 1928, il participe à la mise sur pied de la Société de chirurgie de Montréal, dont il devient le premier président. Ses compétences sont reconnues au delà des frontières canadiennes : admis au sein de l’American College of Surgeons, il est aussi membre correspondant de la Société des chirurgiens de Paris de 1910 à 1929.
Oscar-Félix Mercier a joué un rôle majeur dans l’introduction de la chirurgie moderne dans la province de Québec. Ses efforts dans les domaines de l’organisation des salles d’opération, de l‘instauration des procédés d’asepsie et d’anesthésie, de l’installation de nouveaux équipements chirurgicaux et de la formation des infirmières préposées à la salle d’opération ont fait en sorte que l’hôpital Notre-Dame a pu fournir des soins chirurgicaux de grande qualité pour cette époque. Il a aussi apporté une remarquable contribution à l’amélioration de l’enseignement de la chirurgie et de l’anesthésie en initiant les étudiants à de nouvelles méthodes d’intervention (comme l’emploi du cautère électrique et l’anesthésie locale) et à des notions théoriques récentes. Bref, il a inspiré, avec l’aide de quelques collègues, un important mouvement de modernisation de la pratique hospitalière en territoire québécois.
Oscar-Félix Mercier a rédigé plusieurs articles, publiés pour la plupart dans l’Union médicale du Canada (Montréal), dont : « l’Anesthésie chirurgicale par la stovaine », 35 (1906) : 249–255 ; « À propos de quelques observations de cures radicales de hernies », 25 (1896) : 20–30 ; « l’Art obstétrical à Paris », 19 (1890) : 626–631 ; « Des appendicites », 21 (1892) : 617–622 ; « Du traitement des grands écrasements des membres par l’embaumement », 29 (1900) : 831–843 ; « l’Iode, antiseptique chirurgical », 42 (1913) : 138–148 ; et « le Mouvement chirurgical depuis le congrès de Québec », 33 (1904) : 412–424.
ANQ-M, CE601-S51, 2 déc. 1866, 4 juin 1895.— Arch. de l’hôpital Notre-Dame (Montréal), Procès-verbaux du bureau médical, 1892–1928 ; Rapports annuels, 1892–1928.— Arch. de l’institut Pasteur (Paris), Cours de microbie technique, MP 29048 (liste des personnes ayant suivi les cours, 1889–1970).— Le Devoir, 27 juill. 1929.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).— Collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec, Reg. médical (Montréal), 1897 ; 1911.— « Le Docteur Oscar Félix Mercier », la Rev. moderne (Montréal), 10 (1929), no 9 : 8.— École de médecine et de chirurgie de Montréal, Annuaire, 1890–1919.— Denis Goulet, Histoire de la faculté de médecine de l’université de Montréal, 1843–1993 (Montréal, 1993).— Denis Goulet et al., Histoire de l’hôpital Notre-Dame de Montréal, 1880–1980 (Montréal, 1993).— Denis Goulet et Othmar Keel, « les Hommes-relais de la bactériologie en territoire québécois et l’Introduction de nouvelles pratiques diagnostiques et thérapeutiques (1890–1920) », RHAF, 46 (1992–1993) : 417–442.— Denis Goulet et André Paradis, Trois siècles d’histoire médicale au Québec ; chronologie des institutions et des pratiques (1639–1939) (Montréal, 1992).— [Albert] Le Sage, « In memoriam : le professeur Oscar F. Mercier, 1867–1929 », l’Union médicale du Canada, 58 (1929) : 523–528.— Univ. de Montréal, Faculté de médecine, Annuaire, 1920–1928.
Denis Goulet et Philippe Hudon, « MERCIER, OSCAR-FÉLIX », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/mercier_oscar_felix_15F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/mercier_oscar_felix_15F.html |
Auteur de l'article: | Denis Goulet et Philippe Hudon |
Titre de l'article: | MERCIER, OSCAR-FÉLIX |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 11 oct. 2024 |