NAYLOR, JOHN, agent immobilier et réformateur social, né le 1er juin 1847 en Inde, fils de John Naylor, soldat britannique, et d’une prénommée Ann ; il épousa Mary Olave (décédée en 1881), du Sussex, Angleterre, puis le 30 novembre 1882, à Halifax, Jessie A. Muncey, née Dow ; décédé le 29 décembre 1906 au même endroit.

De 1857 à 1860, John Naylor vécut à Montréal, où son père était gardien-chef de la prison militaire. Sa famille retourna ensuite en Angleterre, et en 1875, lui-même quitta Bradford pour Halifax, probablement avec sa première femme, Mary Olave. Son principal gagne-pain était l’immobilier. Il acquit une connaissance exceptionnelle de la valeur des propriétés, et bon nombre de gens, dont les commandants de l’armée britannique en poste à Halifax, se fiaient à ses évaluations et à ses conseils. Comme ses placards semblaient aussi nombreux que les églises de la ville, un visiteur nota que « Halifax paraissait appartenir à Dieu et à John Naylor ». Son territoire ne se limitait pas à Halifax. En 1895, il offrait pour la vente, outre 136 maisons et 220 lotissements dans la ville même, 180 fermes réparties dans toute la province et beaucoup de maisons situées dans des localités rurales.

La vente et la location de propriétés n’étaient pas les seules occupations de Naylor. Il fut aussi agent de placement, entrepreneur voiturier (pour l’arrosage et le nettoyage des rues et le déménagement de meubles), éleveur de volailles, recenseur en 1881 et, en 1884, inspecteur en chef des permis délivrés à Halifax en vertu de la loi fédérale sur les permis de vente d’alcool (loi McCarthy). En outre, il fit fonction de secrétaire-représentant de la Nova Scotia Society for the Prevention of Cruelty dès la fondation de cet organisme, dans les derniers mois de 1876. Il touchait une rémunération irrégulière pour ce poste dont il démissionna en 1899. Certaines de ses ambitions ne se réalisèrent pas. Il posa sa candidature au poste de chef de police de Halifax quand Garret Cotter prit sa retraite, en 1893, mais elle fut écartée. Après que la loi McCarthy eut été déclarée inconstitutionnelle et remplacée en Nouvelle-Écosse, en 1886, par une loi provinciale sur les permis de vente d’alcool, il chercha à être nommé inspecteur des permis, toujours à Halifax, mais sans succès. En dépit de sa notoriété, ou peut-être à cause d’elle, il fut défait la seule fois où il se présenta à l’échevinage dans le quartier n° 1, où il habitait.

Ce mélange de réussite et d’échec reflétait l’opinion que la population avait de ce personnage controversé. Halifax étant, dans la dernière partie de l’époque victorienne, une société rassise et satisfaite d’elle-même, un nouveau venu aussi omniprésent, réformiste et imbu de ses opinions ne pouvait manquer d’y susciter du ressentiment. Les marchands du centre-ville l’applaudirent lorsque, à la fin des années 1870, il prit l’initiative d’organiser l’arrosage des rues, qui étaient fort poussiéreuses, et des organisations comme l’Église d’Angleterre, la St George’s Society et la franc-maçonnerie appréciaient sa participation enthousiaste. Par contre, d’autres citoyens prenaient ombrage de son zèle pour la tempérance : connu comme membre de l’Independent Order of Good Templars et des Fils de la tempérance, on doutait qu’il exerce avec impartialité la fonction d’inspecteur des permis de vente d’alcool. Il recevait des lettres de menaces qui le condamnaient « sans réserve à la perdition ». On reprochait aussi à ce champion de la lutte contre la cruauté de s’ingérer dans la structure patriarcale de la famille.

Pendant ses premières années d’existence, la Society for the Prevention of Cruelty, avec son aile féminine, s’attacha exclusivement à promouvoir la protection des animaux et surtout des chevaux [V. Isaac Sallis]. Naylor lui-même, au début, y travailla probablement par amour des bêtes. En tant que voiturier, il possédait des chevaux, et il aimait aussi les chiens, ce dont témoigne son titre de membre fondateur du Nova Scotia Kennel Club. Toutefois, voyant qu’à New York des groupes de prévention de la cruauté s’occupaient des êtres humains, les membres de la société résolurent de défendre aussi les enfants maltraités, négligés, abandonnés, voire insatisfaits, de même que les adultes sans ressource tels les femmes mariées pauvres et délaissées ou les marins de la marine marchande en transit.

Les interventions que Naylor faisait au nom de la société en hérissaient plusieurs. Un mari furieux l’accusa de tenter de détourner sa femme et déclara, dans une requête à l’Assemblée, qu’il avait eu une « conduite cruelle et brutale ». L’attaque la plus sérieuse contre sa personne survint en 1880 et déboucha sur une poursuite en diffamation au criminel. Dans une lettre à l’évêque anglican Hibbert Binney*, Peter Stevens Hamilton*, homme bien connu mais quelque peu dérangé, accusa Naylor d’être un détourneur de fonds, un bigame, un noceur, un dangereux arriviste, « un prisonnier évadé, un homme perdu de réputation et un escroc professionnel ». Les motifs de cette attaque étaient complexes, mais Hamilton s’inquiétait, entre autres, de ce qu’un parvenu comme Naylor s’immisce auprès des femmes et des enfants d’autres hommes dans son travail pour la Society for the Prevention of Cruelty. Il est significatif que cette affaire ait coïncidé avec la décision de la société de ne plus réserver son action aux animaux, mais de l’étendre aussi aux humains.

Plus que toute autre organisation de l’époque, la Society for the Prevention of Cruelty dut sa vigueur au dévouement d’un seul individu. Naylor travailla en étroite collaboration avec les présidents de la société, d’abord Matthew Henry Richey puis James Crosskill Mackintosh. De même, il put obtenir les meilleurs avis juridiques, dont ceux de Robert Motton*, qui fut l’avocat de la société. Lorsque Motton devint magistrat rémunéré de Halifax de 1886 à 1894, la société eut un allié important au tribunal. Sous la tutelle de Naylor, la Society for the Prevention of Cruelty de la Nouvelle-Écosse ouvrit le combat contre la cruauté au Canada : elle fut la première à intervenir sur le terrain, c’est elle qui visait les objectifs les plus globaux, et elle promut les premières lois sur la protection des enfants, soit celles de 1880 et de 1882.

La méthode de John Naylor consistait à enquêter sur les cas de négligence, de cruauté et de mauvais traitements, puis à tenter de trouver une solution par la médiation. S’il échouait, il portait des accusations devant les tribunaux, ce qui pouvait conduire à l’emprisonnement des maris et des pères violents, au placement des enfants négligés ou à la séparation légale des époux. Aujourd’hui, les fonctions qu’il exerçait seraient confiées à plusieurs personnes formées en droit, en travail social, en criminologie et en counselling. Quand sa santé l’obligea finalement à quitter le poste de secrétaire-représentant, c’est un avocat qui le remplaça. La grande époque des réformateurs laïques non spécialisés s’acheva avec l’ère victorienne. De plus, à la fin du siècle, la Society for thé Prévention of Cruelty était pauvre, et la région connaissait un déclin. L’initiative de la lutte contre la cruauté et de la sauvegarde des enfants passa donc au centre du pays, qui était riche, et à Toronto surtout [V. John Joseph Kelso*]. Cette ville prit la relève de Halifax en matière de protection des enfants, mais négligea la cause tout aussi urgente des femmes pauvres et victimes de violence, que Naylor avait défendue avec tant de zèle.

Judith Fingard

Un bref aperçu des activités de la Nova Scotia Society for the Prevention of Cruelty sous John Naylor et des détails précis sur des interventions de la société se trouvent dans l’ouvrage de Judith Fingard, The dark side of life in Victorian Halifax (Halifax, 1989). Un compte rendu détaillé des activités de Naylor jusqu’en 1899 dans tous les secteurs, pas seulement à titre de représentant et de secrétaire de la société, est contenu dans les papiers de la société aux PANS, MG 20, 513–519. Outre des documents originaux, la collection est précieuse pour ses coupures de journaux colligées par Naylor et dont un grand nombre sont extraites de numéros qui n’existent plus. [j. f.]

Halifax County Court of Probate (Halifax), Estate papers, n° 6354 (mfm aux PANS).— PANS, MG 5, Halifax County, Camp Hill Cemetery, Halifax, reg. of burials, 17 févr. 1881 (mfm) ; RG 7, 376, n° 44 ; RG 32, WB, 67 : 150, n° 480 (mfm) ; RG 39, HX, C, 333, R. v. P. S. Hamilton, 1880.— Acadian Recorder, 28 déc. 1906 (aussi des coupures provenant du numéro du 27 mai 1880 qui se trouvent aux PANS, MG 20, 518).— Halifax Herald, 13 juill. 1895.— Morning Chronicle (Halifax), 29 déc. 1906.— War Cry (Toronto), 12 janv. 1907.— Judith Fingard, « The anti-cruelty movement in the Maritimes » (lecture publique faite devant le 8th Atlantic Canada Workshop, Halifax, sept. 1988).— W. M. Ross, « Child rescue : the Nova Scotia Society for the Prevention of Cruelty, 1880–1920 » (thèse de m.a., Dalhousie Univ., Halifax, 1976). Cette thèse doit être consultée avec précaution à cause de sa superficialité et de ses inexactitudes.  [j. f.]

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Judith Fingard, « NAYLOR, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 10 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/naylor_john_13F.html.

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Auteur de l'article:    Judith Fingard
Titre de l'article:    NAYLOR, JOHN
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
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