NICHOL, ROBERT, marin, homme d’affaires, juge de paix, officier de milice, fonctionnaire, homme politique et juge, né vers 1780 en Écosse, peut-être à Dumfries ; le 21 décembre 1811, il épousa à Niagara (Niagara-on-the-Lake, Ontario) Theresa Wright, et ils eurent deux fils et deux filles ; décédé le 3 mai 1824 à Queenston Heights, Haut-Canada.
Il ne subsiste guère de renseignements sur l’enfance de Robert Nichol. Selon son propre témoignage, il avait reçu une certaine éducation, même si elle n’avait pas été aussi soignée qu’il l’aurait souhaité. Il travailla quelque temps en mer mais, « abusé par son capitaine », il quitta brusquement son navire à Montréal en 1792 et se rendit dans le Haut-Canada. À l’instar de Thomas Clark et des frères William* et Thomas Dickson, qu’il connaissait et qui lui étaient peut-être apparentés, Bob (comme ceux-ci l’appelaient) trouva à se placer dans l’empire commercial de Robert Hamilton*. Dès août 1792, il habitait chez Hamilton à Queenston et travaillait comme marin sur l’un de ses navires.
Nichol fit son chemin dans le vaste réseau commercial créé par Hamilton et en gravit les échelons en commençant par servir de commis à Thomas Dickson à Fort Erie en 1794. L’année suivante, il s’installa à Detroit où, le 18 septembre, il signa un contrat qui fit de lui, pour trois ans, le commis de John Askin*. Vers la fin de 1798, il retourna à Queenston. Pendant quelque temps, il fit du commerce à son propre compte mais, dès février 1800, il travaillait avec Clark, dont l’association avec Samuel Street* avait été dissoute depuis peu. Il projetait de s’établir seul à Fort Erie lorsque Clark lui offrit de le prendre comme associé.
Même s’il ne se l’avoua jamais tout à fait, Nichol n’avait pas le tempérament d’un homme d’affaires. Il était, écrivait-il, « plus épicurien que stoïque ». Contrairement à Clark, qui était une incarnation écossaise de l’Uriah Heep de David Copperfield, Nichol avait besoin de plus de nourritures spirituelles que ne pouvaient en offrir un bol de bouillie d’avoine ou une dure journée de travail. Le commerce transitaire était à son plus fort au printemps, en été et à l’automne ; en 1800, l’ouverture d’un marché bas-canadien pour la farine en fit une occupation encore plus lourde. L’hiver apportait un repos temporaire, mais comme le voisinage offrait peu de loisirs et comptait peu de femmes célibataires, la vie n’était jamais facile. Nichol pleurait sur son sort : « La solitude m’est des plus insupportable, et si ce n’était des quelques livres que je possède et des visites de quelques amis de temps à autre, je mourrais d’ennui. » Ses responsabilités lui pesaient tant qu’il ne pouvait pas entretenir une correspondance convenable : « Je ne parviens ni à rassembler ni à organiser mes idées, en fait il m’arrive de frôler la léthargie complète. »
En 1802, pendant que Clark était en Écosse, Nichol dut « s’occuper constamment » des affaires. « L’incertitude [qui régnait] dans le pays » et les « très sombres perspectives d’avenir » aggravèrent ses inquiétudes. À la mi-septembre, submergé par la mélancolie et « pris d’une sorte de langueur », Nichol se mit à songer à « des cieux plus cléments sous lesquels [ses] modestes talents pourraient [lui] être plus utiles qu’ils n’avaient de chances de l’être [là où il se trouvait] ». Cependant, lorsqu’il écrivit à Askin le 22 octobre 1803 pour l’informer de la dissolution de son association avec Clark, il se trouvait à Fort Erie, où il s’était installé comme transitaire, déterminé à « saisir toutes les occasions qui pourr[aient] sembler profitables ».
Si la parcimonie était naturelle chez Clark, elle ne l’était pas chez Nichol. En 1804 et 1805, à mesure que les conditions empiraient, il fut forcé d’adopter une attitude qui lui déplaisait. Poursuivi par ses créanciers et désireux de conserver ses facilités de crédit, il dut se montrer brutal envers son ami et ancien employeur, John Askin, qui lui devait de l’argent. Leurs relations avaient été chaleureuses malgré leur différence d’âge, comme l’observait Nichol, mais l’indifférence avec laquelle Askin sembla considérer ses dettes eut raison de leur amitié. Dès juillet 1806, leur longue correspondance amicale avait cessé.
Au milieu des difficultés économiques des années 1804 et 1805, le seul événement heureux qui survint dans la vie de Nichol fut sa rencontre avec Isaac Brock* ; ils firent apparemment connaissance lors d’une des visites que celui-ci effectua au fort George (Niagara-on-the-Lake). Aux yeux de certains, comme James FitzGibbon*, qui servait sous les ordres de Brock, cette relation était surprenante. Nichol, rappela-t-il quelques années plus tard, était un « petit Écossais d’allure minable qui louchait beaucoup » et qui tenait un « magasin de détail de peu d’importance » à Fort Erie. Il semble (et l’avenir corroborerait cette interprétation) que Brock fréquentait Nichol en partie parce qu’il reconnaissait en lui des talents susceptibles d’être extrêmement utiles. Il lui demanda d’ailleurs de rédiger « sur le Haut-Canada un bref rapport faisant état de ses ressources en hommes, en provisions et en chevaux, entre autres ». FitzGibbon vit ce document en 1813 ; « à ce moment, tout ce qu’il contenait s’était avéré des plus précis et utile ».
Assez naturellement, Nichol imita d’autres marchands, notamment Clark et Richard Hatt*, et abandonna le commerce transitaire pour la transformation. Installé dès 1808 dans le canton de Woodhouse, il acheva l’année suivante la rénovation d’un moulin à farine ; celui-ci atteignit une capacité de production hebdomadaire de 200 livres après qu’on l’eut réparé pendant l’hiver de 1813–1814. Ce moulin n’était que le centre d’un ensemble comprenant une scierie, une distillerie pourvue de trois alambics, une vaste grange, une maison, une habitation pour les ouvriers, une tonnellerie et un entrepôt de farine. L’approvisionnement des garnisons britanniques du fort Erie et du fort George constituait une partie importante des affaires de Nichol ; entre 1805 et 1811, il factura au commissariat plus de £2 800 pour de la farine et du porc. Apparemment, les années qui précédèrent la guerre de 1812 furent pour lui aussi prospères que bien remplies, son profit annuel s’élevant à £750. La lassitude d’esprit qui l’avait paralysé semblait s’être dissipée. Ainsi, il s’intéressait à ce qui se passait dans la région, en dehors du commerce, et se trouva mêlé aux luttes de factions si caractéristiques du district de London [V. Benajah Mallory*]. De plus, la crise qui s’annonçait dans les relations avec les États-Unis le toucha personnellement : le 21 mai 1808, les Américains capturèrent 17 navires appartenant à des commerçants canadiens, dont 8 des siens. Il rapporta fidèlement l’incident à Brock en ajoutant qu’il y avait des mouvements de troupes américaines à Detroit et à Michillimakinac (Mackinac Island, Michigan).
Par ailleurs, Nichol était déterminé à mettre fin à cette douloureuse réalité qu’était l’absence de compagnie féminine. Selon l’une des grandes dames d’York (Toronto), Anne Powell [Murray*], il était « presque irréprochable », et la « longue cour fervente » que ce « jeune et riche marchand minotier » avait faite à sa fille Anne n’avait été repoussée qu’en raison de la « répugnance sincère » de celle-ci à son endroit. Son mariage avec Theresa Wright en 1811 lui apporta un équilibre qu’il n’avait encore jamais connu. L’« heureux couple » partit s’installer chez Nichol, ce qui fit dire à Mary Boyles Powell : « Pauvre petite, je ne crois pas que toute une vie passée dans le fond des bois lui réserve de grandes perspectives de bonheur. »
Dans les 18 mois qui précédèrent le début de la guerre, Nichol prit une place importante sur la scène provinciale, non sans manifester une attitude fort changeante. Dans ses relations avec le lieutenant-gouverneur Francis Gore*, il dut faire preuve de tact, mais lorsque celui-ci partit en congé et que Brock assuma la présidence du gouvernement, sa personnalité de plus en plus fière et caustique cessa d’être soumise à ce genre de contrainte. Un des premiers à soutenir l’élite commerçante de la région de Niagara, Nichol manifesta peu de sympathie envers les adversaires de ce groupe. Même sous la menace de la guerre, l’opposition politique dirigée par Joseph Willcocks* se révéla de plus en plus apte à contrecarrer les initiatives de l’exécutif. Ses agissements poussèrent Nichol à partir en croisade contre ce que Brock appelait « les machinations » ourdies dans sa région par « une faction immorale ». Le « bien essentiel » qu’il fit « en s’opposant aux mesures démocratiques d’un M. Willcocks et de ses collègues » lui valut, selon Brock, de l’hostilité de leur part. La contre-attaque ne tarda pas : en 1811, à l’instigation de Willcocks, l’Assemblée enquêta sur la façon dont Nichol avait utilisé les fonds publics à titre de commissaire de la voirie.
L’Assemblée ayant conclu que Nichol avait manqué à son devoir, celui-ci protesta de son intégrité et allégua que l’affaire avait été montée pour servir des « motifs partisans ». Insulté par l’affront qui était fait à la chambre, David McGregor Rogers présenta une motion dans laquelle il accusait Nichol d’offense et ordonnait son arrestation. Obligé de se rendre à York à la fin de février 1812 pour s’expliquer, Nichol eut l’imprudence de déclarer que l’Assemblée avait outrepassé ses privilèges, ce qui lui valut une deuxième accusation d’offense. Puis, tout de suite après sa condamnation et son incarcération, il demanda une ordonnance d’habeas corpus, qui fut rendue par le juge en chef Thomas Scott, et intenta une poursuite en dommages-intérêts au président de la chambre, Samuel Street*. Brock était entré dans la mêlée en dénonçant le « pouvoir démesuré » que s’était arrogé l’Assemblée et l’« injustice patente » qu’elle avait commise envers Nichol. L’imbroglio résultant de la décision de Scott menaçait de dégénérer en un affrontement majeur entre l’exécutif, le pouvoir judiciaire et l’Assemblée, mais la détérioration constante des relations avec les États-Unis mit un terme à tout cela.
Au début de 1812, Brock n’avait réussi à arracher à une Assemblée récalcitrante qu’une infime proportion des mesures qu’il jugeait nécessaires en raison de l’imminence du conflit. Cependant, il était parvenu à obtenir une modification du Militia Act qui l’autorisait à réorganiser la milice. L’unité du comté de Norfolk fut divisée en deux régiments, et Nichol devint lieutenant-colonel du 2nd Norfolk Militia. Dans de meilleures circonstances, cette nomination aurait soulevé la controverse, étant donné le mauvais caractère de Nichol et son ardente participation aux luttes de faction. En cette période troublée, la réaction à cette nomination était prévisible : des rumeurs se mirent bientôt à circuler selon lesquelles Nichol, en sa qualité de commandant, avait répandu des calomnies sur la loyauté des colons américains du Haut-Canada. En dépit d’assertions contraires, le mal était probablement fait. Entre-temps, Nichol s’était jeté à bras raccourcis sur son régiment, qui selon lui n’était « guère davantage qu’une bande légalisée de canailles, les officiers [étant] dépourvus de respectabilité, d’intelligence et d’autorité, et les hommes de toute notion de subordination ». Pour défendre son autorité et sa conduite, il lança une poignée d’accusations contre ses officiers. Sa victoire électorale dans la circonscription de Norfolk en juin 1812 fit de lui une plus grosse cible pour ses ennemis, mais elle renforça son emprise sur les événements. Comme le procureur général John Macdonell* (Greenfield), il était probablement entré en politique sur l’ordre de Brock et presque certainement avec son accord tacite. L’Assemblée ayant deux des hommes les plus habiles de la province pour voir aux intérêts du gouvernement, on pouvait au moins espérer faire rentrer l’opposition récalcitrante dans le rang.
Nichol se trouva dans le monde politico-militaire comme un poisson dans l’eau, et Brock n’eut pas à déployer beaucoup de séduction pour dissiper sa crainte légitime qu’un emploi militaire « permanent » le « ruinera[it] ». Se voyant offrir le poste de quartier-maître général de la milice et se rendant finalement à l’argument de Brock, selon qui il était « le seul habitant [...] qui conv[enait] pour le poste », Nichol confia la gestion de ses entreprises à un employé et s’installa dans ses nouvelles fonctions le 27 juin 1812. Pendant les trois années qui suivirent, plus que tout autre dans la colonie, il fut absorbé par les affaires militaires. Sa tâche immédiate consistait à vêtir, à loger et à nourrir la milice de la province mais, en fait, son champ d’activité était beaucoup plus vaste et touchait aussi bien le service d’état-major que le service armé, les miliciens que les soldats de métier britanniques, le Haut-Canada que le Bas-Canada. Au terme du conflit, il affirma avoir participé « personnellement » à des engagements avec l’ennemi « plus de trente fois ».
Au début, Brock chargea Nichol d’assurer le déplacement de troupes britanniques jusqu’à la frontière ouest, qui était menacée. Le transport était un énorme problème que Nichol résolut en réquisitionnant tous les moyens disponibles, aussi bien civils que militaires. En août, il mena 400 hommes à Detroit, où il appuya avec enthousiasme l’audacieux plan d’attaque de Brock. En fait, sa connaissance de la région se révéla inestimable pour Brock qui, dans des ordres généraux et des dépêches, reconnut les services de Nichol. Le mois suivant, ce dernier agit à titre d’émissaire personnel de Brock auprès du gouverneur sir George Prevost*. Pendant son absence, Brock fut tué à Queenston Heights : la province perdait son commandant, Nichol son protecteur. De retour dans le Haut-Canada en novembre, Nichol participa avec courage à pas moins de trois engagements ce mois-là. Mais ce qui fut peut-être encore plus important, c’est la part qu’il prit – il prétendait en avoir été « surtout l’instrument » – « dans la décision d’empêcher l’évacuation du fort Erie [...] à un moment où [son] effet démoralisant [...] aurait précipité la ruine des affaires du roi dans le Haut-Canada ».
Le poste de Nichol lui imposait de lourdes charges aussi bien que de petits détails pressants à régler. Ses querelles constantes avec le sous-commissaire général Edward Couche, qu’il accusait d’entraver son travail, ne trouvèrent de conclusion satisfaisante que grâce à l’intervention du successeur de Brock, sir Roger Hale Sheaffe*. Furieux, Nichol déclara un jour à son ami Thomas Talbot* : « Couche devrait être pendu. » Le 18 décembre 1812, il se plaignit de ne même pas avoir eu « le temps de voir [sa] femme » depuis plus d’un mois. « Si, poursuivait-il, je n’obtiens pas bientôt la permission de démissionner [...] je crois que je deviendrai fou. » Il n’en était cependant pas là : c’était dans un moment d’exaspération, et non par désespoir, qu’il maudissait son sort.
Entre-temps, Nichol devait se préparer à la session législative de la nouvelle année et, bien sûr, aux campagnes du printemps. La reprise des combats contre les troupes américaines qui remontaient la presqu’île du Niagara lui imposa les épreuves d’un officier en campagne en plus des responsabilités d’un officier d’état-major et l’obligea également à assister aux conseils de guerre. Le 27 mai 1813, agissant comme aide de camp lors de l’attaque américaine contre le fort George, il vit son cheval se faire tuer sous lui. Ce fut lui, fit-il valoir plus tard, qui persuada le général de brigade John Vincent* de battre en retraite jusqu’à Burlington Heights (Hamilton) plutôt que jusqu’au fort Erie. Ce fut également grâce à ses pressions, affirma-t-il, que les officiers supérieurs décidèrent que les troupes devaient rester à cet endroit plutôt que de se rendre plus à l’est. La suite des événements, et surtout l’attaque réussie du lieutenant-colonel John Harvey* contre les Américains à Stoney Creek, au début de juin, prouva que l’abandon du fort George avait été une manœuvre judicieuse. Le résumé que Nichol fit de ces événements demeure crédible : « Par ce mouvement, la division du centre fut placée dans une position forte et avantageuse, son approvisionnement fut assuré et les communications avec la droite et la gauche furent complètement rétablies. »
Au cours de l’été de 1813, Nichol fut appelé à remplacer temporairement le quartier-maître général de la division du centre qui avait été blessé. Il accompagna les hommes du lieutenant-colonel Cecil Bisshopp* lors du raid contre Black Rock (Buffalo, New York) le 11 juillet. Deux mois plus tard, il reçut l’ordre d’ouvrir une nouvelle route pour acheminer les approvisionnements entre Burlington Heights et Amherstburg, où se trouvaient les troupes du major général Henry Procter. Il s’acquitta de sa mission avec succès et retourna à Burlington Heights après que la défaite de Procter à Moraviantown, le 5 octobre, eut rendu la voie de communication inutile. Le mois suivant, il éleva de sérieuses objections contre la décision prise par Vincent de battre en retraite vers Kingston avec ses hommes. La question fut soumise à un conseil d’officiers supérieurs qui se rangèrent du côté de Nichol. Novembre marqua l’arrivée du successeur de Vincent, le major général Phineas Riall*, et d’un nouveau commandant, le lieutenant général Gordon Drummond*. Nichol fut chaudement recommandé aux deux hommes. Drummond délibéra avec lui et avec sir James Lucas Yeo* sur la possibilité de mener une campagne d’hiver dans l’Ouest et, en janvier 1814, Nichol dressa un plan logistique en vue de cette opération.
Février et mars 1814 furent consacrés à une session législative d’une importance critique qui fut dominée par Nichol. Tout en dirigeant les affaires du gouvernement durant les séances quotidiennes de l’Assemblée, il entreprit de réorganiser le bureau du quartier-maître général. En mai, à la demande de Drummond, il dressa des plans complets en vue de l’établissement de dépôts navals à Turkey Point et à Penetanguishene. De nouveau en campagne en août, il participa à plusieurs engagements. Le 19, les troupes britanniques de la presqu’île du Niagara se trouvèrent menacées d’une grave pénurie de farine. Drummond autorisa Nichol et Thomas Dickson à recourir à « leur influence et à leur initiative personnelle » pour corriger la situation. Nichol rappela plus tard qu’« en moins de deux semaines, toute crainte de pénurie disparut ». Il demeura en service actif et continua d’exercer ses diverses fonctions jusqu’en mars 1815. Ensuite, même s’il ne recevait plus ni solde ni allocation, on lui demanda de passer 90 jours au bureau des réclamations de la milice.
Pendant trois ans, Nichol avait travaillé sans relâche dans les conditions les plus éprouvantes, mais la paix ne lui apporta pas les lauriers que, de toute évidence, il méritait. Si la rareté des éloges était supportable, l’absence de compensation financière ne l’était pas. Le 14 mai 1814, des maraudeurs américains menés par Abraham Markle avaient incendié sa maison et ses installations commerciales, lui causant d’énormes pertes évaluées en tout à £6 684. En octobre, il avait fait parvenir une réclamation au secrétaire d’État aux Colonies, lord Bathurst, mais le gouvernement de la métropole était incapable de créer de grands programmes d’indemnisation dans l’immédiat. Dans plusieurs autres pétitions et lettres, Nichol décrivit sa situation lamentable : il avait été « rejeté dans la vie [civile pour retrouver] son commerce détruit, [lui-même] ruiné, et les ressources [qu’]il avait déjà eues pour faire vivre sa famille [...] disparues ». L’omission de son nom sur la liste des récipiendaires de la médaille de Detroit l’attrista autant qu’elle l’insulta.
Nichol rassembla de nombreux documents, dont un notamment était signé par Drummond, attestant qu’il avait occupé des postes « de haute responsabilité ». Gore, dont il sollicita l’assistance en 1816, écrivit à Bathurst : « Je ne puis juger de ses mérites militaires, [...] mais je puis parler de ses divers talents, de son zèle et de sa compétence au Parlement, et des personnes qui sont en mesure d’en juger m’assurent qu’il a manifesté les mêmes qualités en campagne et à la direction de l’important bureau du quartier-maître général. » Déçu de ne pas obtenir réparation, Nichol se rendit en Angleterre en juin 1817 pour en appeler personnellement à Bathurst. Il déclara qu’il avait « fait plus » que John Norton, « qui a[vait] reçu un grade militaire et une pension ». Les services qu’il avait rendus étaient « plus importants » que ceux de Robert Dickson, « qui a[vait] reçu une ordonnance lui accordant des terres, ainsi qu’une pension ». Il affirma qu’il « avait sacrifié à [son] devoir de citoyen et perdu à la guerre plus que tous ceux-là mis ensemble » et que, dans les circonstances, il avait raison d’estimer que le gouvernement impérial se montrait mesquin en ne lui accordant qu’une pension de £200.
À la fin de la guerre, Nichol avait un palmarès beaucoup plus impressionnant que la très grande majorité des habitants de la colonie. Tout en poursuivant son service militaire et sa carrière commerciale, il avait occupé plusieurs postes, dont ceux de percepteur des taxes municipales à Niagara (1802) et de juge de paix (à compter de 1806), et obtenu les commissions habituellement données en temps de guerre. Sa carrière politique, qui constitua sa contribution la plus remarquable à la société du Haut-Canada, ne faisait que commencer. Les journaux des débats de 1812, 1813 et 1815 n’existent plus, mais ceux de 1814 et de 1816 attestent du rôle de premier plan qu’il joua lors de la sixième législature (1812–1816).
Ces deux sessions sont parmi les plus controversées de l’histoire du Haut-Canada, en grande partie à cause du compte rendu négatif qu’en donna William Lyon Mackenzie* dans son ouvrage sur le passé politique de la province publié en 1833. Au cours des deux sessions, Nichol agit à titre de leader du gouvernement, faisant preuve d’une maîtrise qui n’a été surpassée, et encore, que par John Beverley Robinson* dans les années 1820. Il s’était probablement attribué ce rôle, quoiqu’un certain degré de consultation avec le Conseil exécutif ait dû être essentiel pour assurer une concordance des intérêts. La session de 1814 porta principalement sur la défense ; « c’est moi, a écrit Nichol, qui ai présenté et fait adopter toutes les mesures énergiques ». Sous sa direction, l’Assemblée expédiait les motions de procédure, les amendements et les projets de loi. La coopération que les gouvernements avaient recherchée en 1812 et 1813 et que l’opposition dirigée par Willcocks et Markle avait refusée devenait enfin réalité. La province étant en danger, Nichol n’avait aucun souci des subtilités constitutionnelles : le 22 février 1814, il déposa, sans montrer le moindre scrupule, le projet de loi suspendant l’habeas corpus. L’opposition, usée et privée de leadership (Willcocks et Markle étaient passés à l’ennemi), recula devant son entêtement, et seul John Willson* vota contre le projet de loi. Selon Mackenzie, la levée « de la dernière barrière entre le régime civil et le despotisme militaire » était pour Nichol une manière de remercier l’exécutif des faveurs qu’il en avait reçues, et c’était là un triste chapitre de l’histoire des libertés civiles, pensait Mackenzie.
De la session de 1816, peut-être la plus décriée par la tradition réformiste, Mackenzie a écrit qu’elle présentait « à peine un trait positif ». Remarquable, selon lui, par la servilité que l’Assemblée montra devant l’exécutif, elle se passa sans incident sérieux et ne suscita aucun commentaire défavorable de la part des contemporains. Les résultats du travail de Nichol avaient certainement de quoi satisfaire Gore : adoption d’une liste civile assortie d’une subvention permanente de £2 500, création d’un poste de représentant provincial à Londres et d’un poste d’aide de camp provincial, établissement d’un comité sur la navigation intérieure. Dans le cas de la liste civile, Nichol n’avait pas agi de façon totalement désintéressée : en 1817, il n’hésita pas à suggérer aux fonctionnaires du ministère des Colonies que son indemnisation soit prise « à même ce fonds ».
Cependant, après avoir été réélu dans la circonscription de Norfolk en 1816, Nichol arriva à l’inauguration de la septième législature (1817–1820) avec une attitude toute différente envers le gouvernement, et envers Gore en particulier. Dès le premier jour, soit le 4 février 1817, il afficha résolument ses couleurs en présentant une motion qui exigeait que le lieutenant-gouverneur reconnaisse « à la chambre [du Haut-Canada] des droits et privilèges aussi vastes que ceux de la chambre des Communes de Grande-Bretagne ». Mais il fallut attendre la fin de la session pour mesurer le sérieux de son opposition. Suivant une tactique alors courante dans les assemblées populaires, il profita de ce que Gore demandait d’affecter des crédits supplémentaires aux dépenses gouvernementales pour provoquer un examen plus global de la situation de la province. Sous sa direction, l’Assemblée se transforma en comité plénier. Nichol déposa des propositions qui, entre autres choses, qualifiaient les réserves de la couronne et du clergé d’ « obstacles insurmontables à la formation d’une colonie où les communications seraient faciles ». La restriction de l’immigration, surtout en provenance des États-Unis, fut chaudement discutée. Le 7 avril, deux jours après que Nichol eut lancé son offensive contre le gouvernement et la politique impériale, Gore, consterné, prorogea l’Assemblée.
Évidemment, les motifs de Nichol prêtèrent à des spéculations. Mackenzie ne crut jamais tout à fait à sa sincérité : l’action de ce « sycophante mesquin », disait-il, n’était qu’un « simulacre » d’opposition. Gore n’y vit que le produit de l’« indignation » : Nichol avait « apostasié » parce qu’il n’avait pas reçu la médaille de Detroit et parce que lui-même avait refusé « toute intervention spéciale » en réponse aux réclamations de Nichol pour ses pertes de guerre. La volte-face de Nichol tenait certainement à une raison personnelle mais, après tout, sa conduite ne présentait rien de neuf ni d’inhabituel. L’exemple de Willcocks, de Mallory et de Robert Randal montre qu’il n’était pas rare que des déceptions personnelles inspirent des gestes publics et, qui plus est, politiques. En outre, ces hommes ne changèrent pas de camp simplement parce qu’ils voyaient là une occasion d’exprimer publiquement leur désillusion, mais parce que leur expérience personnelle les avait amenés à modifier leurs opinions politiques. Enflammés par les débats, les contemporains de Nichol vomiraient l’allure hypocrite de son revirement qui en faisait non plus un partisan du gouvernement mais un homme d’opposition. Par contre, cette décision ne l’embarrassa jamais le moins du monde, même si l’inconséquence de son comportement n’échappait pas à un esprit puissant comme le sien. Son explication était simple : « Quand ce personnage [Gore] insulta la chambre et viola la constitution, il estima qu’il était de son devoir de le condamner, lui et ses conseillers corrompus. »
En changeant d’orientation, Nichol devint le plus important maillon de la chaîne qui allait relier l’opposition d’avant-guerre et des années de guerre, stigmatisée par des accusations de trahison, et l’opposition des années 1820, dont les principaux porte-parole seraient William Warren Baldwin*, John Rolph* et Marshall Spring Bidwell*. Les historiens ont trop négligé le rôle qu’a joué Nichol dans la légitimation de l’opposition parlementaire. En raison de sa compétence, de son appui antérieur au gouvernement et de son indiscutable loyauté durant la guerre, ses adversaires ne pouvaient pas l’accuser, comme Barnabas Bidwell, de caresser en secret des visées républicaines. C’était en recourant à la rhétorique traditionnelle des whigs du xviiie siècle qu’il critiquait le gouvernement. Depuis les années 1760, la notion de responsabilité ministérielle était courante en Grande-Bretagne. On prend pour acquis depuis bien trop longtemps dans le Haut-Canada que seuls les Baldwin et Robert Thorpe* invoquaient cette idée qu’ils auraient tenue de leurs ancêtres irlandais. Or, lorsque Nichol cessa d’être le grand représentant du gouvernement à l’Assemblée pour en devenir le principal adversaire, il maîtrisait suffisamment le langage whig pour en tirer la plus solide justification au renvoi des ministres irresponsables et des gouverneurs impopulaires sans se montrer rebelle par des attaques contre la couronne.
On peut mesurer le poids que représentait l’opposition de Nichol lorsque l’on constate la délicatesse et le tact avec lesquels John Strachan* tenta de le faire changer d’avis. Le rector d’ York essaya en vain d’agir comme médiateur entre Gore et lui en 1817. Quand Nichol revint d’Angleterre avec sa pension, l’année suivante, Strachan fit état de rumeurs selon lesquelles il avait tenté de « s’insinuer dans les bonnes grâces » du nouveau lieutenant-gouverneur, sir Peregrine Maitland*. Cependant, d’autres rumeurs circulaient : on disait que Nichol présenterait un vote de blâme à l’endroit de Gore ainsi qu’une motion affirmant le droit de décision du Parlement en matière de concessions foncières. Strachan intervint de nouveau, mais cette fois il s’agissait d’une fausse alerte. Nichol s’occupa plutôt, en 1819, des indemnisations pour pertes de guerre, des comptes publics et des ententes sur le partage des revenus avec le Bas-Canada, de même que de questions plus politiques comme les poursuites en diffamation intentées contre Robert Gourlay* et Bartemas Ferguson. Toutefois, sa réputation était faite. Maitland demanda au ministère des Colonies si l’adversaire du gouvernement qu’était devenu Nichol avait vraiment droit à une pension. En 1821, le gouverneur en chef lord Dalhousie [Ramsay*] le qualifia dans son journal personnel de « membre violent de l’opposition ».
Il est difficile d’évaluer l’état mental et émotif de Nichol à compter de 1817. Les problèmes que lui avaient causés ses pertes de guerre l’avaient certainement rendu amer, ce qui était compréhensible. Apparemment, il était d’humeur changeante, à peu près comme au cours des premières années où il avait été marchand à son propre compte. Toujours vaniteux, il se méfiait encore plus des offenses, réelles ou imaginaires. Gore, il en était sûr (ce en quoi il se trompait), avait « présenté » en 1817 « [sa] conduite sous un jour très défavorable » à Bathurst. Le 2 mars 1818, le représentant de la province, William Halton, écrivait à un ami : « J’ai vu le grand colonel Nichol une fois et ai voulu lui montrer toute la civilité possible, mais il s’est détourné de moi et refuse même de répondre à mes billets. »
Dans le vocabulaire du Haut-Canada, un « grand homme » était un personnage de premier plan, et, selon le marchand montréalais Isaac Todd*, Nichol était reconnu comme tel depuis l’automne de 1812. Avec le temps, cependant, on railla de plus en plus son importance aussi bien que son outrecuidance. Même ses amis se laissaient aller à se moquer gentiment de lui. Ainsi, en 1818, Thomas Clark fit ce commentaire à un Écossais de ses amis : « J’apprends que vous avez vu notre petit grand homme, le colonel Nichol. Sans doute a-t-il bu tout son soûl de votre vin et vous a-t-il payé en retour d’autant de discours. C’est un petit homme brillant mais vaniteux à l’excès. » Halton allait jusqu’à le comparer à « un petit chien très malfaisant et dépourvu de principes [qui lançait] des obstacles sur la voie des affaires publiques », mais cette remarque peut être prise pour ce qu’elle était, le bêlement d’un courtisan. Il reste que malgré son ton goguenard, Halton n’était pas loin de la vérité lorsque, faisant allusion aux dons d’orateur de Nichol, il le qualifiait de « Démosthène de Long Point ».
À compter de 1817, les deux grandes préoccupations de Nichol, et il en avait beaucoup, furent la constitution et l’économie. Par exemple, il mena pendant plusieurs sessions le combat dirigé contre le Sedition Act de 1804, loi « odieuse » qui avait servi à expulser Gourlay de la colonie. Il défendit avec zèle les privilèges et prérogatives de l’Assemblée ; selon lui, son président devait avoir un revenu suffisant « pour ne pas dépendre de quelque faveur du gouvernement et pour rester à l’abri de toute influence indue ». Il voulait bien que les débats soient consignés, mais il exigeait que cela soit fait sous une certaine surveillance qui « préserve[rait] la pureté et la dignité de la chambre ainsi que les privilèges du Parlement ». Pendant la dépression de 1819–1821, il tourna en ridicule la liste civile, dont le montant était gonflé selon lui, les pensions gouvernementales démesurées et le représentant de la province, qu’il trouvait assez inutile (or tout cela avait résulté de projets de loi qu’il avait présentés en 1816). Il plaidait en faveur d’une compression générale des dépenses, l’argent disponible ne devant pas aller aux courtisans mais à ceux qui le méritaient, tels les miliciens « qui [étaient] arrachés à leur foyer et [allaient] se faire mutiler pour défendre leur pays à raison de 6d par jour ».
En 1820, au cours d’une cinglante attaque contre l’application du Common Schools Act de 1816, Nichol prononça un exposé limpide sur la théorie de la responsabilité ministérielle ou, plus exactement, il l’extirpa tout seul du discrédit dans lequel l’avait tenue l’opposition d’avant-guerre. Selon un compte rendu que le Kingston Chronicle fit du débat, il n’avait « nullement [eu] l’intention d’accuser le chef du gouvernement d’avoir mal agi ; [seuls] ses conseillers étaient responsables. Jamais il n’[aurait] identifié le gouverneur avec l’exécutif [et] il n’avait nullement l’intention d’imputer à Sa Majesté ou au prince régent pareille conduite ; tous leurs subordonnés [cependant] étaient responsables. Le roi ne pourrait se tromper, mais les mauvais ministres risquaient leur tête et les gouverneurs méchants et corrompus [pouvaient] être traduits en justice. Il n’avait pas la moindre intention de blâmer le gouverneur actuel, dont la conduite mérit[ait] l’approbation, c’était la faute de l’exécutif, méprisable et pervers, et de l’ancien gouverneur Gore. » Il est peu étonnant que James Durand, surpris, se soit demandé comment un homme « qui avait prononcé de beaux éloges sur les membres de l’exécutif quatre ou cinq ans auparavant en soit venu alors à leur attribuer tout ce qui était corrompu, mauvais et injuste ».
À l’inauguration de la huitième législature, en 1821, Nichol trouva devant lui un adversaire de taille en la personne de Robinson. Intrépide, il annonça un projet de loi « visant à assurer l’indépendance de la chambre d’Assemblée ». Peu de chose avait changé : il attaqua à fond le Sedition Act, les lois de taxation ainsi que les recettes et les dépenses gouvernementales. Selon lui, essayer de faire perdre son siège à Barnabas Bidwell serait une violation de la constitution, et préserver la constitution était plus important que de se débarrasser d’un député immoral. Tout en trouvant à l’occasion que Nichol présentait des arguments ou prenait des positions absurdes, ses opposants reconnaissaient sa compétence et ses puissantes facultés intellectuelles. Ces dons, ajoutés à ses talents d’orateur et à ses débordements sporadiques d’énergie, représentaient tout un défi pour Robinson. « Sans ce petit animal, se lamentait celui-ci, une harmonie parfaite régnerait certainement. »
C’est en s’occupant du second de ses grands intérêts, l’économie, que Nichol devint le plus utile au gouvernement. L’avenir s’annonçait mal : le commerce stagnait, l’échec de l’entente sur le partage des revenus avec le Bas-Canada avait étranglé les finances gouvernementales et la province était trop peu développée. La voyant au bord de la faillite, Nichol devint un partisan farouche des compressions, surtout dans les postes gouvernementaux. En 1821, il présida le comité spécial sur les ressources intérieures, créé à la demande de Baldwin pour étudier la crise agricole et l’effondrement des marchés britanniques. Déposé le 31 mars et imprimé le 4 avril, l’important rapport de ce comité, le premier du genre dans la province, fournissait un cadre au type de développement économique prôné par des hommes comme John Macaulay*. Négligeant la production du bois et la traite des fourrures, le rapport insistait sur la production de blé et de farine et préconisait une stratégie commerciale qui assurerait à ces produits un tarif préférentiel sur les marchés britanniques et antillais. Mais surtout, Nichol, qui avait rédigé le rapport, recommandait des « mesures permanentes » pour sortir l’économie du marasme, et particulièrement « l’amélioration de [la] navigation intérieure [...] par de vastes travaux qui correspondraient au pouvoir croissant de la province et à l’accumulation rapide de ses ressources commerciales ». Le but ultime était de permettre aux navires de se rendre sans obstacles du lac Érié à l’océan. Robinson jugea que le rapport saisissait bien l’ensemble de la situation et pressa Macaulay d’en faire l’éloge dans les colonnes du Kingston Chronicle.
L’établissement d’une commission sur l’amélioration de la navigation intérieure fut l’un des effets importants du rapport. Il aurait été naturel que Nichol soit nommé à cette commission, dont les travaux commencèrent au printemps de 1821, mais il refusa « avec le plus grand regret » d’en faire partie. Étant à deux doigts de la faillite, il avait accepté de régler la succession de Robert Hamilton, ce qui l’absorbait complètement. Toutefois, il offrit ses services au début de 1822 et fut nommé commissaire le 25 février. Il se lança à fond de train dans ce travail et apporta une contribution remarquable à la commission.
Tard cette année-là, il se déclara en faveur du projet du gouvernement britannique, qui voulait unir le Haut et le Bas-Canada. Cette mesure offrait, croyait-il, le « seul remède constitutionnel » au marasme économique du Haut-Canada. Mais contrairement à la plupart de ceux qui mettaient ce projet de l’avant, il était conscient de la nécessité politique de préserver les droits parlementaires contenus dans l’Acte constitutionnel de 1791. Il déclarait que l’« argent n’était que poussière en comparaison du droit constitutionnel » et espérait que les députés n’« échange[raient] pas leur liberté contre un plat de lentilles ».
Nichol ne se remit jamais de ses pertes de guerre ; il devait recevoir £4 202 10s à titre de compensation, mais la décision ne fut rendue publique qu’un mois après sa mort. L’ensemble industriel du canton de Woodhouse fut reconstruit (en partie de son vivant), mais ses revenus demeuraient suffisamment faibles pour que sa situation financière, et probablement son état émotif, en souffre en permanence. En mars 1824, il en fut réduit à implorer Maitland de lui donner un poste modeste, celui de juge de la Cour de surrogate du district de Niagara. Le gouvernement accepta, mais loin d’être la planche de salut qu’il espérait, ce travail fut l’instrument de sa perte. Le 3 mai 1824, Nichol quitta sa résidence de Stamford (Niagara Falls), qu’il habitait depuis 1821, pour aller siéger à Niagara. Tandis qu’il revenait, tard dans la soirée, son cheval et sa voiture tombèrent dans le précipice qui bordait Queenston Heights. « Il aurait été difficile de concevoir spectacle plus horrible », rapporta un témoin devant le coroner et le jury, dont le président était Mackenzie, qui pensait que Nichol devait être ivre au moment de l’accident. Le jury écarta la possibilité d’un guet-apens. Nichol fut inhumé trois jours plus tard dans une tombe anonyme au cimetière de Hamilton, à Queenston. Robert Addison déclara, dans son oraison funèbre : « en raison de sa vaste connaissance des usages du Parlement, du commerce et de la politique des nations, [Nichol] avait plus de poids que la très grande majorité des hommes, et nous ne verrons pas son semblable avant longtemps ».
Il est difficile d’évaluer un personnage d’une autre époque, mais il ne fait pas de doute que Robert Nichol avait peu d’égaux. À Vittoria, lors d’une cérémonie commémorative où tous les honneurs maçonniques lui furent rendus, Rolph parla de lui comme d’un tribun du peuple « attentif à tout empiétement sur les libertés populaires » et comme de « l’ardent défenseur de la liberté religieuse ». Strachan, quant à lui, était atterré : « Le terrible sort du pauvre Nichol m’a complètement bouleversé, et je considère comme une perte pour la population qu’il soit mort à ce moment ; il était sur le point de revenir à de meilleurs sentiments et il était en notre pouvoir de l’amener à se rendre utile – il y avait en lui de bonnes choses, par moments [il était] très zélé et, si son jugement était déficient, il était facile de le ramener à la raison sur bien des points. » Robinson avait « du mal à [se] convaincre qu’il a[vait] cessé d’exister et que tous ses projets de canalisation et autres spéculations, appuyés [...] sur des montagnes de documents et de calculs, [avaient] tourné court ». Ce fut également Robinson qui écrivit, en 1846, le témoignage le plus impressionnant sur Nichol : « [C’était] un singulier petit homme [qui] louchait horriblement [...] et n’avait guère reçu de beauté physique en partage [...] Vraiment, c’était un être extraordinaire, d’une éloquence naturelle, doué d’une mémoire prodigieuse [et] d’un grand esprit [...] Il ne manquait pas non plus de défauts, le pauvre, étant par exemple affligé de la vanité la plus énorme, mais elle le poussait [...] à accomplir bien des choses utiles et brillantes [...] il devint le chef de l’opposition et causa un nombre infini de problèmes, plus à moi qu’à quiconque [...] mais ses qualités dépassaient ses faiblesses. »
Les historiens ont bien négligé Robert Nichol. Quand il est mentionné, les références sont pour la plupart accidentelles. La première notice biographique sérieuse est celle d’E. A. Cruikshank*, « A sketch of the public life and services of Robert Nichol, a member of the Legislative Assembly and quartermaster general of the militia of Upper Canada », OH, 19 (1922) : 10–18. Plus à l’aise dans la compilation que dans l’analyse de documents, Cruikshank a rassemblé et publié : « Some letters of Robert Nichol », OH, 20 (1923) : 41–74 ; et « Additional correspondence of Robert Nichol », OH, 26 (1930) : 37–96, qui demeurent le point de départ de toute recherche historique sérieuse.
Jusqu’à ce jour, on n’a découvert aucune collection de papiers Nichol. Des documents, dont l’importance varie, sont éparpillés dans plusieurs fonds ou collections d’archives relatifs à la période étudiée. Les plus pertinents sont conservés aux AO : les Macaulay papers (ms 78) pour 1821 à 1824 ; les Rolph papers (ms 533, sér. D) ; les F. B. Tupper papers (MU 3027) ; et le testament de Nichol (RG 22, sér. 155). Même si les papiers James Givins et W. D. Powell de la MTL contiennent moins de renseignements, ils sont particulièrement intéressants. Les collections de la Norfolk Hist. Soc. conservées au Eva Brook Donly Museum à Simcoe, en Ontario (mfm aux APC et aux AO), renferment plusieurs références à Nichol, mais elles sont généralement décevantes. Les archives gouvernementales conservées aux APC s’avèrent des collections plus riches, voire fondamentales, pour étudier la carrière de Nichol. Les documents suivants sont les plus importants : RG 1, L3 ; RG 5, A1 ; RG 8, I (C sér.) ; RG 9, I ; RG 19, E5(a), 3747, claim 509 ; et RG 68. Les papiers de la famille Clark(e) (MG 24, B 130) méritent d’être consultés, et la série CO 42, au PRO, est essentielle. Les John Askin papers, déposés à la DPL, Burton Hist. Coll., sont les plus utiles pour étudier le début de la carrière de Nichol. La plupart des documents de cette collection ont été publiés dans John Askin papers (Quaife).
Les « Journals of Législative Assembly of U.C. » pour les années 1814 à 1824, publiés dans AO Report, 1912–1914, constituent la deuxième source imprimée qu’il faut consulter. Jusqu’à ce jour, le journal des débats de la chambre d’Assemblée n’a pas été utilisé pour étudier la carrière politique de Nichol. Pour connaître l’ensemble de sa carrière, on a examiné aussi les périodiques suivants : Colonial Advocate, 1824–1833 ; Gleaner, and Niagara Newspaper, 1824 ; Gore Gazette, and Ancaster, Hamilton, Dundas and Flamborough Advertiser (Ancaster, Ontario), 25 août 1827 ; Kingston Chronicle, 1819–1824 ; Kingston Gazette, 1816–1818 ; Niagara Herald (Niagara [Niagara-on-the-Lake, Ontario]), 6 mars 1802 ; Upper Canada Guardian ; or, Freeman’s Journal (Niagara), les numéros disponibles ; et Weekly Register (York [Toronto]), 1823. Mentionnons aussi Strachan, Letter book (Spragge), qui est utile, et Docs. relating to constitutional hist., 1791–1818 (Doughty et McArthur), 425–427 ; et 1819–28 (Doughty et Story), 1–5, 159–160, qui renseignent sur une des préoccupations politiques de Nichol : la constitution. 1812 Woodhouse Township census, with related documents (1814–1836) [...], W. R. Yeager, édit. (2e éd., Simcoe, 1978), 4, Ramsay, Dalhousie journals (Whitelaw), 2 : 74, et « Claims for losses, 1812–15 », APC Report, 1897, note B : 47–56, fournissent d’autres renseignements.
L’étude de Bruce G. Wilson, Enterprises of Robert Hamilton, est le meilleur ouvrage qui décrit le monde politico-économique dans lequel Nichol évolua au début de sa carrière. Selon R. L. Fraser, « Like Eden in her summer dress : gentry, economy, and society in Upper Canada, 1812–1840 » (thèse de ph.d., Univ. of Toronto, 1979), le rapport du comité spécial sur les ressources intérieures, présidé par Nichol, s’inscrit dans une nouvelle stratégie visant à assurer l’essor économique du Haut-Canada. L’auteur évalue l’importance du document dans l’élaboration de cette stratégie. Pour comprendre la pensée constitutionnelle de Nichol, marquée par le contexte du xviiie siècle, il faut lire John Brewer, Party ideology and popular politics at the accession of George III (Cambridge, Angl., 1976), et particulièrement le chapitre sur la responsabilité ministérielle. J. L. Finlay, dans « The state of a reputation : Bédard as a constitutionalist », Journal of Canadian Studies (Peterborough, Ontario), 20 (1985–1986), no 4 : 60–76, traite efficacement de la responsabilité ministérielle et du gouvernement responsable au Bas-Canada, à travers la carrière de Pierre-Stanislas Bédard. [r. l. f.]
Robert Lochiel Fraser, « NICHOL, ROBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/nichol_robert_6F.html.
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Auteur de l'article: | Robert Lochiel Fraser |
Titre de l'article: | NICHOL, ROBERT |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 2 oct. 2024 |