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REID, sir WILLIAM DUFF, entrepreneur, administrateur de chemin de fer et agent de développement, né le 20 novembre 1866 à Sydney (Australie), fils aîné de Robert Gillespie Reid* et de Harriet Duff ; le 19 mars 1894, il épousa à Kingston, Ontario, Minnie Cormack, et ils eurent quatre fils et une fille ; décédé le 12 mars 1924 à Montréal.
Être le fils d’un maçon, constructeur de ponts et entrepreneur détermina le cours de l’existence de William Duff Reid. Né en Australie parce que son père y fit des travaux de maçonnerie pendant une courte période, il quitta ce pays en 1869, au moment où sa famille alla s’installer dans la patrie de son père, l’Écosse. Venu au Canada en 1873 parce que son père y avait des projets de construction ferroviaire, il étudia dans diverses écoles publiques des États-Unis et du Canada, notamment le Galt Collegiate Institute en Ontario. Dès lors, il fut entraîné dans une série d’entreprises familiales.
Reid manifesta pour la première fois sa compétence de constructeur en 1885–1886, en aidant son père et Sandford Fleming* à ériger l’infrastructure du pont de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique à Lachine, dans la province de Québec. En 1887, pour le compte de cette même société, il participa, avec son père et James Isbester, à la construction d’un tronçon de 86 milles entre Algoma Mills (Algoma) et Sault-Sainte-Marie, en Ontario. De 1887 à 1890, il aida son père et Isbester à construire un embranchement du chemin de fer Intercolonial entre Point Tupper et Grand Narrows, en Nouvelle-Écosse. Toutefois, son œuvre la plus marquante fut la conception, la construction et l’exploitation du Newfoundland Railway, qu’il supervisa à compter de 1890 pendant que son père résidait surtout à Montréal. (Il suivait les travaux de si près qu’il perdit un œil au cours d’une opération de minage en 1891.) C’est lui qui dirigea la négociation du contrat par lequel, en 1898, le gouvernement de sir James Spearman Winter* prolongea de 50 ans la période durant laquelle les Reid seraient autorisés à exploiter le chemin de fer. En 1901, au moment de la constitution juridique de la Reid Newfoundland Company Limited, il devint vice-président et directeur général. Sept ans plus tard, quand son père mourut après avoir réparti ses actions entre ses trois fils, il assuma la présidence. Les tensions familiales qui en résultèrent ne s’apaiseraient jamais.
Le jour où les obsèques de son père eurent lieu à Montréal, Reid tint une cérémonie privée à St John’s, dans sa salle de conférence. Le gouverneur, sir William MacGregor, et lady MacGregor y assistaient, de même que les chefs de service et les employés de la gare de St John’s. Il y eut une interruption de 15 minutes dans l’ensemble du réseau ferroviaire ; tous les trains et tous les vapeurs s’arrêtèrent. Hommage aux réalisations de sir Robert Gillespie Reid, cette manifestation de deuil témoignait de l’autorité et de l’indépendance nouvellement acquises par son fils William Duff, alors âgé de 41 ans. À ce moment-là, l’empire des Reid ne se limitait plus au secteur ferroviaire mais englobait aussi, entre autres, le transport par vapeur, l’éclairage et l’énergie électriques, un réseau de tramways à St John’s et un bassin de radoub. Une fois président, Reid se mit à chercher d’autres secteurs d’investissement et s’employa en particulier à exploiter les richesses forestières et minières comprises dans les immenses concessions foncières acquises par sa famille au cours de la construction du chemin de fer. En 1911, selon le journaliste terre-neuvien Patrick Thomas McGrath, la Reid Newfoundland Company serait « le plus gros employeur de l’île … après le gouvernement ».
Partisan de l’entrée de Terre-Neuve dans la Confédération, Reid mit ses énormes moyens au service de cette cause aux élections de 1900 et de 1904. Un des grands enjeux du premier de ces scrutins fut le contrat de 1898, que dénonçait vigoureusement Robert Bond, chef du Parti libéral. Malgré les efforts de Reid, Bond remporta la victoire et, en 1901, il força la famille Reid à accepter de nouvelles modalités. Quatre ans plus tard, les Reid tentèrent de vendre le chemin de fer au gouvernement de Terre-Neuve, mais Bond, reporté au pouvoir en 1904, leur opposa une fin de non-recevoir. Aux élections de 1908, Reid soutint le rival de Bond, sir Edward Patrick Morris*. Comme aucun parti ne sortit vainqueur du scrutin, il fallut recommencer. Reid refit campagne pour Morris, qui devint premier ministre en 1909 en promettant de créer des emplois par la mise en chantier de nouveaux embranchements. Par la suite, Reid lui demanda de lui rendre la pareille et obtint un contrat pour six de ces lignes (il en terminerait quatre). C’est en songeant à des ouvrages de ce genre que McGrath attribuait au « génie transformateur » des Reid le progrès apparent de la colonie. Toutefois, les embranchements se révélèrent peu rentables et difficiles à entretenir.
Avant 1914, Reid envisagea d’ouvrir une usine de pâtes et papiers sur la rivière Humber, mais la déclaration de guerre l’amena à y renoncer. En raison de la hausse des coûts et de l’arrêt des travaux sur les lignes ferroviaires, la compagnie se mit à perdre de l’argent. Reid commença à s’occuper personnellement de l’exploitation du chemin de fer. Il se montrait irritable et arbitraire. Un ancien employé affirma : « Il semait l’inquiétude parmi tout le personnel en décidant tout à coup de procéder à des congédiements ou de faire des promotions et en appliquant un système bizarre selon lequel les locomotives étaient assignées à des travaux ou à des tronçons particuliers et où seulement certaines d’entre elles pouvaient tirer des trains express … Le taux de roulement du personnel était extrêmement élevé. » Reid reçut le titre de chevalier à l’occasion du Nouvel An 1916, mais un drame survenu en juillet de la même année l’affecta profondément. Son fils aîné et héritier présomptif, Robert Bruce Reid, membre du Newfoundland Regiment, fut tué à Beaumont-Hamel (Beaumont, France) V. Owen William Steele* .
En 1917, sir William Duff Reid était malade et risquait de subir des pertes financières. Ses frères l’invitèrent à quitter la direction de la Reid Newfoundland Company et à assumer la présidence du conseil d’administration. Il refusa. Une assemblée du conseil fut convoquée en décembre en vue de le destituer. Il embaucha trois hommes de main – des Montréalais armés – afin qu’ils volent les procurations obtenues par son frère Henry Duff, mais l’affaire échoua. Une fois Henry Duff à la tête de l’entreprise, William Duff s’établit à Montréal, où il avait conservé la résidence familiale du 275, rue Drummond. Invalide, il vécut cependant assez longtemps pour voir se réaliser son projet de vendre le chemin de fer. En 1923, le gouvernement de Terre-Neuve, dirigé par sir Richard Anderson Squires*, prit la ligne en charge dans le cadre du règlement final des questions encore en litige entre la famille Reid et la colonie.
Nous remercions Ian Job Reid, de St John’s, petit-fils de William Duff Reid, pour les souvenirs personnels qu’il nous a livrés au cours d’entrevues en 1997. M. Reid nous a aussi donné accès aux papiers de famille en sa possession. [r. r.]
AO, RG 80-5-0-213, nº 3979.— Arch. du Canadien Pacifique (Montréal), RG 1 (William Van Horne corr.) ; RG 2 (T. G. Shaughnessy corr.).— Centre for Newfoundland Studies, Arch., Memorial Univ. of Nfld (St John’s), Reid papers.— New South Wales Registry of Births, Deaths and Marriages (Sydney, Australie), Pioneers index, 1867-1899.— PANL, MG 17, particulièrement le dossier 412.— Cadet (St John’s), mars 1915 : 19s ; mars 1916 : 9s.— Canadian Railway and Marine World (Toronto), [19] (1916) : 55s ; 27 (1924) : 178.— W. J. Chafe, I’ve been working on the railroad : memoirs of a railwayman, 1911–1962 (St John’s, 1987).— Engineering News and American Contract Journal (New York), 18 (juill.–déc. 1887) : 270–272.— J. K. Hiller, The Newfoundland Railway, 1881–1949 (St John’s, 1981) ; « The politics of newsprint : the Newfoundland pulp and paper industry, 1915–1939 »,Acadiensis (Fredericton), 19 (1989–1990), nº 2 : 3–39 ; « The railway and local politics in Newfoundland, 1870–1901 », dans Newfoundland in the nineteenth and twentieth centuries : essays in interpretation, J. [K.] Hiller et P. [F.] Neary, édit. (Toronto, 1980), 123–147.— P. T. McGrath, Newfoundland in 1911 : being the coronation year of King George V and the opening of the second decade of the twentieth century (Londres, 1911).— A. B. Morine, The railway contract, 1898, and afterwards, 1883–1933 (St John’s, 1933).— P. B. Motley, « Double tracking of the Canadian Pacific’s St. Lawrence River bridge », Canadian Railway and Marine World, [17] (1914) : 149–156.— A. R. Penney, A history of the Newfoundland Railway (2 vol., St John’s, 1988–1990).
Ronald Rompkey, « REID, sir WILLIAM DUFF », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/reid_william_duff_15F.html.
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Auteur de l'article: | Ronald Rompkey |
Titre de l'article: | REID, sir WILLIAM DUFF |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 2 oct. 2024 |