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MERCIER, HONORÉ (baptisé Joseph-Honoré-Alfred-Édouard), avocat, homme politique et administrateur scolaire, né le 20 mars 1875 dans la paroisse Saint-Hyacinthe-le-Confesseur, Saint-Hyacinthe, Québec, fils d’Honoré Mercier* et de Virginie Saint-Denis ; le 21 avril 1903, il épousa à Montréal Jeanne Fréchette, et ils eurent au moins dix enfants ; décédé le 19 juin 1937 à Léry, Québec, et inhumé le 23 au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, Montréal.
Honoré Mercier est issu d’un milieu où la politique est omniprésente. Il passe ses six premières années à Saint-Hyacinthe, avant que son père n’installe la famille à Montréal. Ce dernier est alors avocat et député libéral de la circonscription provinciale de Saint-Hyacinthe ; il sera premier ministre de la province de Québec de 1887 à 1891. En 1887, le jeune Honoré commence ses études classiques au collège Sainte-Marie, établissement qu’il quitte deux mois avant la fin de l’année scolaire 1892–1893 pour entreprendre une formation sous la direction d’Alexandre Bonnin, professeur de l’École polytechnique de Montréal. Le 8 décembre 1893, ce dernier certifie que Mercier a étudié les matières exigées pour l’admission en droit et juge sa conduite irréprochable. Honoré Mercier père meurt le 30 octobre 1894, emporté par le diabète.
Le 5 février 1896, Mercier obtient un certificat du gouvernement de la province de Québec qui l’autorise à être admis à l’étude du droit. Il fréquente l’université Laval à Montréal, qui lui délivre un baccalauréat en droit en 1899, et commence son stage de clerc auprès de l’avocat montréalais Thomas Fortin. Devenu membre du Barreau de la province de Québec le 11 juillet 1900, il exerce le droit seul jusqu’en 1904, année où il se joint à Camille Piché. Entre-temps, il se marie avec Jeanne Fréchette, fille de l’écrivain et poète Louis Fréchette*. De 1907 à 1917, il pratique sa profession en association avec Henri-Alphonse Béїque, son beau-frère, puis travaille sans partenaire pendant cinq années avant d’interrompre cette activité jusqu’en 1928. De 1931 à 1936, il est l’un des associés du bureau Mercier, Blain, Bissonnette et Fauteux. Il a été créé conseil en loi du roi le 26 avril 1913.
Le 4 juillet 1907, Mercier a été nommé membre de la corporation de l’École des hautes études commerciales de Montréal, établissement que vient de créer le premier ministre de la province de Québec, Lomer Gouin*, qui est également son beau-frère. Aux côtés d’Isaïe Préfontaine, président de 1907 à 1919, et d’Auguste-Joseph de Bray, principal de 1907 à 1916, Mercier joue un rôle dans la mise en place de l’école. Secrétaire-trésorier de 1907 à 1915, il demeurera membre de la corporation jusqu’en 1921, année où le secrétaire de la province, Louis-Athanase David*, le remplacera.
À l’instar de son père, Mercier s’est intéressé à la politique. Dès 1906, aux élections municipales de Montréal, il est élu conseiller du quartier Centre, poste qu’il occupera jusqu’en 1910. Au sein du conseil, Mercier se préoccupe notamment de l’enfouissement des fils électriques et de la création d’une grande bibliothèque pour la métropole. À la suite de la démission du député libéral François-Xavier Dupuis en 1907, Mercier brigue les suffrages dans la circonscription provinciale de Châteauguay. Il est élu à l’élection partielle du 16 décembre, devançant de 233 votes le conservateur nationaliste Joseph-Magloire Laberge. Défait aux élections générales du 8 juin 1908, il retrouve son siège aux élections partielles du 28 décembre suivant et le conservera jusqu’en 1936. En raison de son ascendance, il se trouve parfois dans des situations délicates, notamment en 1909, quand Gouin fait adopter le projet controversé de construction d’un monument à la mémoire de Mercier père, qui se concrétise le 25 juin 1912, à proximité de l’Hôtel du Parlement, à Québec.
Le 29 avril 1914, Mercier accepte le poste de ministre de la Colonisation, des Mines et des Pêcheries, qu’il assumera jusqu’au 25 août 1919. Il joue un rôle dans les démarches initiales qui mènent à l’adoption de la 1916 Convention between the U.S. and Great Britain (for Canada) for the protection of migratory birds. En 1917, dans le Naturaliste canadien, il présente son département comme l’un des premiers à avoir promu, en décembre 1913, la sauvegarde des oiseaux migrateurs. Malgré les sarcasmes de l’opposition, la Loi réservant certains territoires de la province de Québec comme refuges des oiseaux est sanctionnée le 17 mars 1919, grâce à Mercier qui en a été le parrain. Elle vise à créer des zones protégées sur une partie de l’île Bonaventure, le rocher aux Oiseaux et le rocher Percé. En 1918, Mercier voit à l’aménagement du parc national des Laurentides, à des fins de plaisance, et à la création de la Réserve de forêt, de chasse et de pêche dans la Gaspésie. Au début des années 1930, il tentera d’organiser un nouveau parc de conservation dans la région de la rivière des Outaouais, mais ce projet avortera avec l’arrivée du gouvernement de Maurice Le Noblet Duplessis*.
Mercier devient ministre des Terres et des Forêts le 25 août 1919. Il cherche un modèle d’exploitation conforme à l’adage de son époque : Gouverner, c’est prévoir. Au début des années 1920, à Roberval, il collabore à la mise en place d’une station d’hydroplanes utilisée par les pilotes-arpenteurs qui ont le mandat de faire la carte aérienne des rivières et des forêts et de localiser les feux de forêt. En 1922, Mercier favorise le développement des connaissances sylvicoles en augmentant de 3 000 $ le budget annuel de l’École d’arpentage et de génie forestier de l’université Laval. Avec la collaboration du chef du service forestier, Gustave-Clodomir Piché*, il contribue à la fondation de l’École des gardes forestiers à Berthier (Berthierville) et à l’ouverture de l’école de papeterie des Trois-Rivières en 1923.
Dans ses allocutions à l’Assemblée législative, dans ses articles qui s’adressent à un lectorat diversifié et dans les conférences qu’il donne au Québec et aux États-Unis, Mercier promeut la protection des forêts. En 1923, à l’occasion d’une mission canadienne en France sur les questions forestières, il publie à Québec un petit ouvrage, intitulé les Forêts et les Forces hydrauliques de la province de Québec, où il démontre l’importance d’exploiter les ressources, mais également d’en faire l’inventaire et de les conserver. Dans d’autres écrits, il favorise le reboisement de la province et déplore les coupes abusives. Vers les années 1920, certaines connaissances en hydrologie et en foresterie commencent à influencer la gestion de la forêt publique ; c’est ainsi que Mercier remarque l’effet de la conservation des massifs boisés sur la régulation du régime des eaux. Le 21 juin 1925 et le 29 juin 1930, il représente le gouvernement provincial à Rome pendant la béatification et la canonisation des saints Martyrs du Canada.
Les idées de Mercier sont progressistes. Le ministre admet l’impact des activités humaines sur la nature. De plus, il soutient le suffrage féminin, notamment en 1927, où il est l’un des quatre ministres à appuyer le projet de loi en ce sens. Il fait également la promotion du développement hydroélectrique de la province, souhaitant même la nationalisation de la ressource [V. René Lévesque*].
Mercier reconnaît aussi l’intérêt d’affermer les chutes d’eau pour favoriser l’installation de centrales hydroélectriques, notamment celle de L’Isle-Maligne. Construite à partir de 1923 sur La Grande Décharge du lac Saint-Jean, à Saint-Joseph-d’Alma (Alma) [V. sir William Price*], cette centrale entre en activité en juin 1926, avant l’expropriation des propriétaires de la région. Peu après, un nombre important de terres autour du lac Saint-Jean sont inondées. Les localités de Roberval, Saint-Prime et Saint-Méthode (Saint-Félicien) sont durement touchées. Près de 800 personnes demandent réparation. Mercier est sensible aux besoins des cultivateurs et craint la chute du gouvernement libéral. En 1927, grâce à lui, la Loi concernant la fixation des indemnités exigibles à raison de l’élévation des eaux par les barrages à La Grande Décharge et à La Petite Décharge du lac Saint-Jean est sanctionnée. La loi crée la Commission du lac Saint-Jean, qui a pour but d’établir l’indemnité que devraient recevoir les personnes touchées, et maintient le droit de la compagnie responsable de la centrale à poursuivre ses opérations. Le gouvernement de Louis-Alexandre Taschereau* décide donc de prendre le parti de cette dernière, au risque de perdre les prochaines élections. En 1928, Mercier succède à Joseph-Adolphe Tessier* à la présidence de la Commission des eaux courantes de Québec. Cette année-là, des inondations importantes surviennent à nouveau sur des terres près du lac Saint-Jean, particulièrement à Saint-Méthode et à Roberval, ce qui ne manque pas de susciter les critiques de l’opposition quant aux choix politiques du ministre. À l’Assemblée législative, les interventions de Mercier sont alors parmi les plus longues et les plus documentées de sa carrière.
Mercier fait la promotion de la formation en foresterie. À la suite de représentations effectuées par des industriels et des commerçants pour améliorer l’approvisionnement, la fabrication, la vente et l’utilisation du bois, il crée en 1931 la Commission des produits forestiers de Québec. Mercier favorise, deux ans plus tard, la création de l’École d’agriculture de Sainte-Martine, établissement sous le contrôle du gouvernement. En 1934, afin de faire progresser les conditions des travailleurs dans les chantiers, il contribue à la mise sur pied de la Commission des opérations forestières.
En juin 1936, après la convocation du comité des comptes publics, Taschereau démissionne. La rumeur selon laquelle Mercier pourrait le remplacer comme premier ministre a circulé avant la session du printemps (il était l’un des candidats de Taschereau). Mercier quitte toutefois la vie politique à la fin de juin 1936, à la dissolution de l’Assemblée législative. Il décède à 62 ans, le 19 juin 1937, à la suite d’une crise d’angine.
Honoré Mercier a conjugué ses goûts pour la nature à son travail d’avocat et à ses responsabilités ministérielles. Quand le temps le permettait, il passait ses heures de loisir dans le secteur boisé du parc de la Montagne tremblante à Mont-Tremblant. Il a apporté une contribution importante à la mise en place d’organisations visant la connaissance et la protection des ressources naturelles de sa province. Cette préoccupation s’inscrivait dans un mouvement qui est apparu en Amérique du Nord dans les années 1920 et 1930, et qui a suscité une prise de conscience des problèmes causés par leur gestion.
Honoré Mercier est aussi l’auteur de : « la Protection des oiseaux insectivores », le Naturaliste canadien (Québec), 2e sér., 23 (1916–1917) : 161–164 ; « Forest protection and its effect on fish and game life », American Fisheries Soc., Trans. (Washington), 50 (1920–1921) : 96–105 ; « les Forces hydrauliques », la Vie forestière et rurale (Québec), no 2 (1923) : 65–73 ; et « Comment s’assure la protection des forêts », la Forêt et la Ferme (Montréal), 2 (septembre 1927) : 261.
BAC, MG 27, III, D2.— BAnQ-CAM, CE602-S1, 11 août 1875 ; P74.— BAnQ-Q, P350.— FD, Saint-Jacques, cathédrale de Montréal [future paroisse Saint-Jacques-le-Majeur], 21 avril 1903.— Le Devoir, 21 juin 1937.— Annuaire, Montréal, 1904–1917, 1931–1936.— D. O. Belanger, Managing American wildlife : a history of the International Association of Fish and Wildlife Agencies (Amherst, Mass., 1988).— Antonin Dupont, Taschereau (Montréal, 1997).— J.-G. Genest, Godbout (Sillery [Québec], 1996).— Pierre Harvey, Histoire de l’École des hautes études commerciales de Montréal (2 vol., Montréal, 1994–2002), 1 (1887–1926).— Raymond Laberge, les Grands Châteauguois, l’honorable Honoré Mercier, fils, 1875–1937 [...] ([Châteauguay, Québec], 2004).— Hector Laferté, Derrière le trône : mémoires d’un parlementaire québécois, 1936–1958, Gaston Deschênes, édit. (Sillery, 1998).— Québec, Assemblée nationale, « Journal des débats » : www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/journaux-debats.html (consulté le 9 sept. 2014) ; « Dictionnaire des parlementaires québécois depuis 1792 » : www.assnat.qc.ca/fr/membres/notices/index.html (consulté le 4 nov. 2011) ; Commission des produits forestiers de Québec, Rapport, 1932–1935 ; Dép. de la Colonisation, des Mines et des Pêcheries, Rapport, 1916–1924 ; Dép. des Terres et Forêts, Rapport, 1916–1926 ; Ministère de l’Agriculture, Rapport, 1934.— Rumilly, Hist. de la prov. de Québec, vol. 33–34.— B. L. Vigod, Taschereau, Jude Des Chênes, trad. (Sillery, 1996).
Yves Hébert, « MERCIER, HONORÉ (baptisé Joseph-Honoré-Alfred-Édouard) (1875-1937) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/mercier_honore_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/mercier_honore_16F.html |
Auteur de l'article: | Yves Hébert |
Titre de l'article: | MERCIER, HONORÉ (baptisé Joseph-Honoré-Alfred-Édouard) (1875-1937) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2017 |
Année de la révision: | 2017 |
Date de consultation: | 2 oct. 2024 |