SAGEAN (Sajan, parfois connu sous le nom de Mermande), MATHIEU, soldat, aventurier et inventeur d’un éphémère El Dorado, né à Lachine selon ses propres déclarations, du mariage de Jean Sagean et de Marie Larrante (ou Marie Rende), décédé en un lieu inconnu, après 1711.
Au début de l’année 1700, Sagean révéla à Desclouzeaux, intendant de la marine à Brest, en France, qu’il avait découvert un populeux royaume du nom d’Acaaniba (situé dans une région qui serait aujourd’hui le Sud-Ouest des États-Unis) dont les habitants étaient de race blanche. Il raconta que, après avoir voyagé avec La Salle [Cavelier*] jusqu’à l’embouchure du Mississipi, il avait quitté le groupe expéditionnaire avec l’approbation d’Henri Tonty, désirant faire ses propres découvertes. Accompagné de 11 Français et de deux Indiens de la tribu des Loups, il s’éloigna des bords du haut Mississipi et, après un portage de 14 lieues, atteignit le fleuve Milly ou « fleuve d’or ». Plus large et plus profond que le Mississipi, le Milly coulait dans la direction sud-sud-ouest vers Acaaniba. Les aventuriers avaient séjourné cinq mois à Acaaniba ; ils y avaient trouvé un peuple simple et généreux vivant dans un véritable paradis. L’or y était si abondant que les Acaanibas coulaient dans l’or pur non seulement les statues de leurs héros mais les ustensiles les plus usuels ; en outre, chaque année, une caravane de 3 000 bœufs chargés d’or était expédiée, dans un long périple de six lunes, vers des marchés lointains que Sagean supposait être situés au Japon.
Quand Pontchartrain, le ministre de la Marine, entendit parler de cette découverte, il écrivit à Desclouzeaux, le 10 mars 1700, lui ordonnant de préparer un mémoire sur cette affaire. Comme Sagean ne savait pas écrire, il dicta son récit au secrétaire de Desclouzeaux. Peu après, Pontchartrain fit emmener Sagean dans la région de Rochefort, dans le but de le faire interroger par Pierre Le Moyne d’Iberville et Michel Bégon, l’intendant de La Rochelle, et il donna des ordres sévères afin qu’on garde au secret Sagean et son précieux récit.
Le ministre de la Marine n’était pas le seul que l’histoire d’Acaaniba intriguait. Un petit groupe d’hommes qui avaient eu le privilège d’être informés de la découverte de Sagean et de lire des extraits de sa relation partageaient l’enthousiasme de Pontchartrain ; au nombre de ces personnes on comptait le conseiller du roi, Cabart de Villermont, les abbés Claude Bernou et Louis de Dangeau. Après maintes discussions et hésitations, Pontchartrain donna finalement l’ordre d’envoyer Sagean en Louisiane par le premier navire en partance pour le Mississipi afin qu’il guidât un détachement de Français jusqu’à Acaaniba.
À son arrivée au fort Maurepas, dans la région de Biloxi, le 27 mai 1701, Sagean fut accueilli par Henri Tonty et Pierre Le Sueur qui eurent vite fait de réduire à néant toutes ses prétentions. En définitive, cette vaste fumisterie valut tout de même à son auteur ce qu’il désirait le plus : un passage pour l’Amérique.
Sagean mérite que son nom soit retenu, ne serait-ce que pour son talent de conteur et son habileté à mystifier des gens plus avisés et plus instruits que lui. Même si sa relation reste superficielle, le récit n’en a pas moins sa place parmi les passionnantes histoires d’aventures, réelles ou imaginaires, qui ont été écrites à une époque où de vastes régions du globe étaient encore inconnues.
En 1711, il était propriétaire d’un lot au fort Louis sur la rivière de la Mobile. On le perd ensuite de vue.
La relation que Sagean avait dictée fut publiée sous le titre de : Découverte et aventure de Mathieu Sagean, 1683–1699, dans Découvertes et établissements des Français (Margry), VI, 95–162. On trouve dans le même ouvrage d’autres détails sur le récit de Sagean aux pages 162–174.
AN, Marine, B2, 146, f.35 ; 147, f.8 ; 148, f.518 ; 149, ff.149, 155.— BN, mss, Fr. 22 810, f.257.— MPA (Rowland et Sanders), II : 9–18.— P. J. Hamilton, Colonial Mobile (Boston, 1897 ; éd. rev., 1910), 84 ([Chevillot]’s map « Fort Louis de la Mobille, 1706 ? »).— R. G. McWilliams, A kingdom beyond the Rockies : the El Dorado of Mathieu Sagean The French in the Mississippi valley, J. F. McDermott : édit. (Urbana, 1965).
Richebourg Gaillard McWilliams, « SAGEAN (Sajan, Mermande), MATHIEU », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 9 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/sagean_mathieu_2F.html.
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Auteur de l'article: | Richebourg Gaillard McWilliams |
Titre de l'article: | SAGEAN (Sajan, Mermande), MATHIEU |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1969 |
Année de la révision: | 1991 |
Date de consultation: | 9 oct. 2024 |