BRUCE, ROBERT GEORGE, ingénieur militaire, né probablement en Écosse, sa mère s’appelait Margaret Hay, décédé le 8 avril 1779 à Londres.

Robert George Bruce entra au Board of Ordnance en Grande-Bretagne comme ingénieur exerçant en décembre 1755 ; il obtint le grade d’enseigne en 1757, quand le statut militaire fut accordé aux ingénieurs. Plus tard cette année-là, il participa à la malheureuse expédition menée contre l’arsenal de la marine française à Rochefort. Promu lieutenant en 1758 et lieutenant-capitaine en 1759, il fut affecté à Annapolis Royal, Nouvelle-Écosse, à l’été de 1761.

Lorsque la ville d’Annapolis Royal était devenue la capitale britannique de la Nouvelle-Écosse en 1710, le Board of Ordnance avait pris à sa charge les fortifications. Au cours des années 1730 et 1740, il avait autorisé un certain nombre de réparations urgentes, mais on ne disposait pas des sommes nécessaires à une réfection plus durable des ouvrages de terrassement qui tombaient en ruine. Quand la situation devint moins tendue sur le plan militaire, à la fin des années 1750, le Board of Ordnance eut le loisir d’étudier l’état des défenses de la Nouvelle-Écosse et c’est ainsi qu’Annapolis Royal fut l’objet de soins qui ne lui avaient jamais été prodigués durant le conflit. Bruce fut envoyé d’Angleterre avec mission de dresser un rapport sur l’état du vieux fort et de faire des recommandations concernant les travaux de réfection.

La carrière de Bruce en Amérique du Nord commença sous de fâcheux auspices : il perdit ses instruments ainsi que ses effets personnels lorsque le navire sur lequel il voyageait fut capturé par un corsaire français. Il parvint à Annapolis Royal en juillet 1761 et, peu de temps après, il fit savoir au Board of Ordnance que le fort était dans un « grand état de délabrement ». Il soumit un audacieux projet en vue de reconstruire en pierre les murs et les bastions de terre. Tandis que le Board of Ordnance étudiait le projet, presque deux années s’écoulèrent sans que rien ne fût entrepris ; en attendant, Bruce inspecta les forts Frederick (Saint-Jean, Nouveau-Brunswick) et Cumberland (près de Sackville, Nouveau-Brunswick), fit des levés sur la rivière Saint-Jean et assista ses collègues ingénieurs Samuel Beardsley, John Marr et William Spry, à Halifax.

Au début de 1763, on reçut l’autorisation d’effectuer les travaux à Annapolis Royal. À l’été, Bruce avait entrepris le maçonnage des vastes fondations d’un nouveau fort. Pour l’achat des matériaux de construction, il négocia des contrats avec la firme Apthorp and Hancock de Boston et avec des fournisseurs locaux, ce qui amena un regain de l’activité commerciale dans la région d’Annapolis Royal. Il résolut le problème de la pénurie de main-d’œuvre locale en employant des Acadiens qui avaient échappé à la déportation en 1755 et avaient obtenu la permission de rester dans la colonie comme prisonniers en liberté surveillée. L’ancienne capitale connut ainsi une certain regain de prospérité : les salaires augmentèrent, les sous-entrepreneurs se multiplièrent et le prix du bois dépassa celui de Halifax. Employeur affable et d’un « bon naturel », semble-t-il, Bruce était en pratique l’homme qui détenait l’autorité à Annapolis où les ingénieurs, les contremaîtres et les manœuvres dépassaient en nombre la garnison régulière. En 1766, des fournitures valant £15 000 – presque la moitié du coût estimé de l’ambitieux projet – étaient emmagasinées au fort. Cette année-là, toutefois, la persistance de la paix et le resserrement des contrôles financiers affectèrent les décisions du Board of Ordnance ; tout travail cessa aux fortifications de la Nouvelle-Écosse et Bruce s’en retourna chez lui. En 1770, il ne restait quasi aucune trace de son œuvre : on avait dispersé les fournitures, démantelé les nouvelles constructions pour les expédier à St John’s, Terre-Neuve, et supprimé les coûteux murs de maçonnerie.

On ne sait trop ce que fut la carrière de Bruce à l’emploi du Board of Ordnance après son retour en Angleterre. Il fut promu au grade de capitaine en 1774. En 1778, on le retrouve à l’île Dominique, Petites Antilles, où un petit groupe d’ingénieurs britanniques, parmi lesquels se trouvait Gother Mann*, étaient en train de construire de vastes fortifications. Il est probable que Bruce était dans l’île depuis plusieurs années car il y avait acquis « des domaines et des plantations » au moment où il rédigea son testament, en février 1778. Il léguait ce qui semble avoir été une jolie fortune à une vingtaine de parents et de connaissances de l’autre sexe tant en Grande-Bretagne qu’à l’île Dominique. Il s’était marié, mais sa femme était apparemment décédée à ce dernier endroit.

Les défenses de l’île, malgré leur coût élevé, étaient lamentablement dépourvues de garnison, et l’île tomba rapidement aux mains des Français qui y débarquèrent en septembre 1778. En avril de l’année suivante, Bruce était de retour à Londres où il mourut dans des circonstances pénibles. Le Gentleman’s Magazine annonça qu’il était mort à la suite de sa quatrième tentative de suicide dans la même journée. Son serviteur et son médecin avaient soigné les blessures qu’il s’était infligées lors des tentatives précédentes, puis, sans se méfier, ils l’avaient laissé seul à son domicile de Londres, « dans un calme apparent ». « Seul un accès de folie, affirmait la revue, a pu causer cette affreuse catastrophe » car Bruce avait « récemment épousé une aimable jeune fille et il possédait une grande fortune ».

Les efforts déployés par Bruce en Nouvelle-Écosse n’aboutirent pas, mais on ne lui rendrait pas justice si on le considérait uniquement comme une victime de la réduction des dépenses militaires qui se produisit après la guerre de Sept Ans. À la vérité, il appartenait à un nouveau groupe d’ingénieurs professionnels que l’on commençait à voir dans les rangs de l’armée britannique : des hommes qui avaient, au contraire de leurs prédécesseurs, subi un entraînement approprié, étaient bien au courant de la procédure financière à suivre, cherchaient à mettre au point de solides plans de fortifications et ne négligeaient rien pour les étudier à fond. Bruce et des collègues comme Beardsley, Marr et Spry montrent dans leur correspondance un esprit de corps qui était de plus en plus solide, presque exubérant, et qui venait de la formation commune qu’ils avaient reçue à la Royal Military Academy, à Woolwich, des expériences qu’ils avaient partagées et du dédain que chacun d’eux éprouvait pour l’armée régulière. Six plans, tracés par Bruce ou sous sa direction, ont été conservés et témoignent encore de la haute qualité dans l’art du dessin que commençaient à atteindre les jeunes ingénieurs du roi en ce temps-là.

Maxwell Sutherland

Clements Library, Thomas Gage papers, American ser., R. G. Bruce à Gage, 26 déc. 1763 ; William Fenwick au colonel Cunningham, 24 mars 1766.— PRO, Prob. 11/1 054, ff.357–359 ; WO 34/12, William Forster à Jeffrey Amherst, 21 août 1763 ; 47/58, f.21 ; 47/59, f.118 ; 47/62, f.113 ; 55/1 558, pt.3, ff.55–56 ; 55/1 820, pt.3, f.11 ; pt.5, f.7 (mfm aux APC).— Gentleman’s Magazine, 1779, 211.— Roll of officers of the corps of Royal Engineers from 1660 to 1898 [...], R. F. Edwards, édit. (Chatham, Angl., 1898), 5, 7.— Porter, History of Royal Engineers, I : 182s.

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Maxwell Sutherland, « BRUCE, ROBERT GEORGE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/bruce_robert_george_4F.html.

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Auteur de l'article:    Maxwell Sutherland
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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
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