L’ESPÉRANCE (aussi Sivert de L’Espérance), CHARLES-GABRIEL-SÉBASTIEN DE, baron de L’ESPÉRANCE, baron du Saint-Empire Romain, officier dans les troupes régulières et dans les troupes de la Marine, administrateur colonial, né le lev décembre 1725 à Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton), fils de Charles-Léopold-Ébérard de L’Espérance* et de Marguerite Dangeac, décédé le 5 janvier 1791, probablement à Versailles, France.
Comme son père, Charles-Gabriel-Sébastien de L’Espérance choisit de faire carrière dans l’armée. Alors qu’il avait dix ans, il s’enrôla comme cadet dans un détachement du régiment suisse de Karrer, à Louisbourg, et, en 1742, il fut promu enseigne en second. Il était présent au siège de la forteresse en 1745 et partit pour la France avec le reste de la garnison vaincue. Bien que, en 1747, il s’embarquât avec les troupes destinées au Canada, sur la flotte commandée par La Jonquière [Taffanel*], L’Espérance était chargé d’escorter deux détachements jusqu’aux Antilles. Promu lieutenant dans les troupes de la Marine à l’île Royale, en 1754, il servit sous les ordres de son oncle, le capitaine François-Gabriel d’Angeac. En 1755, L’Espérance épousa Anne-Claire Du Pont de Renon, petite-fille de Michel Du Pont* de Renon. Après la chute de Louisbourg en 1758, L’Espérance retourna en France.
Bien que les débuts de sa carrière ne fussent pas exceptionnels, L’Espérance reçut de l’avancement, grâce à ses relations de famille et à ses pouvoirs de persuasion. Promu capitaine en 1763, il accompagna d’Angeac au poste de pêche nouvellement acquis de l’île Saint-Pierre et fut envoyé pour prendre possession de l’île Miquelon. Il y fut stationné, avec 20 soldats environ, pendant neuf ans ; en 1770, il reçut la croix de Saint-Louis.
L’Espérance se vit confier le commandement de l’île Saint-Pierre lorsque son oncle rentra en France en 1772. Sur la recommandation de ce dernier, il lui succéda officiellement au poste de gouverneur des deux îles en 1773. Deux ans plus tard, il s’alliait à la communauté étroitement liée des marchands de l’île Saint-Pierre par son mariage à Jeanne-Françoise, fille d’Antoine Rodrigue, âgée de 21 ans. Le recensement de 1776 évalue la population de l’île à 1984 âmes ; l’été, quand la pêche était bonne, cette population s’augmentait d’un millier d’hommes. Les pêcheries sédentaires étaient concentrées sur l’île Saint-Pierre dont les habitants possédaient 2 brigantins, 67 goélettes et 225 chaloupes. Les colons acadiens, moins impliqués dans la pêche, préféraient vivre sur l’île Miquelon.
Quand la Grande-Bretagne et ses colonies américaines furent sur la voie de la guerre, les relations entre la colonie française et Terre-Neuve devinrent critiques. En 1776, un accord avec John Montagu, gouverneur de Terre-Neuve, régla deux longues disputes entre les deux colonies. Par la suite, les Français eurent la permission de couper du bois à Terre-Neuve et de pêcher dans le détroit qui séparait les deux territoires. Les relations commerciales entre l’île Saint-Pierre et la Nouvelle-Angleterre cessèrent cette année-là, mais la situation de l’île allait devenir plus précaire encore lors de l’alliance de la France avec les Américains en 1778. Ne disposant que de 31 soldats et six canons, L’Espérance ne put faire grand-chose quand, en septembre 1778, un escadron anglais aux ordres du commodore John Evans fit son apparition au large de l’île Saint-Pierre et somma les Français de se rendre. Toujours vaniteux, le gouverneur capitula en grande pompe, après s’être assuré les honneurs de la guerre. Après que ses officiers et lui eurent quitté pour la France, les Britanniques pillèrent et brûlèrent l’établissement.
Promu brigadier d’infanterie des colonies en 1778, L’Espérance fut gratifié d’une pension de 4 000#. Il avait projeté de s’établir en Alsace où il avait de la parenté, mais, en 1783, il fut rappelé au poste de gouverneur des îles Saint-Pierre et Miquelon, rétrocédées à la France par le traité de Paris. Parfois endetté et sollicitant fréquemment du gouvernement des avances et des gratifications, il fut sans nul doute heureux de voir son salaire passer de 10 000# à 15 000#. On tripla le nombre de soldats sous ses ordres et, en 1784, il fut promu général de brigade de l’infanterie de ligne.
La France tenait tellement aux pêcheries de l’Atlantique Nord que le gouvernement avait pourvu à la subsistance des réfugiés des îles Saint-Pierre et Miquelon pendant leur séjour en France de 1778 à 1783. Afin de donner un nouveau commencement à la colonie, la monarchie incita les pêcheurs à y retourner en leur offrant des rations pendant une période allant jusqu’à une année et demie, du matériel de pêche et des avances pour la reconstruction des édifices. Les Britanniques permirent aussi aux colons de couper du bois à Terre-Neuve et d’extraire du charbon de l’île du Cap-Breton. En moins d’un an, la population atteignit 1 204 âmes dont la moitié environ étaient des pêcheurs. L’Espérance insista pour que la colonie reçût plus de soldats et fût fortifiée.
En 1784, une commission composée de trois membres fut envoyée à Saint-Pierre pour déterminer si les îles pouvaient être mieux défendues. Après examen du rapport, le ministre de la Marine, Castries, décida de ne doter Saint-Pierre d’aucun ouvrage de défense parce que cela se révélait impraticable et trop coûteux. On relégua les îles au statut de simple poste de pêche et on réduisit le personnel civil et militaire. Le poste de gouverneur fut aboli et le commandement confié à un capitaine d’infanterie sous la juridiction du commandant de la station navale française qu’on envoyait chaque année dans les eaux de Terre-Neuve pour assurer la protection des pêcheries.
L’Espérance repassa l’Atlantique pour la dernière fois en 1785. Bien que touchant une pension de 6 000# en 1786, lui et sa femme harcelèrent le gouvernement dans l’espoir d’obtenir davantage. Promu maréchal de camp en 1788, L’Espérance prit officiellement sa retraite en avril 1789.
AN, Col., E, 281 (dossier L’Espérance) ; Section Outre-mer, G3, 2 044, 23 aoùt 1755.— Æ. Fauteux, Les chevaliers de Saint-Louis, 215.— La Morandière, Hist. de la pêche française de la morue, II : 810–816, 823–826.— J.-Y. Ribault, Les îles Saint-Pierre et Miquelon des origines à 1814 (Saint-Pierre, 1962), 65–67, 80–86.— Henri Bourde de La Rogerie, Saint-Pierre et Miquelon : des origines à 1778, Le Pays de Granville ; bull. trimestriel de la Soc. d’études historiques et économiques (Mortain, France), 2e sér., nos 38–40 (1937).— J.-Y. Ribault, La population des îles Saint-Pierre et Miquelon de 1763 à 1793, Revue française d’hist. d’outre-mer (Paris), LIII (1966) : 43.
T. A. Crowley, « L’ESPÉRANCE (Sivert de L’Espérance), CHARLES-GABRIEL-SÉBASTIEN DE, baron de L’ESPÉRANCE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/l_esperance_charles_gabriel_sebastien_de_4F.html.
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Auteur de l'article: | T. A. Crowley |
Titre de l'article: | L’ESPÉRANCE (Sivert de L’Espérance), CHARLES-GABRIEL-SÉBASTIEN DE, baron de L’ESPÉRANCE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
Année de la révision: | 1980 |
Date de consultation: | 2 oct. 2024 |