LOCKWOOD, ANTHONY, officier de marine, hydrographe, arpenteur, fonctionnaire et homme politique, né vers 1775 en Angleterre ; il eut un fils prénommé Anthony qui naquit en 1804 ; le 11 mai 1819, il épousa une veuve, Harriet Lee, de Saint-Jean, Nouveau-Brunswick ; inhumé le 25 janvier 1855 à Stepney (Londres).

Anthony Lockwood entra dans la marine royale en 1791 ; il fut d’abord midshipman et, ensuite, sous-officier de navigation, avant d’être promu officier de navigation sur le Jason, à bord duquel il servit du 20 mai 1797 au 25 février 1799. Il occupa le même poste sur le Crescent, du 25 avril 1799 au 26 juillet 1801, période pendant laquelle il fit une étude hydrographique de Curaçao et d’une partie de la mer des Antilles. La maladie vint alors interrompre sa carrière de marin jusqu’en juillet 1804, mais au cours des deux années subséquentes il effectua des levés au cap Ferrat, en France, à La Corogne, en Espagne, et au port de Falmouth, en Angleterre, en plus de faire une exploration hydrographique incomplète des îles de la Manche.

Le 1er juillet 1807, le vice-amiral sir Alexander Forrester Inglis Cochrane nomma Lockwood maître adjoint intérimaire du chantier maritime de Bridgetown, à La Barbade. Lockwood exerça cette fonction jusqu’au début de 1814, après quoi il entreprit des levés sur les côtes de l’Amérique du Nord britannique. Au cours des quatre années suivantes, naviguant sur le sloop Examiner et ayant sa base d’opérations près de Halifax, il fit de nombreux levés hydrographiques de la Nouvelle-Écosse et de l’île Grand-Manan, au Nouveau-Brunswick, en plus de dresser une carte du port de Saint-Jean. Sa dernière carte marine fut homologuée à l’Hydrographie Office de Londres, le 25 mars 1818.

La même année, désireux d’obtenir une promotion une fois la guerre terminée, Lockwood publia à compte d’auteur, à Londres, un ouvrage intitulé A brief description of Nova Scotia, with plates of the principal harbors [...]. Cette publication portait des dédicaces excessivement flatteuses à l’adresse du lieutenant-gouverneur de la colonie, lord Dalhousie [Ramsay*], et des fonctionnaires de son gouvernement, notamment l’arpenteur général Charles Morris* qui avait déjà employé Lockwood en qualité de cartographe. Le 25 février 1819, pourvu d’une recommandation écrite du commander Charles Bullen, Lockwood adressa une requête au secrétaire d’État aux Colonies, lord Bathurst, lui demandant d’être nommé arpenteur général du Nouveau-Brunswick. Cependant, sept semaines auparavant, le lieutenant-gouverneur George Stracey Smyth* avait recommandé à ce poste George Shore, alors arpenteur général par intérim. N’ayant pas reçu de réponse, Smyth réitéra sa recommandation dans une lettre datée du 25 mars et adressée à Bathurst. Encore une fois, le secrétaire d’État aux Colonies ne tint aucun compte de cette demande et nomma Lockwood le 23 avril 1819. Smyth n’en fut informé qu’au moment où Lockwood se présenta à Fredericton au mois de juillet suivant.

En route pour Fredericton, Lockwood avait croisé à Saint-Jean le senau Albion, chargé d’immigrants gallois auxquels il remit, à son arrivée dans la capitale, des billets de location, documents par lesquels ils se voyaient attribuer des lots. Cette initiative, prise avant même qu’il ne se soit présenté à Smyth et à son conseil, fut pour beaucoup dans l’élaboration d’une politique de colonisation au Nouveau-Brunswick. En août, Lockwood avait participé à la création de la Cardigan Society, qui était destinée à venir en aide à l’établissement gallois de Cardigan et qui fut rapidement absorbée par la Fredericton Emigrant Society, dont il devint secrétaire.

L’activité déployée par Lockwood au cours des premiers mois de son séjour au Nouveau-Brunswick avait de quoi impressionner. Avant de prêter serment devant le Conseil du Nouveau-Brunswick, dont il devenait membre d’office à titre d’arpenteur général, il avait écrit à Bathurst lui conseillant de faire arpenter la province afin de la diviser en sections. Il prit possession de son siège au conseil le 13 octobre 1819 et, le même automne, il trouva le temps de faire le premier levé d’une canalisation qui devait traverser l’isthme de Chignectou (isthme Chignecto), ce qui, évidemment, lui valut un précieux appui des marchands de Saint-Jean. Le 16 décembre, il offrit ses services au conseil pour effectuer un nouveau relevé des lignes de démarcation des comtés de Kings, de Queens et de Westmorland. En 1820, il arpenta au cap Tormentine 84 lots destinés à des immigrants et construisit à l’intention de ces derniers une route jusqu’à la rivière Gaspereau. De plus, il fit le tracé d’une autre route entre les rivières Nerepis et Oromocto. Le 22 juillet de la même année, le conseil prit connaissance d’un rapport de Lockwood au sujet de la concession d’un terrain à la bande des Micmacs de la rivière Richibouctou (rivière Richibucto). En outre, au cours de la réunion du conseil le 5 octobre, il recommanda que d’autres lots soient concédés à des immigrants à Shepody Road.

Après une entrée en fonction aussi dynamique, Lockwood limita apparemment son activité à la conduite quotidienne de son service, même si en juin 1822, semble-t-il, il avait déjà été nommé receveur général des revenus imprévus, poste qui venait s’ajouter à celui qu’il occupait déjà. Ces périodes d’intense activité suivies de cycles d’inactivité relative étaient peut-être de mauvais augure. Ainsi, au début de l’automne de 1822, Lockwood consulta d’abord le docteur Thomas Emerson*, de Fredericton, puis fut traité par le docteur Thomas Paddock, de Saint-Jean, pour une vague maladie mentale. Toutefois, il se rétablit suffisamment pour assister à neuf réunions du conseil entre le 18 janvier et le 13 mars 1823. À la dernière de ces réunions, il présenta deux plans, un de la rivière Richibouctou montrant les terres réservées aux villes et un autre de la rivière Bouctouche (rivière Buctouche). Cependant, la crise politique consécutive au décès du lieutenant-gouverneur Smyth, le 27 mars, fut l’occasion, sinon la cause, de la dégradation spectaculaire de l’état mental de Lockwood.

Comme la situation exigeait la nomination d’un président intérimaire du conseil, on offrit d’abord le poste à George Leonard*, octogénaire et doyen du conseil, mais celui-ci refusa en raison de son âge avancé. Ward Chipman* assuma les fonctions d’administrateur le 1er avril, en dépit des objections de ceux qui lui préféraient Christopher Billopp ; d’ailleurs, cette opposition persista. Lockwood assista aux réunions du conseil le 30 avril et le 1er mai. Par la suite, il s’absenta, et l’on ne sait rien de précis sur ses allées et venues au cours des semaines subséquentes. Le 24 mai, il avait convaincu Leonard de faire valoir ses droits à la présidence « dans l’espoir que cela ramènerait la tranquillité dans la province ». Sous prétexte de faire avancer les choses, Lockwood se constitua aide de camp civil de Leonard, officier supérieur de visite et secrétaire intérimaire. Le 25 mai, il tenta de diffuser à Saint-Jean la proclamation de Leonard, mais, au même moment, il écrivait à Chipman, lui indiquant à quelles conditions lui-même, Lockwood, serait prêt à l’appuyer. Du 25 au 30 mai, Lockwood se comporta à Saint-Jean avec une violence incohérente : il proféra des menaces, se bagarra, élut domicile à la résidence du gouverneur et rassembla une populace favorable à sa cause. Le docteur Paddock lui prodigua ses soins, mais sans grand succès. Quand Lockwood retourna à Fredericton le 30 mai, il était sur le point de s’effondrer. Sur le vapeur General Smyth qui le transportait, il griffonna à Chipman un appel désespéré, lui demandant d’être libéré de ses fonctions publiques, puisque son « malaise » était « sujet à empirer s’il était renfermé ».

Le 31 mai, le conseil étudia la question de la santé mentale de Lockwood ; il écouta les dépositions des médecins qui l’avaient traité et le témoignage du maire de Saint-Jean. Le lendemain de cette séance, Lockwood installa une table sur la place principale de Fredericton, où il se mit à boire du café, à lancer des proclamations et à réagir agressivement face à la foule. Il enfourcha ensuite un cheval, parcourut les rues de la ville en tirant du pistolet et en se disant appelé à gouverner la province. À la nuit tombante, il fut arrêté et incarcéré à la prison de Fredericton. Après avoir reçu, le 2 juin, le témoignage du shérif du comté d’York, les membres du conseil se déclarèrent « pleinement convaincus » du dérangement d’esprit de Lockwood. Le même jour, Chipman institua une commission chargée de se prononcer sur un cas présumé d’aliénation mentale ; le 5 juin, celle-ci avait déjà établi que Lockwood était fou au sens de la loi et qu’il en était ainsi depuis le 19 mai. Le 7 juin, sa femme et son fils demandèrent que la personne et les biens de Lockwood soient placés sous la garde de curateurs, ce qui leur fut immédiatement accordé.

Quand George Shore, le remplaçant de Lockwood, prit possession du bureau de l’arpenteur général, il découvrit que la confusion régnait, que des documents avaient été abîmés et que le fouillis était tel qu’il faudrait « deux employés surnuméraires pendant cinq ans pour tout remettre en ordre ». En outre, l’écart entre les sommes perçues par Lockwood à titre de receveur général et les dépôts bancaires effectués par son bureau s’élevait à plus de £2 000. En septembre, Lockwood fut retiré de la prison pour être placé en résidence surveillée, mais il dut subir avec sa famille la vente aux enchères de ses biens mobiliers et immobiliers, les curateurs qui en avaient la garde cherchant à recouvrer les fonds publics manquants.

Tout le temps de sa réclusion, Anthony Lockwood sollicita sa remise en liberté. Cependant, ce ne fut que le 10 novembre 1825 qu’une autre commission d’enquête, instituée par le lieutenant-gouverneur sir Howard Douglas*, le déclara « rétabli dans son entendement ». Peu après sa libération, il retourna en Angleterre avec sa femme et continua à recevoir, jusqu’à sa mort, une pension annuelle de £150 du gouvernement du Nouveau-Brunswick. Toutefois, l’apaisement de ses souffrances ne dura guère. « Sujet de temps à autre à des accès de démence » jusqu’en 1836, il passa probablement quelques-unes des dernières années de sa vie au Bethnal Green Lunatic Asylum, à Londres.

Peter Thomas

Anthony Lockwood est l’auteur de : A brief description of Nova Scotia, with plates of the principal harbors ; including a particular account of the Island of Grand Manan (Londres, 1818). Sa carte du port de Saint-Jean parut sous le titre de Mouth of the River St. John ([Londres], 1818 ; une copie est disponible à la British Library (Londres), Dept. of Printed Books) ; une photographie de cette carte se trouve dans la collection de cartes des APNB, sous la cote H2-203.29-1818.

APNB, « N.B. political biog. » (J. C. et H. B. Graves) ; RG 2, RS6, A2, 2 oct., 16 déc. 1819, 22 juill., 5 oct., 23 déc. 1820 ; A3, 13 mars, 30 avril, 2 juin 1823 ; RS8, Estates, 2/1, administration of Anthony Lockwood.— Musée du N.-B., W. F. Ganong, « New Brunswick biography », 133 ; W. F. Ganong coll., box 12, packet 3 ; H. T. Hazen coll. : Ward Chipman papers, corr., George Leonard à Chipman, [27 ou 28 mai 1823] ; Anthony Lockwood à Chipman, 25 mai 1823 ; Lockwood à Thomas Wetmore, 10 sept. 1823 ; George Shore à Chipman, 14 juin 1823 ; Ward Chipman papers, deposition of R. C. Minette, city surveyor, Saint John ; memorandum, Bank of New Brunswick, 7 oct. 1823 ; Reg. of marriages for the city and county of Saint John, book A (1810–1828) ; SB 42 : 72 (L. [M. B.] Maxwell, « History of central New Brunswick », Daily Gleaner (Fredericton), 1933).— Old Loyalist Graveyard (Fredericton), Pierre tombale d’Anthony Lockwood fils.— PANS, RG 20A, 68, 1817.— PRO, ADM 1/4822, Pro L, nos 224–225 ; 1/4824, Pro L, no 248 ; 1/4826, Pro L, no 261 ; 1/4849, Pro L, no 74 ; 11/4 ; 11/6 ; 36/14409 ; 106/1560, 27 oct. 1806 ; 106/1693, 31 janv. 1814 (inclus dans 31 janv. 1818), 25 mars 1818 ; 106/2248 : 398 ; 106/3517, 1er avril 1822 ; CO 188/25, Lockwood à lord Bathurst, 25 févr. 1819 ; Smyth à Bathurst, 4 janv., 15 mars 1819.— N.-É., House of Assembly, Journal and proc., 1820 : 158.— New-Brunswick Royal Gazette, 22 juin, 6, 9 juill., 7 déc. 1819.— Nova-Scotia Royal Gazette, 30 juin 1819.— Acadian Recorder, 12 déc. 1896, supp.

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Peter Thomas, « LOCKWOOD, ANTHONY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/lockwood_anthony_8F.html.

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Auteur de l'article:    Peter Thomas
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
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