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DEASE, PETER WARREN, fonctionnaire de la Hudson’s Bay Company et explorateur de l’Arctique, né le 1er janvier 1788 à Mackinac (Mackinac Island, Michigan), fils du docteur John B. Dease, capitaine et surintendant adjoint du département des Affaires indiennes, et de Jane French, qui était peut-être une Agnier catholique de Caughnawaga, décédé le 17 janvier 1863 à la côte Sainte-Catherine (Montréal), Bas-Canada.
Peter Warren Dease fut ainsi nommé en souvenir de l’amiral Peter Warren*, qui s’empara de Louisbourg, à l’île Royale (île du Cap-Breton), en 1745, et qui était apparenté à son père. Élevé à Montréal, Dease, à l’âge de 13 ans, fut engagé à la compagnie XY, le 11 avril 1801, au salaire de £75, plus la nourriture, le logement et le vêtement, pour six années qu’il passerait dans « le pays indien ou Nord-Ouest ». À la suite de la fusion de la compagnie XY et de la North West Company en 1804, il devint commis de la North West Company et fut mis en poste dans le département de l’Athabasca, et ensuite dans le district du fleuve Mackenzie, étant affecté au fort Chipewyan et à différents postes sur le Mackenzie et au nord du Grand lac des Esclaves. Pendant que la guerre était imminente entre la North West Company et la Hudson’s Bay Company, Dease accompagnait le parti qui attira Colin Robertson* dans une embuscade à Grand Rapids, en bas de l’Île-à-la-Crosse, vers le 28 juin 1820.
Lors de l’union des deux compagnies, en 1821, Peter Warren Dease et son frère John Warren furent nommés chefs de poste au sein de la Hudson’s Bay Company ; Peter Warren assista à la première réunion du Conseil du département de Northern à Norway House, en août 1821, où il reçut son affectation au district de l’Athabasca. De bonne heure en 1823, le gouverneur George Simpson* donna à Dease l’ordre d’entreprendre, pendant l’été, l’exploration de la Finlay et d’autres rivières situées à l’ouest des montagnes Rocheuses et parallèles au Mackenzie. Dease reçut ses instructions trop tard pour pouvoir partir du fort Chipewyan avant la débâcle du printemps, de sorte que Samuel Black* prit la direction des explorations de l’Ouest pour l’année 1824 et que Dease fut affecté à « l’expédition de la terre arctique » de John Franklin* pour les convois de 1824–1825, 1825–1826 et 1826–1827.
Au fort Chipewyan, en mai 1820, Dease, « avec promptitude et bienveillance », avait fourni à Franklin des renseignements sur les indigènes et sur la géographie, en vue de sa première expédition vers l’Arctique ; pour sa seconde expédition, Franklin demanda l’aide de Dease pour se procurer les provisions, se ménager l’appui des Indiens et des voyageurs et construire une base au Grand lac des Esclaves. Pendant l’hiver de 1824–1825, Dease fournit du poisson tiré du Grand lac des Esclaves et contribua à la paix entre les Couteaux-Jaunes et les Platscotés-de-Chiens de façon qu’ils pussent chasser au profit de l’expédition. En juillet 1825, il surveilla la construction du fort Franklin au Grand lac de l’Ours. La baie de Dease (Dease Arm) dans ce lac et la rivière Dease (qui s’y jette) rappellent les services rendus par Dease à l’expédition de Franklin.
Dease demeura dans le district du Mackenzie, ayant son quartier général au fort Good Hope, de 1827 à 1830. Il fut promu agent principal le 23 janvier 1828, en récompense de son aide à Franklin, et, en juillet 1830, il fut nommé au lac Fraser, en New Caledonia (Colombie-Britannique).
Au printemps de 1831, Dease prit l’entière direction du district de New Caledonia, succédant à William Connolly*, et alla habiter le fort St James, au lac Stuart. Le district accusait maintenant de grands profits, qu’on a dit avoir été de £8 000 en 1834. Dease était populaire auprès de ses hommes, se montrant « des plus aimable, chaleureux, sociable ». Sous sa direction la vie au fort St James devint animée par des festins « d’ours rôti, de castor et de marmotte », les jeux d’échec, de trictrac et de whist, et lui-même jouait du violon et de la flûte d’une façon remarquable « au cours des soirées musicales du fort ». Il était apprécié de ses supérieurs pour avoir innové au fort St James, en particulier en y introduisant du bétail provenant du fort Vancouver (Vancouver, Washington) et en encourageant l’agriculture. En 1835, jouissant d’un congé, il fut remplacé par Peter Skene Ogden*.
En juin 1836, le conseil désigna Dease pour commander l’expédition d’exploration de l’Arctique envoyée par la Hudson’s Bay Company pour combler les lacunes dans les connaissances acquises par les officiers de marine Franklin, Frederick William Beechey* et George Back* dans leur recherche du passage du Nord-Ouest. Le jeune cousin de George Simpson, Thomas Simpson, qui était entré dans la Hudson’s Bay Company en 1829 et qui, récemment, avait été la cause de certains troubles parmi les Métis du fort Garry (Winnipeg), fut nommé commandant en second et chargé de l’arpentage et des recherches scientifiques. L’expédition, composée de 12 hommes, devait explorer du côté de l’ouest, à partir de l’embouchure du Mackenzie, et du côté de l’est, à partir de la pointe Turnagain visitée par Franklin sur la presqu’île de Kent.
Le 1er février 1837, Dease fut rejoint au fort Chipewyan par Simpson, qui, parti de la Rivière-Rouge, avait fait, par voie de terre, un stupéfiant voyage de 1277 milles en 62 jours seulement. Ils quittèrent le poste le 1er juin 1837 et, au fort Resolution, au Grand lac des Esclaves, Dease vaccina tous les jeunes indigènes contre la variole. Ils atteignirent l’embouchure du Mackenzie le 9 juillet. Le 23 juillet, ils avaient progressé jusqu’à Return Reef (Alaska), le point le plus à l’ouest atteint par Franklin en 1826, qui n’y était pas arrivé avant la mi-août. Mais, le 31 juillet, il leur fallut quitter la mer à cause des glaces. Le lendemain, Simpson prit la voie de terre, à partir de « Boat Extreme », pour franchir les 60 milles qui le séparaient de la pointe Barrow, que l’expédition de Beechey avait atteinte en venant par l’ouest. Empruntant un oumiak indigène à l’inlet de Dease, Simpson atteignit la pointe Barrow le 4 août. Il y prit possession, au nom de la Grande-Bretagne, des territoires qu’ils avaient découverts. Le groupe de nouveau réuni arriva à l’embouchure du Mackenzie le 17 août et au fort Norman le 4 septembre. Là, ils reçurent instructions d’explorer l’est de la rivière Coppermine en 1838. Du fort Norman, Simpson écrivit qu’il était « blessé » qu’on ne lui eût pas donné le commandement ; cet hiver-là, des quartiers d’hiver construits pour eux au fort Confidence, sur le Grand lac de l’Ours, il écrivit que « Dease [était] un bon diable, indolent et illettré, qui ne se [mettait] en mouvement que sous [son] pulsion », et que, « l’honneur exclusif de [...] [la découverte d’un passage] unissant l’Arctique et l’océan de l’Ouest » lui revenant, il croyait avoir droit à une promotion au rang de chef de poste.
L’expédition de 1838 fut décevante, à cause de la « durée extraordinaire des glaces ». En juin, les explorateurs remontèrent la rivière Dease et traversèrent les lacs Dismal, que Simpson avait découverts au cours d’une exploration de 95 milles, faite en sept jours, en mars et avril. Touchant l’embouchure de la rivière Coppermine le 1er juillet, ils furent prisonniers des glaces jusqu’au 7 juillet, Dease occupant le temps à faire collection de plantes. Après un combat « désespéré » contre le « même froid et opiniâtre ennemi », ils doublèrent le cap Barrow le 29 juillet. Leurs embarcations furent finalement arrêtées le 9 août au cap Flinders, trois milles au sud du campement de Franklin à la pointe Turnagain en 1821. Les expéditions envoyées par le gouvernement étaient censées prendre le chemin du retour le 20 août – une mesure adoptée à la suite du désastre qui avait marqué le premier voyage de Franklin –, mais Simpson continua à pied en compagnie de cinq employés de la Hudson’s Bay Company et de deux Indiens. Quand il revint trouver Dease, le 29 août, il avait fait le relevé de la côte sur une distance de 100 milles et avait baptisé la terre de Victoria (île Victoria) et le cap Pelly. Le parti fut de retour à la Coppermine le 3 septembre et rentra à ses quartiers d’hiver, par « les terrains désertiques », le 14 septembre. Simpson eut tôt fait de jeter le blâme de leur échec sur la trop grande prudence de Dease, ajoutant que ce dernier, dont la famille l’avait rejoint à la fin d’août 1837, était « si absorbé par ses affaires domestiques, qu’il [était] disposé à ne courir aucun risque ». À son frère, Simpson se plaignit d’être « comme Sinbad le marin, embarrassé par un vieil homme qu’[il avait] sur le dos ». Dease, à la vérité, était inquiet au sujet des provisions et de la possibilité d’être rappelé cet automne-là.
Dease et Simpson passèrent un deuxième hiver au fort Confidence, et, en 1839, ils tentèrent de nouveau d’explorer du côté de l’est. Partant de l’embouchure de la Coppermine, Simpson explora la rivière Richardson, qui avait été découverte en 1838, et, le 3 juillet, la glace se disloqua sur la mer. Mais, le 18 juillet, leurs embarcations ne se trouvaient qu’au cap Barrow. Dix jours plus tard, ils doublaient le cap Alexander (près du point extrême atteint par Simpson en 1838) et découvraient le détroit de Dease et Simpson (maintenant détroit de Simpson) qui sépare l’île du Roi-Guillaume du continent. Le détroit les conduisit à l’embouchure de la Grande rivière des Poissons (Back River). Le 16 août ils arrivaient à l’île Montréal où ils découvrirent une cache laissée par George Back. Ils avaient donc fait la jonction entre les territoires explorés par Franklin et ceux qui avaient été visités par Beechey et Back, comblant la lacune géographique. Il restait à trouver le lien géographique entre la presqu’île de Boothia, qui les séparait du golfe de Boothia, et le continent. Bien qu’il fût temps de prendre le chemin du retour, ils se rendirent jusqu’à un cap, qu’ils baptisèrent Britannia, le 17 août ; Simpson fit aussi une course de 40 milles au nord-est du cap John Ross, et nomma la rivière où il s’arrêta Castor et Pollux, d’après les noms des deux embarcations de l’expédition. Il affirma – à tort, la visibilité étant extrêmement réduite – qu’à cinq milles à l’est la côte obliquait vers le sud et que, par conséquent, il n’existait pas d’isthme de Boothia. Sur le chemin du retour vers la Coppermine, l’expédition explora, tard en août, la côte sud de l’île du Roi-Guillaume. Ils atteignirent la Coppermine le 16 septembre, après que l’hiver se fut installé pour de bon. Mais ils avaient accompli le plus long voyage jamais fait en bateau sur la mer polaire et ils avaient plus que rempli le mandat que leur avait donné la compagnie.
Après avoir connu des temps « rudes et tempétueux », ils arrivèrent au fort Simpson (district du Mackenzie) le 14 octobre. Simpson y compléta son récit de l’expédition avant de partir pour Upper Fort Garry (Winnipeg) le 2 décembre. Il avait demandé la permission de mener lui-même une nouvelle expédition dans le golfe de Boothia (« J’aurai la renommée, mais il faut que je sois seul », libéré des « extravagances et débauches des familles métisses »), mais le gouverneur Simpson persistait dans son refus de donner une autorité complète à son impétueux cousin, et Dease était en congé. En juin 1840, Simpson partit pour l’Angleterre, afin de s’assurer qu’il recevrait sa large part du crédit pour les découvertes que lui et Dease avaient faites et pour solliciter l’autorisation de conduire une nouvelle expédition. En route vers St Paul (Minnesota), morose et surexcité, il tua deux de ses quatre compagnons métis, pour ensuite, à ce qu’on croit, se suicider.
Pendant trois étés, Dease et Simpson avaient exploré la côte arctique par 60° de latitude, ce qui coûta à la Hudson’s Bay Company £1 000 ; et si l’on excepte le passage à travers la presqu’île de Boothia, ils avaient complété le relevé si longtemps désiré du passage du Nord-Ouest. Que Simpson se fût montré plus audacieux, cela ne fait point de doute, mais les talents de Dease pour l’organisation, que ce fût pour la fourniture des approvisionnements, le recrutement des hommes et le respect de la discipline, le maintien de la paix parmi les indigènes ou pour la rapidité des manœuvres avec un équipement réduit pendant qu’on vivait d’expédients dans la mesure du possible ont assuré le succès de ces difficiles expéditions, malgré les déceptions de l’année 1838. Le gouverneur George Simpson avait plus que raison de refuser de donner l’entière responsabilité du commandement à son fantasque et indépendant cousin.
Dease, à qui on avait accordé un congé en 1840–1841 pour lui permettre de consulter des médecins en Angleterre au sujet de ses yeux, se trouva à Norway House et assista au conseil de juin 1840, et ensuite à la Rivière-Rouge où, déjà grand-père (il avait eu quatre fils et quatre filles), il épousa, le 3 août 1840, Élizabeth Chouinard, une Métisse qui avait été sa femme à la mode des trafiquants. Dease et Simpson s’étaient l’un et l’autre vu accorder une pension annuelle de £100 de la part de la reine Victoria, en juin, « pour leurs efforts en vue d’achever la découverte du passage du Nord-Ouest », et la rumeur voulait que Dease fût fait chevalier, « ce qui », disait Letitia Hargrave [Mactavish*], « amuse les gens d’ici qui disent que Mme Dease est une squaw toute noire qui ferait une singulière lady ». Cependant, Dease, « avec la modestie qui lui était naturelle », refusa l’investiture. Il fut présenté au comité de la Hudson’s Bay Company, à Londres, en octobre. Son congé fut prolongé jusqu’à sa retraite du service actif le 1er juin 1843.
Dease s’établit dans une ferme à la côte Sainte-Catherine, près de Montréal, au début de 1841. Sa famille quitta la Rivière-Rouge pour l’y rejoindre, et, selon James Keith*, un agent principal de la Hudson’s Bay Company, il était sous la gouverne « de sa vieille squaw et de ses fils », « elle tenant les cordons de la bourse et eux en jetant le contenu par la Porte et par les fenetres ». À la côte Sainte-Catherine, Dease passa 20 ans dans une retraite « confortable et très respectée ». Trois de ses fils le précédèrent dans la tombe et le quatrième mourut en 1864.
Les remarques perspicaces de George Simpson dans son fameux « Character Book » de 1832 demeurent la meilleure appréciation de Peter Warren Dease : « Très assidu en affaires, il excelle dans la traite avec les Indiens et parle bien plusieurs de [leurs] langues, et c’est un homme d’une grande correction dans le caractère et la conduite. Fort, vigoureux et capable de passer, pour le service, à travers un grand nombre de difficultés, mais il est plutôt indolent et il lui manque l’ambition de se distinguer de quelque façon en dehors du cours ordinaire des choses [...] Son jugement est bon, ses manières sont plus agréables et déliées que celles de beaucoup de ses collègues, et bien qu’il n’arrive pas à projeter de lui une image brillante, il peut être considéré comme un membre très respectable de la compagnie. »
Peter Warren Dease et Thomas Simpson sont les auteurs de trois articles parus dans le Journal de la Royal Geographical Soc. of London (Londres) : An account of the recent Arctic discoveries [...], VIII (1838) : 213–225 ; An account of Arctic discovery on the northern shore of America in the summer of 1838, IX (1839) : 325–330 ; Narrative of the progress of Arctic discovery on the northern shore of America, in the summer of 1839, X (1840) : 268–274. Un extrait d’une lettre de Dease a été publié dans l’Edinburgh New Philosophical Journal, XXX (1840–1841) : 123s., sous le titre On the cultivation of the cerealea in the high latitudes of North America :
HBC Arch., A.34/2, f.7.— PABC, Peter Warren Dease, Correspondence outward, 1837–1838 ; Miscellaneous documents relating to Peter Warren Dease, 1801.— Canadian North-West (Oliver), I : 624, 627s., 709s. ; II : 724, 726, 737, 799, 816, 836.— Documents relating to NWC (Wallace).— HBRS, III (Fleming).— Thomas Simpson, Narrative of the discoveries on the north coast of America ; effected by the officers of the Hudson’s Bay Company during the years 1836–39 (Londres, 1843).— L. H. Neatby, In quest of the north west passage (Toronto, 1958), 122–124, 127.— Alexander Simpson, The life and travels of Thomas Simpson, the Arctic discoverer (Londres, 1845), 255–257, 276, 300s., 304, 334, 339.
William R. Sampson, « DEASE, PETER WARREN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 9 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/dease_peter_warren_9F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/dease_peter_warren_9F.html |
Auteur de l'article: | William R. Sampson |
Titre de l'article: | DEASE, PETER WARREN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1977 |
Année de la révision: | 1977 |
Date de consultation: | 9 oct. 2024 |