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KANE, PAUL (sur son acte de baptême, son nom est écrit Kean), peintre, né le 3 septembre 1810, vraisemblablement à Mallow, dans le comté de Cork, en Irlande, cinquième des huit enfants de Michael Kane et de Frances Loach, décédé le 20 février 1871 à Toronto, Ont.
Le père de Paul Kane naquit à Preston, dans le Lancashire, en Angleterre. Il servit dans la Royal Horse Artillery sous les ordres du capitaine G. W. Dixon de 1793 à 1801 ; quand il reçut son congé, il avait le grade de caporal. Il avait apparemment été en garnison en Irlande, où il se maria avant de terminer son service. En 1805, il habitait Fermoy, dans le comté de Cork, mais quelques-uns de ses enfants naquirent à Mallow. Quant à Paul, il a souvent prétendu – comme ses amis – qu’il était originaire de Toronto, mais il ne fait aucun doute qu’il naquit en Irlande. Il immigra vers 1819 avec ses parents ; ils s’installèrent à York (Toronto) et le père devint marchand de vins et de spiritueux.
Paul Kane aurait fréquenté l’école secondaire du district de Home à York mais nous n’en avons aucune preuve. Thomas Drury (Drewery), peintre local et professeur d’art à Upper Canada College, lui donna des leçons vers 1830. Lorsque Kane décida de faire de la peinture sa profession, il suivit la coutume alors en vigueur parmi les artistes d’Amérique du Nord et exerça pendant une courte période le métier de peintre d’enseignes à York. Plus tard, toujours à York, il fut peintre décorateur de mobilier dans la fabrique de Wilson Seymour Conger.
En 1833, il fit la connaissance de James Bowman, artiste américain de passage à York, qui le persuada de la nécessité d’aller étudier en Italie, s’il voulait vraiment devenir un peintre professionnel et compétent. Kane ne partit cependant pas tout de suite pour l’Europe. Il habita Cobourg de 1834 à 1836, où il travailla comme portraitiste, et comme peintre décorateur dans la fabrique de meubles de F. S. Clench. La facture des portraits qu’il exécuta à cette époque varie grandement. Quelques-uns, par exemple ceux de Mme F. S. Clench et de Mme William Weller (Mercy Willcox), bien que primitifs, ont quand même une spontanéité et des teintes chaudes qui les rendent fort attrayants.
En 1836, Kane se rendit à Detroit, où résidait alors Bowman, car ils avaient projeté de se rendre en Italie avec Samuel Bell Waugh, portraitiste américain qui avait travaillé quelque temps à Toronto. Cependant, comme Bowman venait tout juste de se marier, le voyage fut remis une fois encore. Kane décida de rester aux États-Unis et peignit des portraits pendant les cinq années qui suivirent, à Detroit, à St Louis, à Mobile, à la Nouvelle-Orléans et dans d’autres villes du centre des États-Unis. Aucune de ces œuvres n’est signée et il ne reste aujourd’hui qu’une seule toile de cette époque, le portrait d’un armateur ou d’un capitaine, avec, à l’arrière-plan, un des bateaux qui faisaient la navigation sur le Mississippi.
Le passeport de Kane nous renseigne sur ses allées et venues au cours des deux années suivantes. Il s’embarqua à la Nouvelle-Orléans en juin 1841 et atteignit Marseille en septembre de la même année. Lors d’une brève visite qu’il fit à Gênes, il put voir pour la première fois un musée d’œuvres anciennes, puis il gagna Rome où il passa l’hiver. Avec un grand nombre d’étudiants américains et anglais, il fit des études dans les académies et copia des toiles de Murillo, d’Andréa del Sarto et de Raphaël. Au printemps de 1842, avec un ami écossais, Hope James Stewart, artiste lui aussi, il se rendit à Naples à pied. Plusieurs auteurs ont affirmé que Kane se rendit en Afrique du Nord et dans le Proche-Orient, mais son passeport ne porte aucune trace de ces voyages. De mai à septembre, il demeura avec Stewart dans le nord de l’Italie. À Florence, Kane fit des esquisses de sculptures de Donatello qui se trouvent à Or San Michèle, et copia le Pape Jules II de Raphaël au musée des Offices ; à Venise, il copia des toiles à l’académie des Beaux-Arts. Cet automne-là, il se dirigea vers le nord, passant par le col du Grand-Saint-Bernard à pied et traversant la Suisse en route pour l’Angleterre. Il passa environ quatre jours à Paris puis arriva à Londres vers la fin d’octobre. Il y séjourna tout l’hiver, partageant le logis d’un peintre anglais, Stewart Watson.
Pendant son séjour à Londres, Kane fit la connaissance de l’artiste américain George Catlin, qui exposait ses portraits d’Indiens des prairies et des régions situées au pied des Rocheuses, et qui donnait des conférences sur ce sujet dans le nord de l’Angleterre et à l’Egyptian Hall de Piccadilly, à Londres. Dans son livre, Letters and notes on the manners, customs and conditions of the North American Indians (Londres et New York, 1841) paru juste avant l’arrivée de Kane à Londres, Catlin prédisait l’extinction prochaine de l’Indien d’Amérique du Nord, à cause de ses rapports avec l’homme blanc. Voilà pourquoi, selon lui, il incombait à l’artiste d’en fixer les traits et les coutumes, à l’intention de la postérité, pendant que c’était encore possible. Kane, manifestement inspiré par cette théorie, décida de faire au Canada ce que Catlin avait fait aux États-Unis. Il quitta Londres au début de 1843 et se rendit d’abord à Mobile, dans l’Alabama, où il avait eu beaucoup de succès auparavant, et il y ouvrit un atelier de portraits en avril 1843. Quand il eut gagné suffisamment d’argent pour rembourser ce qu’il avait emprunté pour revenir d’Europe, il retourna à Toronto vers la fin de 1844 ou au début de 1845.
Les écrits de Kane nous renseignent sur ses faits et gestes jusqu’en 1848. Il quitta Toronto, seul, le 17 juin 1845, muni seulement de son carton à dessin et d’un fusil, avec l’intention de se rendre sur la côte ouest. Cet été-là, il peignit sans arrêt dans la région du lac Huron et du lac Michigan. Dans le récit qu’il fit de ce voyage, Kane mentionne tout particulièrement ses visites à la réserve indienne de Saugeen, sur le lac Huron, à Sault-Sainte-Marie, à Fox River, et au lac Winnebago, à l’ouest du lac Michigan. À Manitowaning, dans l’île Manitoulin, il assista à l’assemblée de 2 000 Indiens venus de toute la région, pour recevoir leurs présents annuels. Plus tard, à Mackinac Island, il assista à une réunion où l’on faisait un versement pour les terres cédées au gouvernement des États-Unis. Kane fit des esquisses d’Indiens qu’il décrivit comme étant des Chippewas, des Ojibwas, des Outaouais, des Potéouatamis ; il en fit aussi des Folles Avoines.
La rencontre de Kane avec John Ballenden*, chef de poste de la Hudson’s Bay Company à Sault-Sainte-Marie, lui fit abandonner pour le moment son projet de poursuivre sa randonnée vers l’ouest au-delà de la région du lac Michigan. Ballenden lui parla des difficultés que soulevait pareil voyage et lui conseilla de commencer par demander l’appui de sir George Simpson*, surintendant de la compagnie en Amérique du Nord. Se rangeant à cet avis, Kane regagna Toronto à l’automne et alla voir Simpson à Montréal. Il reçut l’autorisation de voyager avec les convois de voyageurs de la compagnie et on lui promit le gîte gratuit dans les différents postes. Il passa l’hiver à Toronto et peignit des toiles d’après les esquisses de l’été précédent. Les meilleurs de ces tableaux sont : Encampment among the islands of Lake Huron et Sault Ste Marie.
L’année suivante, Kane se remit à faire des esquisses, après avoir rejoint le convoi du printemps de la compagnie, au fort William, le 24 mai 1846. Il se dirigea vers l’ouest avec des canots rapides, profitant des haltes entre les portages pour dessiner. Lors d’un bref arrêt au fort Frances, il eut l’occasion de rencontrer des Sauteux. Lors d’une excursion dans la région située au sud d’Upper Fort Garry, il fit des croquis de Sioux et exécuta une série de dessins illustrant la chasse annuelle au bison chez les Métis. Poursuivant sa route vers le nord avec le convoi, il passa plusieurs semaines à Norway House, où il fut l’hôte de Donald Rundle* et de John Rowand*, agent principal de la compagnie. Son petit groupe traversa les montagnes depuis Jasper House jusqu’au cours supérieur du fleuve Columbia qu’ils descendirent, s’arrêtant au fort Colvile et à Walla Walla. Le 8 décembre 1846, ils arrivèrent à Fort Vancouver (aujourd’hui Vancouver, dans l’état de Washington). Ce poste, le plus important de la compagnie à l’ouest des montagnes, était administré par Peter Skene Ogden* et par James Douglas.
Kane fit de Fort Vancouver son port d’attache et de là alla à Oregon City, rendit visite aux Clackamas et fit de nombreux dessins dans la vallée de la rivière Willamette. Le 25 mars, il quitta Fort Vancouver pour explorer la région située vers le bas du fleuve Columbia. Il fit quelques esquisses du St Helens, le dernier volcan actif d’Amérique du Nord, en pleine éruption, et fut fasciné par la coutume des funérailles en canot qui se pratiquait chez les Indiens de la rivière Cowlitz, ainsi que par les habitudes de déformation crânienne que l’on trouvait chez les Indiens vivant plus au nord.
Kane continua sa route vers le fort Victoria qu’il trouva en pleine activité. La Hudson’s Bay Company allait abandonner Fort Vancouver à cause de la cession de la région de l’Oregon aux États-Unis, et on agrandissait le fort Victoria, qui allait remplacer ce poste. Il dessina sans arrêt au fort, le long des côtes de l’île de Vancouver, en Colombie-Britannique continentale, dans le détroit de Puget, chez les Haidas et chez d’autres tribus de la côte du Pacifique. De retour à Fort Vancouver le 20 juin 1847, il n’y demeura que dix jours avant de reprendre le chemin du retour et de se diriger vers Toronto.
Au cours du voyage, Kane visita la région du lac Grand Coulée, dans les environs de Walla Walla, et fit des esquisses des Cayuses et des Nez-Percés, ainsi que d’autres Indiens du Plateau. Au fort Colvile, il assista à une danse du scalp chez les Colvilles (Kane les appelait les Chualpays) et les observa pêchant le saumon. La saison tardive rendit difficile la traversée des montagnes, et le petit groupe d’employés de la Hudson’s Bay Company, avec lesquels voyageait Kane, ne parvint au fort Edmonton qu’en décembre. Ce fut là que Kane attendit le retour de l’été, profitant de l’occasion pour dessiner les Indiens des plaines de l’Ouest et visiter Rocky Mountain flouse. Les Cris l’intéressèrent tout particulièrement, et il assista à leur danse rituelle du calumet et à d’autres cérémonies. Il quitta le fort Edmonton le 25 mai en direction de l’est avec le convoi d’automne, sous la conduite de John Edward Harriott*. À Norway House, il se joignit à quelques officiers de l’armée britannique qui se rendaient à Sault-Sainte-Marie. De là il s’embarqua sur un vapeur et arriva à Toronto en octobre 1848, après une absence de deux ans et demi.
Kane n’est pas le seul peintre qui, à cette époque, explora l’Ouest que l’on commençait à découvrir ; d’autres artistes visitèrent la région du fleuve Columbia au cours des années 40. Henry James Warre, officier anglais, y fit des esquisses ainsi qu’au fort Victoria en 1845. John Mix Stanley, dont Kane avait probablement fait la connaissance à Detroit en 1836, travailla beaucoup parmi les Indiens du Columbia en 1847, et choisit quelques sujets identiques à ceux que Kane avait peints ; Kane le manqua de quelques jours seulement. Le père Pierre-Jean De Smet, jésuite, fit, lui aussi, des esquisses d’Indiens du fleuve Columbia en 1845. Et enfin, en 1855, Gustavus Sohon travailla chez les Têtes-Plates et dans d’autres tribus à l’est de Walla Walla, dessinant quelques-uns des personnages dont Kane avait déjà fait le portrait. Cependant, bien que Kane ne soit pas le seul artiste à nous avoir donné un aperçu de la région, il est, du point de vue artistique, le plus important, à cause de la qualité de son travail, de la quantité de ses œuvres et de la minutie avec laquelle il traitait son sujet.
Un grand nombre de dessins de Kane sont particulièrement intéressants pour qui veut étudier le Canada du xixe siècle. Le spectacle qu’il fait revivre des Métis chassant le bison et ses illustrations des postes de la Hudson’s Bay Company sont d’un intérêt considérable. Deux des croquis qu’il fit dans la vallée du fleuve Columbia sont uniques, celui de la mission de Whitman, qui fut détruite lors du massacre de 1847, et celui de l’église Saint-Paul-de-Wallamette, dans la vallée de la Willamette, qui fut le premier bâtiment de brique construit sur la côte du Pacifique.
Kane fournit aux ethnologues une mine de renseignements précieux sur la vie et les mœurs des Indiens. À cet égard, signalons en particulier les dessins qu’il fit à Victoria, d’Indiennes en train de filer et de tisser, et ceux des objets utilisés par les Indiens. Tout aussi importants du point de vue documentaire sont ses dessins sur la pêche, sur le rituel de leurs danses du scalp, dans la région située vers le cours supérieur du Columbia, et sur les coutumes que l’on trouve dans la société de type militariste qui est celle des Indiens des plaines. Par sa richesse et par son ampleur, l’œuvre de Kane dépasse de beaucoup toutes les autres illustrations picturales de l’époque héroïque du Nord-Ouest canadien.
Kane repartit pour le Nord-Ouest au printemps de 1849, mais ne dépassa pas la colonie de la Rivière-Rouge. Ce fut à cette occasion qu’il servit de guide à un jeune officier, sir Edward Poore, et à deux de ses amis, venus dans l’Ouest en quête d’aventures. Le voyage se fit presque exclusivement en territoire américain en naviguant sur le Mississippi, et Kane ne mentionne pas avoir fait de dessins.
Kane passa le reste de sa vie à exercer l’art de la peinture à Toronto. Il avait fait, de 1845 à 1848, plus de 700 esquisses ; certaines étaient soigneusement tracées, d’autres n’étaient que de rapides ébauches au crayon. Désormais, ce furent ces esquisses qui devaient lui servir de sujets pour ses tableaux ; et il produisait parfois plusieurs versions du même thème. Il avait déjà commencé à peindre pendant l’hiver de 1848, et 14 de ses toiles étaient destinées à sir George Simpson. Ces tableaux à l’huile sont figés et mornes, si on les compare aux fraîches et brillantes aquarelles et aux huiles exécutées sur place. Il semble avoir eu peur de suivre ses propres esquisses de trop près. Les couleurs de celles-ci sont presque celles de tableaux impressionnistes. Les arrière-plans de ses portraits, par contre, sont souvent d’un gris morne.
Les critiques de Kane lui ont reproché les traits européens que l’on trouve dans ces peintures. Il en est, par exemple, où les ciels canadiens, si clairs sur les esquisses, ont été surchargés de nuages à l’européenne. Dans d’autres cas, cette influence d’outre-mer peut tout simplement être le résultat de circonstances particulières. Il est possible que les gazons bien tondus soient là à cause de l’état inachevé des petites esquisses exécutées sur place. Cependant on a pu prouver que quelques compositions sont vraiment basées sur des prototypes européens. Il arrive parfois que les chevaux, dans ses tableaux, aient les lignes classiques que l’on retrouve dans des gravures italiennes. Dans son tableau intitulé Assiniboine hunting buffalo, Kane interprète à sa façon une gravure italienne de 1816, représentant deux Romains faisant la chasse à un taureau. The death of Big Snake est inspiré d’un romantique européen qui peignait à la manière de Théodore Géricault ; c’est une œuvre d’imagination, que Kane exécuta après avoir entendu le récit – inexact d’ailleurs – de la mort de Big Snake [Omoxesisixany]. L’Indien mourut en réalité en 1858, plusieurs années après que Kane eut peint son tableau, qui fut lithographié à Toronto sous la direction de l’artiste, au milieu des années 50 ; ce serait là la première lithographie en couleur à être publiée dans cette ville.
Ces tableaux « d’imagination » constituent toutefois une exception dans l’œuvre de Kane. La plupart des toiles furent exécutées d’après des études individuelles ou d’après un certain nombre d’esquisses que Kane combinait en un seul tableau. Dans le tableau intitulé Winter travelling in dog sleds, le paysage provient d’un dessin au crayon, tandis que le traîneau, les deux chiens sous harnais et les arbres couverts de neige ont été faits à partir d’aquarelles.
Kane insiste beaucoup sur l’exactitude avec laquelle il reproduisait ses sujets ; mais ce n’est pas toujours le cas, pour ses toiles du moins. Ses portraits d’Indiens sont souvent agrémentés d’ornements pour les cheveux et de robes compliquées que l’on ne trouve pas sur ses esquisses et qui donnent une note plus exotique. Quant aux objets utilisés par les différentes tribus, le peintre n’a fait aucun effort véritable pour faire correspondre ces objets avec les tribus en question. Cela constitue pour l’ethnologue un élément de confusion.
Le public d’aujourd’hui accordera sa préférence aux esquisses que l’artiste fit sur place lors de ses voyages. Elles sont d’une facture simple et précise ; les couleurs en sont fraîches et elles frappent immédiatement. Au contraire, les toiles faites d’après les esquisses – toiles destinées à des musées et sur lesquelles Kane comptait pour assurer sa renommée – manquent de l’éclat du coloris des esquisses plus modestes. Il en est beaucoup qui sont impressionnantes, mais elles sont parfois trop travaillées, et souvent surchargées de détails.
Les occasions d’exposer des peintures en Ontario, à l’époque de Kane, étaient limitées. On put voir ses premières œuvres à l’exposition de la Society of Artists and Amateurs à York en 1834, et à celle de la Toronto Society of Artists en 1847. Une exposition qui dura deux semaines, à l’hôtel de ville de Toronto, en novembre 1848 et qui rassemblait 240 esquisses de Kane, ainsi que des objets indiens qu’il avait réunis durant ses voyages, permit aux Canadiens de l’endroit de se faire, pour la première fois, une idée de ce qu’était le Nord-Ouest. Les journaux lui firent de la publicité, insistant à la fois sur le sujet des tableaux et sur leur valeur dans la formation des jeunes peintres. C’est probablement à l’occasion de cette exposition que Kane fit la connaissance de George William Allan*, important financier canadien et homme politique, qui devait devenir son mécène. L’année suivante le gouverneur général, lord Elgin [Bruce*], et sa femme lui rendirent visite dans son atelier pour voir ses esquisses de l’Ouest.
De 1851 à 1857 Kane exposa ses tableaux inspirés par l’Ouest et reçut des prix aux expositions de l’Upper Canada Agricultural Society, qui avaient lieu dans différentes villes du Canada-Ouest. On l’acclama comme une célébrité lorsqu’il se présenta en personne à l’une de ces expositions annuelles. Les toiles que le gouvernement canadien envoya à l’exposition de Paris de 1855 reçurent une critique très favorable, et le peintre en fut, dit-on, très réconforté.
Jusqu’aux années 50, seul un portraitiste pouvait espérer gagner raisonnablement sa vie en exerçant son art au Canada. En 1851 Kane s’adressa au gouvernement canadien pour obtenir l’appui financier dont il avait besoin pour exécuter ses tableaux d’après ses esquisses ; il justifiait sa demande en alléguant l’importance nationale de son œuvre. Le gouvernement lui accorda une subvention de £500, à condition qu’il donne 12 toiles à la bibliothèque du parlement, et plusieurs personnes lui commandèrent des portraits. L’œuvre la plus importante qu’il réalisa à partir de ses esquisses de l’Ouest, fut une série de 100 tableaux qu’Allan lui avait commandés, pour la somme de $20 000 ; il avait terminé en mars 1856. Dans cette série de toiles, Kane voulait dépeindre les peuplades indiennes du Canada, leurs coutumes et le paysage qui leur servait de cadre. Catlin et Stanley avaient effectué des ensembles similaires, qu’ils avaient vendus à la Smithsonian Institution à Washington, ces ensembles constituant une exposition permanente illustrant la vie des Indiens d’Amérique. Kane aussi aurait sans aucun doute aimé que ce soit le gouvernement qui achète ses œuvres, et il souhaitait que cette série fasse partie du patrimoine de peuple canadien.
Dès octobre 1848, Kane projeta d’écrire un livre consacré à ses voyages de 1845 à 1848, et qui serait basé sur ses notes et sur le journal qu’il avait tenu pendant ses randonnées. Au cours des années 50, il commença la rédaction de Wanderings of an artist among the Indians of North America. Bien que quelques chapitres firent l’objet de conférences prononcées devant le Canadian Institute (qui devint le Royal Canadian Institute) en 1855 et qui furent publiées dans les annales de la société puis dans le Daily Colonist, il reste que la publication de l’œuvre au complet fut longtemps retardée. Finalement, grâce à un voyage que fit Kane en Angleterre en 1858, et en même temps, grâce aux pressions exercées par des gens importants, peut-être Simpson et ses collègues de la Hudson’s Bay Company, le volume parut en 1859. Une édition française, imprimée sans autorisation, parut en 1861 suivie, en 1863, d’une édition danoise. La première édition contient de nombreuses lithographies et vignettes d’après les esquisses et les tableaux de la collection Allan. Une édition allemande, ornée de nouvelles illustrations et de scènes de genre exécutées par un autre artiste, fut publiée en plusieurs tranches, à partir de 1860, puis en un seul volume, en 1862. Kane avait également l’intention de publier un livre de gravures illustrant l’Ouest ; il rédigea une partie du texte destiné à ce recueil, qui ne parut jamais. Kane dédia ses Wanderings à George Allan. Simpson en prit ombrage et donna au personnel de la compagnie la consigne de ne plus jamais recevoir Kane dans ses postes et de lui refuser toute assistance à l’avenir. C’est, semble-t-il, pour cela que Kane abandonna un projet de voyage au Labrador en 1861, voyage au cours duquel il comptait faire des esquisses.
Kane exerça une influence importante sur un grand nombre de gens. Sir Daniel Wilson*, professeur à l’University of Toronto, devint un de ses amis intimes et utilisa largement les renseignements que lui donna Kane sur les Indiens des plaines et de la côte du Pacifique pour écrire son Prehistoric man, marches into the origin of civilisation in the old and the new world, le premier ouvrage d’anthropologie important écrit au Canada. Plus tard, on retrouva autour de Kane des hommes comme Allan, Wilson, et Frederick Arthur Verner. Ce dernier, inspiré par Kane, peignit les Indiens et les bisons des prairies. Les premières œuvres de Lucius Richard O’Brien* trahissent également l’influence de Kane.
Kane avait épousé en 1853 Harriet Clench, de Cobourg, fille de son ancien patron, et ils eurent plusieurs enfants. Après 1862, ils vécurent dans la maison qu’ils avaient fait construire à Toronto, rue Wellesley. L’artiste conserva certainement un atelier dans la rue King jusqu’à ce que la cécité croissante, qui avait fait son apparition en 1858, l’eût forcé à abandonner la peinture. Il demeura relativement isolé vers la fin de sa vie, aigri peut-être par sa mauvaise vue, qu’il attribuait à la réverbération du soleil sur la neige dans les Alpes (lors de son voyage de 1842) et dans l’Ouest, et par le manque d’intérêt que manifestait le grand public pour ses œuvres.
Il mourut subitement chez lui, à Toronto, peu après une de ses promenades quotidiennes.
La plus grande partie des œuvres connues de Paul Kane, esquisses et tableaux, sont conservées dans trois dépôts différents. Des 12 tableaux qu’il livra à la bibliothèque du parlement (Ottawa), 11 se trouvent maintenant à la Galerie nationale d’Ottawa. La série de 100 tableaux qu’il acheva en 1856 fut achetée en 1903 par sir Edmund Boyd Osler* qui en fit don au Royal Ontario Museum de Toronto, où ils sont actuellement. La plupart des esquisses qu’il exécuta durant ses voyages se trouvent soit au Royal Ontario Museum, soit à Stark Foundation, à Orange, dans le Texas. La collection d’objets fabriqués par les Indiens et recueillis par Kane fut donnée par la famille Allan au Manitoba Museum of Science and History de Winnipeg. On trouve une liste commentée des esquisses et des tableaux de Kane dans Paul Kane’s frontier ; including Wanderings of an artist among the Indians of North America by Paul Kane, J. R. Harper, édit. (Toronto, 1971). Frederick A. Verner fit trois portraits de Kane. Le plus important fait aujourd’hui partie de la collection du Royal Ontario Museum. Un autoportrait, qui est une des premières œuvres de Kane, est conservé dans la collection Weir, à London, Ont. Un autre autoportrait, exécuté lors de son premier voyage dans l’Ouest, fait partie de la collection de la Stark Foundation.
Paul Kane, The Chinook Indians, Canadian Journal, nouv. sér., II (1857) : 11–30 ; The Chinook Indians, Daily Colonist (Toronto), 6 août, 7 août, 8 août, 9 août 1855 ; Incidents of travel on the North-West coast, Vancouver’s Island, Oregon, etc. The Chinook Indians, Canadian Journal, III (1854–1855) : 273–279 ; Notes of a sojourn among the half-breeds, Hudson’s Bay Company’s territory, Red River, Canadian Journal, nouv. sér., I (1856) : 128–138 ; Notes of travel among the Walla-Walla Indians, Canadian Journal, nouv. sér., I (1856) : 417–424 ; Wanderings of an artist among the Indians of North America from Canada to Vancouver’s Island and Oregon through the Hudson’s Bay Company’s territory and back again (Londres, 1859) ; réédité avec introd. et notes par L. J. Burpee (« Master-works of Canadian authors », J. W. Garvin, édit., VII, Toronto, 1925) ; rééd. par J. G. MacGregor, Edmonton, 1968 ; éd. 1859 dans Paul Kane’s frontier [...]. Ce volume fut traduit en français, en allemand et en danois : Les Indiens de la baie d’Hudson, promenades d’un artiste parmi les Indiens de l’Amérique du Nord [...], Édouard Delessert, trad. (Paris, 1861) ; Wanderungen eines Künstlers unter den Indianern Nordamerika’s [...], Luise Hauthal, trad. (Leipzig, 1862) ; En Kunstners Vandringer blandt Indianerne i Nordamerika [...], J. K., trad. (Copenhague, 1863).
On trouvera des recensions des écrits de Kane dans : Charles Lavollée, Un artiste chez les Peaux-Rouges, Revue des deux mondes (Paris), XXII (1859) : 963–986.— Daniel Wilson, Wanderings of an artist, Canadian Journal, nouv. sér., IV (1859) : 186–194.— Athenæum (Londres), 2 juill. 1859, pp. 14s.— Les œuvres de Kane sont mentionnées dans les catalogues suivants : Catalogue of the first exhibition of the Society of Artists and Amateurs of Toronto (Toronto, 1834).— Catalogue of sketches and paintings by Paul Kane (Winnipeg, 1922).— Catalogue, pictures of Indians and Indian life by Paul Kane (propriété de E. B. Osler, s.l., [1904]).— Paul Kane, Catalogue of sketches of Indians, chiefs, landscapes, dances, costumes, etc. (Toronto, 1848).— National Gallery of Canada, Catalogue of paintings and sculpture, R. H. Hubbard et al., édit. (4 vol., Ottawa, 1959–1965), III : The Canadian school, 151–156.
Art Gallery of Ontario (Toronto), Challener papers, notes sur Paul Kane.— Church Missionary Society Archives (Londres), Journal of the Reverend J. Hunter.— HBC Arch., D.4/54, D.4/67, D.5/15, D.5/24.— Canadian Agriculturist (Toronto), III (1851) : 228 ; IV (1852) : 292s.— Paul Kane, Anglo-American Magazine (Toronto), VI (mai 1855) : 401–406.— Valley of the Trent (Guillet), lvii.— British Colonist (Toronto), 14 nov. 1848.— Oregon Spectator (Oregon City), 11 févr. 1847.— Morgan, Sketches of celebrated Canadians, 731–733.
W. G. Colgate, Canadian art, its origin and development (Toronto, 1943).— Davin, Irishman in Canada, 611–617.— J. R. Harper, Painting in Canada, a history (Toronto, 1966).— W. H. G. Kingston, Western wanderings or, a pleasure tour in the Canadas (2 vol., Londres, 1856), II : 39, 42–47.— A. H. Robson, Paul Kane (Toronto, 1938).— Daniel Wilson, Prehistoric man, marches into the origin of civilisation in the old and the new world (2 vol., Cambridge et Londres, 1862).— D. I. Bushnell, Jr, Sketches by Paul Kane in the Indian country, 1845–1848 (« Smithsonian Misc. Coll. », XCIX, Washington, 1940).— W. G. Colgate, An early portrait by Paul Kane, Ont. Hist., XL (1948) : 23–25.— J. R. Harper, Ontario painters 1846–1867, National Gallery of Canada, Bulletin, I (Ottawa, 1963) : 16–31.— K. E. Kidd, Notes on scattered works of Paul Kane, The Annual art and archæology division, Royal Ontario Museum, 1962, 64–73 ; Paul Kane – a sheaf of sketches, Canadian Art (Ottawa), VIII (1950–1951) : 166s. ; Paul Kane, painter of Indians, Bulletin of the Royal Ontario Museum of Archæology, no 23 (Toronto, 1955), 9–13 ; The wanderings of Kane, Beaver, outfit 277 (décembre 1946), 3–9.— Daniel Wilson, Paul Kane, the Canadian artist, Canadian Journal, nouv. sér., XIII (1871–1873) : 66–72.— Kathleen Wood, Paul Kane sketches, Rotunda (Toronto), II (1969) : 4–15. [j. r. h.]
J. Russell Harper, « KANE (Kean), PAUL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 8 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/kane_paul_10F.html.
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Auteur de l'article: | J. Russell Harper |
Titre de l'article: | KANE (Kean), PAUL |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1972 |
Année de la révision: | 1972 |
Date de consultation: | 8 oct. 2024 |