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MANNERS-SUTTON, JOHN HENRY THOMAS, troisième vicomte Canterbury, homme politique et lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick, né à Londres le 27 mai 1814, fils de Charles Manners-Sutton, premier vicomte Canterbury et de Lucy Maria Charlotte Denison, décédé le 24 juin 1877 à Londres.
John Henry Thomas Manners-Sutton descendait d’une famille de conservateurs britanniques éminents ; son grand-père, Charles Manners-Sutton avait été archevêque de Cantorbéry ; son grand-oncle, Thomas Manners-Sutton, avait été lord chancelier d’Irlande ; son père fut pendant 18 ans président de la chambre des Communes. Lui-même fit ses études à Eton et à Trinity College, Cambridge, où il obtint une maîtrise ès arts en 1835 ; la même année, il entra à Lincoln’s Inn mais ne s’inscrivit jamais au barreau. Le 5 juillet 1838, il épousa Georgiana Tompson dont il eut cinq fils et deux filles.
La carrière politique de Manners-Sutton commença d’une façon quelque peu hésitante en 1839, date à laquelle il fut élu député de Cambridge lors d’une élection partielle où il s’était présenté comme tory. Par la suite, il fut démis de son siège pour corruption. Il regagna ce comté en 1841 ; en septembre de la même année, il fut nommé sous-secrétaire au ministère de l’Intérieur dans l’administration de sir Robert Peel. Il participa rarement aux débats de la chambre des Communes et démissionna de son poste lorsque Peel fut renversé en 1846. Battu à l’élection de 1847, Manners-Sutton abandonna la politique pour consacrer une grande partie de son temps à préparer la publication des Lexington Papers (8 vols., Londres, 1851).
Manners-Sutton fut nommé huitième lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick le 1er juillet 1854. Selon W. S. MacNutt, il avait été choisi « en raison des qualités prometteuses dont il avait fait preuve » au ministère de l’Intérieur et en raison des « relations importantes » de sa famille. Lorsqu’il vint occuper son poste en octobre, des hommes politiques locaux s’inquiétèrent, car le gouvernement responsable n’était pas encore un fait accompli, et ils croyaient Manners-Sutton assez réticent à ce sujet. Le 20 octobre 1854, le chef du parti réformiste, Charles Fisher, ajouta un amendement à l’adresse en réponse au discours du trône dans lequel il déclarait que le gouvernement avait reculé devant le lieutenant-gouverneur sir Edmund Head*, en 1851, et qu’ainsi le gouvernement responsable n’avait pas été vraiment institué en 1848 [V. Wilmot]. Fisher fit également allusion à des rumeurs voulant que Head ait rencontré son successeur, Manners-Sutton, à Boston, et lui ait montré comment diriger le Conseil législatif et, à travers lui, toute la colonie. Il est évident que le nouveau gouverneur n’avait pas l’estime des membres réformistes de l’Assemblée. Huit jours après le discours de Fisher, le gouvernement, avec John Ambrose Street* à sa tête, n’obtint pas un nombre de voix suffisant lors d’un vote à l’Assemblée. « Peu de temps après, comme le remarque MacNutt, pour la première fois dans l’histoire du Nouveau-Brunswick, un gouvernement démissionna à cause d’un vote défavorable de l’Assemblée. » Manners-Sutton nomma alors Fisher procureur général, mais, dans les dépêches qu’il envoyait à Londres, le gouverneur ne fit aucun effort pour cacher son aversion pour le nouveau gouvernement.
Le souci majeur du ministère des Colonies, en 1854, était de voir l’Assemblée du Nouveau-Brunswick voter les lois nécessaires pour assurer le succès du traité de réciprocité avec les États-Unis. Une dépêche adressée à Manners-Sutton en septembre exprimait l’espoir que « les fruits d’une telle entreprise ne soient pas perdus ». Le gouvernement britannique pensait que ce traité apporterait « les plus grands avantages aux sujets nord-américains de Sa Majesté », mais il reconnaissait que la colonie avait « le droit de décision finale dans les délibérations concernant cette législation ». Manners-Sutton fut autorisé à opérer des changements dans les lois régissant le commerce colonial en accord avec le conseil et à poser le problème de la réciprocité « de la façon la plus nette et la plus claire devant la législature provinciale ».
Pendant la première année de son mandat, Manners-Sutton fut en désaccord sur plusieurs points avec le ministère des Colonies. Le gouverneur était d’avis d’accorder le titre d’« honorable » aux membres sortants du Conseil législatif mais il dut se plier au désir de sir George Grey du ministère des Colonies qui écrivit à sir Robert Peel, lui signifiant qu’une telle mesure donnait « un pouvoir odieux à un gouverneur déjà suffisamment en danger de devenir impopulaire ». En janvier 1855, Grey et Peel s’opposèrent à Manners-Sutton qui suggérait que la liste civile du Nouveau-Brunswick fût confiée aux soins du Conseil exécutif. Six mois plus tard, il semblait être en meilleurs termes avec ses supérieurs : l’Assemblée avait apporté des changements, en particulier dans les lois sur le commerce et sur la pêche, qui continuaient à préoccuper le gouvernement impérial.
Manners-Sutton fit face à un nouveau problème en 1855. L’Assemblée du Nouveau-Brunswick avait adopté en 1853 un projet de loi interdisant l’importation de boissons alcooliques dans la colonie. Cette mesure ne put être effectivement mise en vigueur, mais les partisans de la tempérance avec, à leur tête, Samuel Leonard Tilley* voulaient un projet de loi plus sévère. En 1855, un deuxième projet de loi en faveur de la prohibition fut voté et reçut du gouverneur, qui lui était opposé, la sanction royale. Manners-Sutton, cependant, recommanda au ministère des Colonies de rejeter le projet, mais le ministère passa outre. Après que la mesure controversée fut devenue loi, Manners-Sutton avisa son gouvernement du Nouveau-Brunswick d’avoir soit à appliquer la loi soit à la rejeter, et le gouverneur cherchait par là à détruire le gouvernement de Fisher. L’impuissance du gouvernement à mettre cette loi en vigueur l’obligea finalement à démissionner, mais l’élection qui s’ensuivit vit le retour à l’Assemblée de la plupart de ses anciens membres. Pendant la campagne électorale, beaucoup de candidats qui devaient être élus par la suite avaient changé d’avis au sujet de la prohibition ; plus tard ils rejetèrent la loi, reconnaissant ainsi le bien-fondé de l’attitude de Manners-Sutton.
Pendant les quatre dernières années de sa charge, alors que la province jouissait d’une prospérité sans précédent, le scrutin secret fut introduit, le pouvoir du Conseil législatif réduit, et l’Assemblée pressa Manners-Sutton d’engager des négociations en vue de permettre au Conseil exécutif de présenter les projets de loi concernant les dépenses gouvernementales. En 1857, le ministère des Colonies reconnut le principe du gouvernement responsable dans la colonie en déclarant que tout projet de loi qui ne recevrait pas « le consentement des trois groupes de la législature devrait tout simplement être considéré comme écarté ». Une très longue controverse au sujet des subventions accordées par le gouvernement à King’s College, qui devait devenir plus tard l’University of New Brunswick, aida Fisher et ses partisans dans leur demande insistante que l’Assemblée législative ait le droit de surveiller de près la rédaction des dépêches confidentielles envoyées à Londres par Manners-Sutton. Le ministère des Colonies soutint Manners-Sutton dans son droit d’envoyer de telles dépêches, mais lorsqu’on apprit à Fredericton que sir Howard Douglas*, l’évêque John Medley* et Edward Barron Chandler s’étaient adressés au ministère pour faire des représentations au sujet de King’s College, le gouvernement du Nouveau-Brunswick obtint que des copies des documents fussent mises à sa disposition pour être réfutées. De nouveau on avait empiété sur les pouvoirs du lieutenant-gouverneur.
Manners-Sutton eut beaucoup d’autres différends avec Fisher mais les deux hommes se mirent d’accord sur un point : ils décidèrent de ne pas tenir compte d’une résolution adoptée au Canada-Uni en 1858 recommandant des pourparlers sur l’union des colonies britanniques de l’Amérique du Nord. Manners-Sutton craignait que le commerce de l’Empire britannique ne fût entravé par cette union et prédisait aussi que les provinces maritimes pourraient prendre en mauvaise part la perte de leur autonomie. Il était cependant partisan d’une union des provinces maritimes et, en 1858, il fit savoir à Londres que des entretiens sur ce sujet allaient être engagés sous peu entre le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse. Cette nouvelle était prématurée car, lorsque sir Arthur Hamilton Gordon* succéda à Manners-Sutton, en octobre 1861, tout mouvement en faveur d’une union quelconque semblait disparu.
Manners-Sutton quitta le Nouveau-Brunswick pour Trinidad, où il fut gouverneur pendant deux ans, assez longtemps pour être témoin de la rébellion et de ses suites sanglantes, dans l’île voisine de la Jamaïque. Il fut enfin nommé gouverneur de la colonie australienne de Victoria en 1866, et ce dernier poste fut pour lui le plus tranquille et le plus heureux. Cette colonie avait subi des changements profonds et, parfois même, orageux, pendant la période où le gouverneur précédent, sir Charles Henry Darling*, exerça son mandat. Manners-Sutton ne connut aucun heurt sérieux avec l’Assemblée pendant les sept ans qu’il gouverna. Il fut l’un des gouverneurs les plus aimés de Victoria. Il résigna ses fonctions en 1873 et rentra en Angleterre pour siéger à la chambre des Lords, étant devenu troisième vicomte Canterbury à la mort de son frère aîné.
Comme beaucoup d’autres administrateurs coloniaux anglais du milieu du xixe siècle, Manners-Sutton mena un combat d’arrière-garde contre les revendications de plus en plus fréquentes en faveur de l’autonomie dans les colonies. Son éducation et ses idées aristocratiques contrastaient fortement avec la mentalité égalitaire et coloniale d’hommes tels que Fisher. Quoiqu’il en soit, Manners-Sutton fut capable de travailler avec ces hommes politiques locaux et réussit à forcer leur estime.
PRO, CO 188/118, 188/122–188/135.— Reports of the debates of the House of Assembly of New Brunswick, 1854–1861.— DNB.— R. M. Crawford, Australia (nouv. éd., Londres, 1963).— Hannay, History of New Brunswick, II.— MacNutt, New Brunswick, 353–393.— Geoffrey Serle, The golden age : a history of the colony of Victoria, 1851–1861 (Melbourne, Aust., 1963).— E. E. Williams, History of the people of Trinidad and Tobago (Londres, 1964).
Richard Wilbur, « MANNERS-SUTTON, JOHN HENRY THOMAS, troisième vicomte CANTERBURY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 8 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/manners_sutton_john_henry_thomas_10F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/manners_sutton_john_henry_thomas_10F.html |
Auteur de l'article: | Richard Wilbur |
Titre de l'article: | MANNERS-SUTTON, JOHN HENRY THOMAS, troisième vicomte CANTERBURY |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1972 |
Année de la révision: | 1972 |
Date de consultation: | 8 oct. 2024 |