BOCHART DE CHAMPIGNY, JEAN, sieur de NOROY et de VERNEUIL, chevalier, intendant de la Nouvelle-France, 1686–1702 ; né après 1645, fils de Jean Bochart de Champigny, intendant de la ville de Rouen, et de Marie Boivin, décédé en décembre 1720 au Havre-de-Grâce, France.

Jean Bochart de Champigny, ayant avec lui sa femme, qui était enceinte, et deux de ses fils, s’embarqua à La Rochelle, le 22 juillet 1686, pour venir occuper ses fonctions d’intendant de la Nouvelle-France. La traversée de l’Atlantique fut heureusement moins longue qu’elle ne l’était souvent à cette époque de l’année. Les passagers arrivèrent bien portants à Québec à la miseptembre et, quelques jours après leur débarquement, Mme de Champigny, née Marie-Madeleine de Chaspoux, dame de Verneuil et Du Plessis-Savari, donna naissance à une fille. C’est sans doute peu après son arrivée dans la colonie que Champigny fit installer sur un socle, au milieu de la place du marché de la basse ville, la copie en bronze du buste de Louis XIV sculpté par Bernini. Il avait apporté avec lui cette très belle œuvre d’art, pour que les Canadiens puissent se rendre compte de l’aspect de leur souverain. Une copie est encore à la même place aujourd’hui. Le 23 septembre, le Conseil souverain enregistra la commission de Champigny, datée d’avril 1686, le faisant intendant de la justice, de l’administration civile et des finances. Pendant les 16 années qui suivirent, il fut responsable, envers Louis XIV et le ministre de la Marine, du bien-être de la population, de la sécurité intérieure, de la prospérité économique, de l’application de la loi et du maintien de l’ordre en Nouvelle-France. Aucun autre intendant, sauf Hocquart*, n’occupera ce poste aussi longtemps. Pour assumer d’aussi lourdes responsabilités, Champigny reçut un traitement de 12 000# par an, ce qui était insuffisant pour mener le train de vie d’un homme de sa condition. Cependant, il avait en compensation le prestige et l’autorité allant de pair avec les fonctions, comme en témoignaient une garde personnelle, composée de cinq archers, et de nombreux fonctionnaires subalternes. Bien que son rang officiel dans la colonie fût inférieur à celui du gouverneur et, en un certain sens, à celui de l’évêque, Bochart pouvait exercer une influence, bonne ou mauvaise, sur la population, et de façons bien plus diverses que l’un ou l’autre de ses supérieurs.

Sur un point, la nomination de Champigny était unique en son genre : contrairement à tous les autres hauts fonctionnaires de la colonie, il n’avait pas été au service du roi, auparavant. On ne connaît malheureusement que très peu de chose sur sa carrière avant sa venue au Canada. Les documents qui auraient pu nous renseigner sur cette période de sa vie ont été vraisemblablement perdus lors de la destruction du château de Champigny, près de Paris, pendant la guerre de 1870. Il est d’autant plus surprenant qu’il n’ait pas servi auparavant dans des emplois subalternes qu’il devait avoir au moins 35 ans lorsqu’il partit pour le Canada (puisque son fils aîné fut fait enseigne de vaisseau en 1688).

Le fait est encore plus étonnant quand on constate qu’au moins huit générations de Bochart avaient déjà été, à des titres divers, au service du roi. Guillaume, le premier des Bochart dont il soit fait mention, était natif de Vézelay, en Bourgogne. Il semble qu’il n’ait rien fait de bien remarquable, si ce n’est d’acquérir le fief de Noroy, mais, grâce à son fils, Jean, qui en 1440 devint conseiller au parlement, la famille commença à gravir les échelons de la société. Au cours des deux siècles suivants, les Bochart se distinguèrent parmi les gens de justice. Ils s’enrichirent de belle façon et, par mariages, s’allièrent aux principales familles de la noblesse de robe et de la noblesse d’épée. Parmi celles-ci, on peut citer les Montmorency, les Tronson et les La Porte. Mgr de Laval, qui fut évêque de Québec, était un Montmorency et, à Paris, le supérieur des Sulpiciens était un Tronson. Tous deux convenaient de leur parenté avec Champigny. Du côté maternel, le cardinal de Richelieu fut le membre le plus éminent de la famille La Porte. En 1596, un Bochart fut conseiller d’État et acquit le fief de Champigny. Par la suite, en 1624, Jean Bochart, seigneur de Champigny, de Noroy et de Bouconvilliers, fut nommé surintendant des finances et contrôleur général ; quatre ans plus tard il devint premier président du parlement de Paris. C’est un de ses nombreux petits-fils, Jean Bochart VIII, qui vint en Nouvelle-France pour y servir le roi. Le baron de Lahontan, [Lom d’Arce], officier des troupes de la marine, disait donc la vérité quand il écrivait : « ce nouvel intendant est membre d’une des plus illustres familles de la noblesse de robe en France ».

Jacques-René de Brisay, marquis de Denonville, gouverneur général de la colonie, faisait savoir à Seignelay qu’il ne pourrait jamais assez le remercier d’avoir eu la main aussi heureuse dans le choix de cet intendant. Il formulait le vœu que, dans tout son royaume, le roi fût assez fortuné pour être servi par des gens aussi fidèles et aussi désintéressés. Le ministre avait mis tout en œuvre pour qu’il y eût de bonnes relations entre les hauts fonctionnaires et c’est ce désir qui peut expliquer pourquoi Champigny, malgré son manque d’expérience dans le service du roi, fut choisi pour une charge aussi importante. Les intendants précédents, Jacques de Meulles et Jacques Duchesneau*, s’étaient révélés incapables de travailler en harmonie avec les gouverneurs en exercice et avaient perdu beaucoup de temps en querelles et même en conflits ouverts. L’administration de la colonie avait grandement souffert de cet état de choses et le ministre avait décidé de mettre un terme à cette situation. À la surprise de bien des gens de la colonie et à la déception de certains éléments rétifs ayant un penchant pour la pêche en eaux troubles, le ministre n’eut pas à regretter son choix.

Ce fut heureux, en effet, que des relations aussi cordiales aient existé pendant les trois premières années de l’intendance de Champigny, car la colonie était à la veille d’une guerre terrible qui devait durer 13 ans. Champigny allait être témoin de la dévastation de très grandes parties de la colonie par les Cinq-Nations de la confédération iroquoise ; il verrait la flotte et l’armée de la Nouvelle-Angleterre assiéger Québec et jouerait lui-même un rôle de premier plan dans le lent combat, qui allait dégénérer en une guerre s’étendant de l’Atlantique à la baie d’Hudson et, à l’ouest, au-delà du Mississipi, pour se terminer par une victoire décisive. Dans cette même période difficile, la France étendit sa souveraineté et ses obligations au cœur du continent, au-delà des Grands Lacs et jusqu’à la vallée du Mississipi. Sur les rives du Saint-Laurent, où se trouvait le noyau de la colonie, Champigny aida à diversifier et à renforcer l’économie locale. Les rigueurs de la guerre et l’accroissement de la population amenèrent également de graves problèmes sociaux qui exigeaient la création de nouvelles institutions et le développement accéléré de celles qui étaient encore peu évoluées.

Champigny, d’une intelligence évidemment exceptionnelle, avait fait ses études à un collège des Jésuites, qui dirigeaient alors les meilleures écoles de l’Europe, et avait ensuite étudié le droit. Il se révéla un talentueux administrateur, fit des réformes partout où le besoin s’en faisait sentir et n’épargna jamais sa peine dans les moments difficiles. Sa qualité la plus remarquable était sans doute sa force de caractère. Quand il croyait avoir raison, ni le gouverneur ni même le ministre ne pouvaient le faire changer d’idée. Sur plusieurs questions importantes, il obligea en effet le ministre à céder bien que, en agissant de la sorte, il risquât d’être révoqué. Il est important de noter qu’à ces occasions les événements confirmèrent la sagesse de son jugement. Contrairement à Buade* de Frontenac, avec qui il servit pendant neuf ans, il ne semble pas que Champigny ait été doué d’un grand charme personnel. Sa correspondance officielle, ne donne que très peu de preuves d’esprit ou d’humour mais il faut admettre que les dépêches au ministre se prêtaient mal à ce genre de talent. Dans ces dépêches cependant, il usait parfois, même avec le ministre, d’une ironie amère, proche du sarcasme. Il aurait lamentablement échoué dans le métier de courtisan mais, au service du roi, il réussit finalement à gagner le respect de Louis XIV et celui du ministre.

À une époque où les profonds sentiments religieux faisaient place à des conceptions plus attachées aux choses de ce monde, où les effets de la contre-réforme s’estompaient et où l’incrédulité et le libertinage régnaient, Champigny fut manifestement un croyant sincère. C’est ce qui permit à ses adversaires – et vu son caractère et sa situation il en avait de nombreux – de l’accuser de se laisser trop influencer par le clergé dans les conflits entre les autorités civiles et religieuses. Et pourtant, il existe des preuves qu’il en fut tout autrement. Il s’opposait au clergé de la colonie s’il voyait que celui-ci en prenait à son aise avec l’autorité royale, s’attirant ainsi, à l’occasion, le franc courroux de l’évêque. Bien qu’il n’ait pu souffrir ni les imbéciles ni les canailles, il savait se montrer humain : la preuve en est faite par les lois sociales qu’il fit promulguer. Il faut toutefois se souvenir que cette attitude envers l’individu et la société fut un trait caractéristique de l’époque de Louis XIV, particulièrement pendant l’administration de Pontchartrain.

En temps de guerre, on oublie souvent toute compassion, surtout si l’on combat un ennemi cruel et impitoyable. La tâche la plus importante pour Champigny, à son entrée en fonction, fut d’aider Denonville dans ses plans de campagne contre les Iroquois de l’Ouest, qui menaçaient l’influence française dans cette région et se montraient très agressifs depuis plusieurs années. Cette campagne, qui débuta en 1687, fut préparée avec un très grand soin par Denonville, comme les circonstances l’exigeaient, car ce n’était pas une petite entreprise que de déplacer une armée, composée en grande partie d’éléments douteux des troupes françaises régulières, sur plusieurs centaines de milles au cœur des solitudes canadiennes, et d’attaquer un ennemi aussi rusé, aussi nombreux et aussi féroce que l’était cette puissante tribu. Il est incontestable qu’une grande part du mérite, pour l’attention apportée aux plans de stratégie, revient à Champigny.

Pour réussir, Denonville comptait surtout sur l’élément de surprise. Dans le but de s’en assurer, et aussi pour avoir en main des otages qu’il pourrait échanger au cas où des Français seraient capturés, il fit prisonniers tous les Iroquois qu’il rencontra en remontant le Saint-Laurent jusqu’au fort Frontenac. C’était là, sans aucun doute, un acte de guerre légitime. Avant que le gros de l’armée n’eût atteint le lac Ontario, Champigny s’avança jusqu’au fort Frontenac, avec une petite avant-garde, pour préparer l’arrivée de l’armée et sa progression en territoire ennemi. Deux bandes d’Iroquois campaient dans le voisinage du fort. Un détachement envoyé par Denonville fit l’une d’elles prisonnière, mais l’autre, qui comptait une trentaine d’hommes et environ 90 femmes et enfants, fut invitée par Champigny à venir au fort pour une fête. Une fois à l’intérieur du retranchement, les Iroquois furent capturés et les hommes furent attachés, pieds et poings liés, aux palissades. Quand Denonville arriva au fort avec l’armée, il envoya un détachement pour capturer un autre groupe d’Iroquois des environs et tous les prisonniers furent, par la suite, dirigés vers Montréal. Pour obéir aveuglément à un ordre du ministre, voulant que tout Iroquois en bonne santé, capturé pendant la campagne, fût envoyé dans la métropole pour être mis aux galères, 36 parmi les 58 prisonniers iroquois furent embarqués pour la France. Deux ans après, ils furent renvoyés à Québec, sur l’ordre de Denonville. Certains d’entre eux cependant étaient morts aux galères ou au cours des traversées.

À l’époque, la plupart des gens qui commentèrent ces événements considérèrent que la conduite de Denonville et de Champigny était justifiée, niais certains condamnèrent l’un ou l’autre, ou parfois même les deux. En agissant ainsi, ils ont brodé un tant soit peu et laissé une version assez erronée des faits, confondant les Iroquois, pris par les armes, avec ceux que l’on avait capturés par la ruse, accusant à tort des gens qui n’avaient rien fait et exagérant les conséquences de cet épisode. Les historiens d’aujourd’hui, pour la plupart, n’ont fait qu’ajouter à la confusion. Lorsqu’on se livre à une analyse précise des motifs, des circonstances et des conséquences de l’affaire, il s’avère que, au fort Frontenac, la capture d’une petite bande d’Iroquois par Champigny fut faite en des circonstances incontestablement équivoques. Il faut ajouter, par contre, qu’il n’y a aucune preuve que cela ait changé le cours des événements. Certains historiens ont affirmé que ce geste de trahison fut la cause de ce que l’on a coutume d’appeler le rnassacre de Lachine, mais ces dires sont réfutés par des preuves trop nombreuses pour qu’on puisse leur accorder le moindre crédit.

La Nouvelle-France étant de nouveau en état de guerre, il fallait renforcer les défenses de la colonie – elles étaient de fait pratiquement inexistantes – et, dans cette tâche, Champigny apporta à Denonville toute son habileté. Par suite des fatigues endurées pendant et après la campagne, la santé de Denonville devint chancelante et il demanda à être rappelé. Quand il apprit que la requête de Denonville avait été accordée, et que le comte de Frontenac allait remplacer ce dernier, Champigny en fut très affecté.

Dès l’arrivée de Frontenac dans la colonie ses rapports avec Champigny furent très tendus, mais n’allèrent jamais jusqu’à la rupture complète. La raison de leurs difficultés venait, jusqu’à un certain point, de la différence de leurs tempéraments. Le caractère ardent de Frontenac et son insatiable besoin de flatterie, qui donnait à ses adulateurs toute latitude dans l’exercice de leurs talents, agaçaient profondément Champigny qui ne montrait que du mépris pour toutes ces manies. Par contre, l’intransigeance de fonctionnaire qui était propre à Champigny a dû parfois irriter Frontenac, lequel avait pour habitude de traiter assez cavalièrement les ordres du gouvernement. Leurs désaccords les plus graves concernaient surtout les questions de politique et, pendant les six premières années de leur travail en commun, Frontenac jouissait d’appuis suffisants au département de la Marine pour forcer Champigny à céder. Pendant ces années, Jean-Baptiste de Lagny, intendant du commerce et ami de Frontenac, était chargé des affaires du Canada. Le ministre, Louis Phélypeaux de Pontchartrain, un parent de Frontenac, ne s’occupait que fort peu de ce qui se passait dans la colonie. Champigny était un ardent critique des plans militaires de Frontenac, tout comme l’étaient Hector de Callière, gouverneur de Montréal, qui avait la direction des plans de combat, et Philippe de Rigaud de Vaudreuil, commandant des troupes de la-marine. Champigny estimait que les coups de main menés par Frontenac, en 1690, contre les établissements frontaliers de New York et de la Nouvelle-Angleterre n’avaient que très peu entravé les préparatifs de campagne de l’ennemi, tandis qu’une seule attaque générale sur Albany, principal centre iroquois, serait plus effective. C’était aussi l’opinion du gouverneur de New York, qui fut très soulagé que Frontenac ait renoncé à tenter l’aventure. Plus tard, au cours de la guerre, Champigny, Callière et Vaudreuil purent cependant, à force d’insistance, amener Frontenac à abandonner sa politique de temporisation. Cette nouvelle orientation porta ses fruits et obligea les Iroquois à en venir à un arrangement qui empêcha une défection générale des nations indiennes de l’Ouest, alliées des Français.

Le rôle personnel de Champigny dans les affaires militaires n’était qu’indirectement lié à la stratégie, mais l’efficacité avec laquelle il remplissait ses fonctions était pour beaucoup dans la réussite des opérations. Il avait la responsabilité de payer et d’approvisionner les troupes, de leur fournir des armes et des munitions, des canots et des bateaux, et de prévoir le cantonnement des hommes dans les forts ou leur logement chez l’habitant dans les villes car il n’y avait pas de casernes dans la colonie. Il devait aussi prendre les dispositions pour faire soigner les hommes à l’hôpital et, à l’occasion, leur servir d’exécuteur testamentaire. À la fin des hostilités, il devait écouler les approvisionnements militaires en surplus. La construction et l’entretien des fortifications de la colonie étaient également sous sa responsabilité, ainsi que les moyens à prendre pour tenir sous bonne garde les prisonniers de guerre et, finalement, les échanger.

Quand il se fut familiarisé avec les conditions qui régnaient dans la colonie, Champigny procéda à plusieurs réformes importantes dans l’organisation militaire. Dans les troupes de la marine, la coutume voulait que, dans chaque compagnie, le capitaine payât ses hommes et leur fournît leurs uniformes et leurs rations. Comme les capitaines s’attendaient à tirer des bénéfices de ces opérations, il arrivait trop souvent que leurs hommes étaient mal vêtus et mal nourris. En Europe, ces abus n’étaient pas si graves car, à cette époque, les Français faisaient la guerre en sol étranger et les hommes pouvaient ainsi se tirer d’affaire en vivant chez l’ennemi, aux dépens de la population civile. Au Canada, cependant, cela ne pouvait se faire et, étant donné la rigueur du climat, les troupes de la marine se trouvaient fort éprouvées. En 1687, Champigny mit fin à cet état de choses en important des vêtements qu’il distribua aux hommes en en déduisant le coût sur leur solde. Deux ans après, il appliqua le même système aux rations de vivres. Son successeur, François de Beauharnois*, se plaignit qu’il n’avait compté que 3# 6s. par homme, pour des rations qui valaient 3# 9s. Plus tard, en 1692, Champigny fit adopter un genre de tenue de campagne pour l’armée canadienne en service actif. Auparavant, les troupes de la marine portaient une veste gris pâle avec des parements rouges ou bleus – bleus pour les hommes et rouges pour les sergents – une culotte et des bas gris, une chemise et une cravate ainsi qu’un chapeau à larges bords. Cet uniforme était parfait pour la vie de caserne en Europe, mais n’était pas du tout adapté au climat et aux conditions de la guerre au Canada. En conséquence, Champigny conçut lui-même, pour les troupes, des vêtements du genre de ceux que portaient les coureurs de bois.

Il arrivait fréquemment que le budget alloué à la colonie fût insuffisant et, quand Champigny dépensait plus qu’il n’était prévu, le ministre ne lui ménageait pas les remontrances. L’usure prodigieuse à laquelle était soumis l’équipement au cours des campagnes dans les immensités canadiennes était une chose que le ministre rie parvenait jamais a comprendre. En 1693, quand il fut sévèrement réprimandé à ce sujet, Champigny fit parvenir au ministre une réponse cinglante où il l’informait avec force détails de ce que les nombreuses campagnes exigeaient : « Si tout cela et une Infinité d’autres dépences [...] pouvoient se faire sans fonds et dans un pays nouveau et a moitié ruiné par les guerres, ce seroit une secret admirable que je désirerois de tout mon cœur avoir trouvé pour le contentement de sa Majesté et vous estre agréable ».

Pour avoir l’audace d’adresser une telle remontrance au ministre il fallait ou bien une très grande force de caractère, ou bien la témérité née du désespoir, et Champigny n’était pas particulièrement téméraire. Il n’est pas étonnant alors que des bruits commencèrent à se répandre que certains fonctionnaires du département de la Marine exultaient littéralement à l’idée de son renvoi qui paraissait imminent.

Champigny se rendit également impopulaire auprès de quelques officiers de l’armée régulière, par ses tentatives pour faire jouer un plus grand rôle aux troupes de la marine dans les opérations militaires. Bien qu’il fût forcé de reconnaître avec Frontenac que, tant qu’elles n’avaient pas acquis plusieurs années d’expérience dans la guerre d’embuscade, les troupes régulières étaient de peu de secours dans les campagnes contre les Iroquois, il pensait qu’elles auraient pu être employées plus utilement. Dans les circonstances d’alors, les habitants canadiens, qui étaient dans les rangs de la milice, participaient à presque tous les combats, pendant que les troupes régulières étaient employées comme main-d’œuvre. Cet arrangement avait été mis en pratique, comme mesure d’urgence, par Jacques de Meulles, son prédécesseur, mais Champigny trouvait qu’on abusait de cette coutume. Il constata que les soldats étaient très intéressés à travailler comme civils, car ils gagnaient de bons salaires et n’étaient soumis ni à la discipline ni aux obligations militaires. Toutefois, leurs capitaines ne consentaient à les libérer que s’ils leur abandonnaient leur solde et, ce qui était pire, les forçaient à leur remettre une partie de leur salaire comme civils. La plupart des hommes consentaient à cette pratique et, en raison du système de paiement des troupes, il était difficile de mettre un terme à cet abus. Périodiquement, l’intendant ou son adjoint procédait à l’inspection des troupes. On faisait l’appel et les capitaines recevaient l’argent nécessaire pour payer les soldats qui étaient présents. Pour ce genre d’inspection, les capitaines prenaient grand soin d’avoir tous leurs hommes sous la main, mais, quand on avait besoin d’eux pour aller combattre, ils étaient introuvables et c’étaient alors les hommes de la milice qui devaient partir à leur place. Finalement, en désespoir de cause, Champigny émit l’idée que le meilleur moyen de supprimer ces excès et d’amener à la longue les soldats de l’armée régulière à devenir de meilleurs combattants serait de les licencier tous et de les inciter à fonder un foyer. Ils s’établiraient alors sur des terres et deviendraient en quelques années des habitants, bons pour le service dans la milice. Inutile de dire que la recommandation ne fut pas adoptée.

Champigny était directement responsable du bien-être des colons, et la raison majeure de son inquiétude au sujet du recours continuel à la milice, plutôt qu’aux troupes régulières pour les opérations militaires, était que cette coutume avait des conséquences désastreuses sur l’armature sociale et économique de la colonie. Les soldats étaient utiles et corvéables, mais les habitants étaient le pilier de l’édifice social de la colonie. En 1691, après une tournée d’inspection dans les postes avancés de la colonie, régions en grande partie dévastées par les incursions des Iroquois, il écrivit : « J’ay trouvé des peuples habitués au dessus des trois Rivières dans une tres grande misere et tout le pays ruiné par les ennemis à la reserve de la coste de boucherville et des forts ou toutes les familles ont esté contraintes de se retirer, ce qui les empesche de faire valloir leurs habitations eloignées et d’elever des bestiaux qu’en tres petit nombre estant fort resserez, et n’osant sortir à cause de l’ennemy qui paroist de temps en temps, ce qui est encore plus facheux c’est le nombre des habitans extropieds à la guerre et les pauvres veuves qui y ont perdu leurs maris dont les enfans ont peine à avoir du pain ».

Dans un effort en vue de soulager la misère des pauvres et de mettre fin aux graves abus dont souffrait la population, Champigny fit établir par le Conseil souverain, en 1688, une nouvelle institution destinée à venir en aide aux pauvres. Une ordonnance fut donc émise, créant les Bureaux des pauvres dans les villes de Québec, Trois-Rivières et Montréal. Ces bureaux, qui s’occupaient des indigents habitant la région, étaient tenus par le curé de la paroisse et trois administrateurs. Ces derniers devaient recueillir les aumônes de gens plus fortunés et en assurer la distribution. On donnait un emploi aux pauvres qui étaient aptes au travail et les autres recevaient une aide suffisante pour subvenir à leurs besoins. Dès que ces bureaux furent ouverts, la mendicité fut interdite, sauf pour les plus nécessiteux, et des amendes furent imposées à quiconque l’encouragerait en faisant l’aumône aux mendiants non inscrits, qui faisaient du porte à porte. En rédigeant ce règlement, Champigny et le Conseil souverain cherchaient à atteindre trois buts principaux : s’assurer que personne ne mourrait de faim, trouver un ouvrage utile à tous ceux qui pouvaient travailler et débarrasser le public de tous ces mendiants, dont certains préféraient vivre de la charité plutôt que de gagner leur vie par le travail. Il est bien évident que l’ordonnance avait pour but de protéger la classe aisée, mais elle visait aussi à assurer les moyens d’existence de la population moins fortunée. Ce règlement est digne d’être cité, non seulement parce que c’est au Canada un des tout premiers exemples de loi d’assistance sociale, mais aussi parce que, dans son esprit, il était foncièrement très humain : dans son application, on mettait tout en œuvre pour respecter la dignité de ceux qui demandaient de l’aide et pour servir les intérêts de toute la société.

Dans la fondation de cette institution, comme dans bien d’autres domaines, Champigny dut coopérer étroitement avec le clergé. Bien qu’il eût, tout comme sa femme, des sentiments très religieux, il n’oubliait pas un seul instant qu’il était un haut fonctionnaire, représentant du roi. Pendant qu’il fut en exercice, il n’y eut pas de véritable conflit entre l’Église et l’État, mais il y eut des divergences d’opinions sur des questions qui affectaient l’une et l’autre. Il faut se souvenir que les fonctionnaires qui représentaient le pouvoir royal étaient en même temps des catholiques : il n’y eut jamais de désaccord sur les buts à atteindre, mais parfois, de temps à autre, sur les moyens. Ainsi, Champigny refusa d’accorder à l’évêque le contrôle exclusif des subsides royaux dont bénéficiait le clergé et, à cette occasion, il reçut l’appui du ministre. Le roi et le ministre de la Marine désiraient beaucoup avoir des curés établis à demeure dans les paroisses les plus peuplées, où cela pouvait se faire ; l’évêque, lui, préférait avoir ses prêtres séculiers installés au séminaire de Québec, mais voyageant dans toute la colonie, restant quelques semaines dans chaque paroisse. Sur ce point, Champigny s’opposait fermement à l’évêque. Il n’était pas non plus complètement d’accord avec les Jésuites qui, dans les meilleures intentions, désiraient interdire totalement le commerce de l’eau-de-vie avec les Indiens et voulaient même que seuls les missionnaires aient accès aux villages indiens éloignés. Champigny comprenait fort bien les sentiments qui les animaient ; cependant il tenait ces mesures pour irréalisables et cherchait seulement, autant que possible, à supprimer les abus. Quand Frontenac et Mgr de Saint-Vallier [La Croix] se brouillèrent, à la suite d’une violente dispute au sujet de la représentation du Tartuffe de Molière par la troupe de comédiens amateurs du gouverneur, en 1694, Champigny chercha à servir de médiateur mais, voyant que cela était impossible, il se tint à l’écart. Le ministre lui reprocha avec modération de ne pas avoir soutenu le gouverneur mais, dans les circonstances, Champigny avait agi sagement en refusant de prendre parti dans cette affaire.

Dans ses rapports avec le Conseil souverain, dont il présidait les délibérations, Champigny conservait une certaine réserve qui aidait beaucoup à réprimer le penchant inné qu’avaient pour l’intrigue et la cabale les membres de cette assemblée. À un certain moment, il y eut une grave pénurie de viande dans Québec et ses environs. Frontenac et quelques membres du conseil étaient en faveur de fixer une limite aux prix de cette denrée, pour empêcher les spéculations et assurer un partage équitable. Champigny s’opposa, en principe, à cette mesure, affirmant que ce n’était pas en imposant une limite aux prix que l’on augmenterait l’approvisionnement, mais qu’il fallait plutôt s’attendre à un résultat contraire. Son argument en faveur d’un marché libre était bien nouveau, pour l’époque. Cependant, Frontenac fit remarquer que, pendant que l’on compterait sur une montée des prix pour encourager la production, bien des gens seraient totalement privés de viande. Champigny accepta alors que l’on soumît la chose à une assemblée publique. Au cours de cette réunion, la majorité des assistants demandèrent d’assujettir les prix à un règlement et Champigny promulgua sur-le-champ une ordonnance conforme au verdict populaire. Cette méthode n’avait naturellement rien de nouveau : il était coutume de tenir de pareilles assemblées, assez régulièrement, pour connaître l’opinion du peuple avant de décréter une mesure quelconque. Lorsque la population civile fut à court de nourriture, Champigny n’hésita pas à lui faire distribuer des rations prélevées sur les réserves de ravitaillement de l’armée.

Certaines autres divergences d’opinions entre Champigny et Frontenac, sur des questions de politique, ne furent malheureusement pas aussi faciles à concilier. Ce fut, par exemple, le cas pour la politique royale concernant le commerce des fourrures. Le roi et le ministre de la Marine continuaient d’adhérer à la politique établie par Colbert, qui voulait que le commerce des fourrures pratiqué avec les Indiens fût dirigé, autant que possible, de Montréal et de Trois-Rivières et qu’il fût interdit aux Canadiens de se rendre dans l’Ouest pour se livrer à la traite dans les villages indiens. Cette politique avait pour but de garder les Canadiens dans la colonie, et de les employer à l’agriculture, à la pêche, à l’exploitation des forêts ou à des entreprises auxiliaires. On ne voulait pas les voir courir à l’aventure à l’intérieur du continent pendant une partie de l’année, et vivre dans l’oisiveté le reste du temps. Les Canadiens, cependant, avaient toujours fait fi de ces mesures restrictives et, en 1681, Colbert les avait adoucies en permettant au gouverneur et à l’intendant d’émettre 25 congés de traite par an. Chacun de ces congés donnait droit à trois hommes de partir dans l’Ouest en canot, pour y faire la traite. Champigny mit tout en œuvre pour empêcher que l’on abusât de ce privilège, mais ses efforts en ce sens furent perpétuellement contrecarrés par Frontenac qui, chaque année, permettait de doubler les effectifs qui quittaient la colonie pour se livrer à la traite. Il en fut de même de l’édit royal de 1679, qui interdisait de fournir de l’eau-de-vie aux villages indiens, et que Frontenac ne fit pas appliquer. Quand, en 1693, Champigny émit tine ordonnance défendant à quiconque se rendant dans l’intérieur du pays d’emporter plus d’eau-de-vie qu’il ne lui en fallait pour son usage personnel, le gouverneur émit une autre ordonnance annulant celle de l’intendant. Frontenac avait concédé un monopole pour le commerce des fourrures dans tout le territoire des Illinois, une vaste région au sud des Grands Lacs, à Henri Tonty et François Dauphin de La Forest, héritiers de feu Cavelier* de La Salle, qui avait été son associé, Frontenac n’était en aucune façon autorisé à agir de la sorte, mais, tout comme pour les autres lois régissant le commerce des fourrures, il put passer outre aux objections de l’intendant, grâce à l’appui de son ami Jean-Baptiste de Lagny, intendant du commerce au département de la Marine, et c’est en vain que Champigny essaya de faire abolir le privilège accordé à Tonty et à La Forest.

Finalement, le ministre de la Marine changea radicalement d’attitude envers Frontenac et Champigny. Auparavant, chaque fois qu’il y avait entre eux une divergence d’opinion, c’était le point de vue de Frontenac qui l’emportait. Si, par hasard, les choses allaient mal dans la colonie, c’était Champigny, et non Frontenac, qui en supportait le blâme et il en allait de même au cours de leurs nombreuses disputes. Mais, en 1695, le ministre fut obligé d’examiner de plus près les affaires de la colonie et ce qu’il y découvrit l’amena à conclure que Champigny n’avait pas toujours eu tort ou manqué de jugement. La raison de ce renversement d’opinion provenait de faits nouveaux que l’on venait de découvrir : la compagnie qui détenait en France le monopole du marché des peaux de castors, lesquelles fournissaient le principal revenu du commerce des fourrures et, partant, le principal revenu de l’empire français en Amérique du Nord, avait un surplus invendable de ces peaux d’une valeur de 1 500 000#. Cette compagnie versait au trésor royal une redevance annuelle de 550 000# pour ce monopole et l’entente expirait en 1697. Il était flagrant qu’il serait difficile de trouver des gens prêts à renouveler cet accord. Par voie de conséquence, il s’ensuivrait une énorme perte financière pour le trésor, à l’instant même où l’on consacrait des sommes énormes au budget de la guerre. On ne pouvait donc tolérer un pareil déficit. Le ministre ouvrit sur-le-champ une enquête, pour savoir comment on en était arrivé à cette situation, et il découvrit que Frontenac en était le principal responsable, parce qu’il avait refusé de respecter les édits régissant la traite des fourrures.

Le roi et le ministre établirent alors un régime beaucoup plus restrictif : ils ordonnèrent de ne conserver qu’un seul poste dans tout le territoire des Illinois, de retirer les troupes qui étaient cantonnées dans ces régions et de suspendre les congés de traite dans l’Ouest. Bien qu’auparavant Champigny se fût violemment opposé à Frontenac, lorsque celui-ci n’avait pas tenu compte des premiers édits, il appuya le gouverneur dans sa décision de ne pas appliquer le dernier décret. Il écrivit au ministre que, à son avis, tant que la guerre durerait, ce serait folie de se retirer ainsi de l’Ouest et il proposa un compromis qui aurait permis aux Français de maintenir leur suprématie dans l’Ouest et aurait, en même temps, réprimé les abus qui étaient la cause des excédents de peaux de castors. Malheureusement, le ministre décida d’adoucir ses précédentes restrictions et il permit de conserver plusieurs postes, mais ne tint aucun compte des réformes suggérées par Champigny et les abus continuèrent de plus belle. Pourtant, à partir de cette époque, sur les dépêches en provenance du Canada, les notes marginales du ministre indiquent qu’il approuvait les recommandations de Champigny et qu’il rejetait, souvent avec emportement, celles de Frontenac. En 1696, le gouverneur intervint de façon très arbitraire dans un procès relatif à la capture d’un bateau. Il annula la décision du tribunal, passa outre à une ordonnance de l’intendant et rendit lui-même le jugement. C’est alors que le ministre refusa, non seulement de ratifier sa décision, mais fit publier un édit qui confirmait l’ordonnance de Champigny et approuvait la façon dont il avait réglé le litige. Le ministre ordonna à Frontenac, dans les termes les plus énergiques, de ne plus jamais agir de la sorte.

Mais le gouverneur était incapable de retenue et, quelques semaines plus tard, il entra violemment en conflit avec Champigny, en s’immisçant de nouveau dans une affaire judiciaire. Il intervint, cette fois, en faveur de son protégé, Lamothe Cadillac [Laumet], commandant de Michillimakinac, qui était poursuivi en justice par l’intendant pour avoir abusé de son autorité et s’être moqué du tribunal et des édits concernant le commerce des fourrures. Fort heureusement, cette dispute entre Champigny et Frontenac, qui menaçait de prendre des proportions alarmantes, s’arrangea grâce à l’intervention de Vaudreuil et d’un personnage influent, le marquis de Coutré, qui était en voyage au Canada. Champigny en sortit moralement vainqueur, mais n’en conserva pas moins quelque amertume. Il s’agissait d’ailleurs de questions juridiques d’une importance capitale. Il demanda donc au ministre de bien vouloir décider, une fois pour toutes, si le gouverneur pouvait forcer les juges a suivre son avis, et mettre son veto aux jugements rendus par l’intendant. Le gouverneur possédait réellement ce droit, mais ne pouvait en user que dans de graves circonstances, par exemple, lorsque la sécurité de la colonie se trouvait en danger. Il n’était nullement justifié de se servir de son autorité dans l’unique but de permettre à quelqu’un de sa suite d’échapper à la justice.

Frontenac mourut avant que le roi et le ministre aient eu le temps de régler ce différend. Avant de mourir, il fit la paix avec Champigny, qui, par la suite, écrivit en ces termes au ministre : « Vous aurez peut être de la peine a croire, Monseigneur, que je sois aussy véritablement et aussy sensiblement touché que je le suis de sa mort aptes tous les demeslez que nous avons eu ensemble, cependant il n’est rien de plus vray et on en est persuadé, aussi il n’y a jamais eu que les differens sentimens que nous pouvions avoir pour le Service du Roy qui nous ont brouillé, car de luy a moy Comme particulier, nous n’en avons jamais eu, Il en a usé d’une manière si honnête a mon égard pendant sa maladie, qu’on peut dire avoir Commencé au depart de nos Vaisseaux, que je serois tout a fait ingrat, si je n’en avois de la reconnoissance. » On a toutes raisons de croire qu’il parlait sincèrement et que ses sentiments n’étaient pas influencés par une émotion momentanée due à ce triste événement. Rien n’indique qu’il ait eu un tempérament émotif et ses fréquentes disputes avec Frontenac, sur des questions de politique, ne l’absorbaient pas entièrement. Les dépêches qu’il envoyait à Versailles sont remplies de ces querelles et peuvent faire croire que cet état de choses était permanent. En réalité, il s’agissait de documents annuels, qui rapportaient tout ce qui s’était passé au cours des douze mois écoulés. Il pouvait très bien arriver que, dans une dépêche, on fît grand cas d’une dispute n’ayant duré que quelques jours, alors que l’on passait sous silence le fait que, le reste de l’année, le gouverneur et l’intendant avaient travaillé pour ainsi dire en bonne harmonie. Dans le domaine militaire, il est certain que Champigny s’entendit presque toujours avec Frontenac, car autrement il eût été impossible de diriger les opérations.

De meilleures relations s’établirent entre Champigny et le successeur de Frontenac, Louis-Hector de Callière, qui avait été gouverneur de Montréal. Champigny et Callière étaient d’accord sur les grands objectifs de politique générale et coopérèrent de façon admirable à leur réalisation, particulièrement dans leurs efforts pour s’assurer le contrôle du commerce des fourrures dans l’Ouest, tenir en respect les Iroquois et conserver les alliances avec les nations indiennes de l’Ouest. Ce sont eux qui négocièrent avec les Iroquois et une trentaine de nations indiennes le traité de 1701 qui ramena la paix dans l’Ouest. Michel Bégon* a écrit à ce sujet : « Mrs de Callières et de Champigny se sont acquis une gloire immortelle en ajustant tous les différens interests de ces gens là qui ont faict entre eux une paix qui sera dans la suite très avantageuse à Nostre nation ». Cependant la susceptibilité de Callière rendait leurs relations difficiles. C’était un homme qui prenait ombrage de la moindre chose et se trouvait continuellement en désaccord avec les officiers supérieurs des troupes de la marine, pour de mesquines questions de préséance et d’étiquette. Ces ennuis étaient dus, en grande partie, au fait que Callière était gravement affligé de la goutte. De plus, dans ses rapports avec Champigny, il n’était pas sans savoir que l’intendant était en très bons termes avec Vaudreuil, qui avait été son rival malheureux dans la lutte pour le poste de gouverneur de la colonie, et avec qui il entretenait des relations extrêmement tendues. Bien que la patience de Champigny fût parfois sérieusement mise à l’épreuve, il n’y avait pas entre eux de graves désaccords. On a affirmé que Champigny avait lui-même été candidat au poste de gouverneur de la colonie, mais il n’existe aucune preuve à l’appui de cette assertion et tout porte à nous convaincre du contraire.

On peut être assuré que Champigny ne passait pas le plus clair de son temps à se quereller avec les gouverneurs. Il était beaucoup trop accaparé par les devoirs de sa charge, pour pouvoir s’accorder un pareil luxe. Il lui fallait prévoir, un an à l’avance, les besoins de la colonie en denrées alimentaires et autres approvisionnements de première nécessité ; calculer dans quelle mesure la colonie pouvait se suffire à elle-même et, ensuite, faire les arrangements pour importer le reste, l’été suivant. On lui demandait aussi de prendre tous les moyens possibles pour stimuler l’économie intérieure et, si l’on tient compte des circonstances désavantageuses dans lesquelles il se trouvait, on peut dire qu’il a beaucoup accompli dans ce sens. En 1687, Colbert lui avait fait part de ses instructions en ces termes : « cette colonie [...] ne sera jamais solide tant qu’elle ne pourra pas subsister par Ellemesme, et qu’on ne pourra tirer du pais ce qui est absolument nécessaire pour la vie ».

La destruction des récoltes, du bétail et des bâtiments de fermes par les Iroquois et l’absence des hommes, qui partaient en grand nombre, soit pour faire la traite dans l’Ouest, soit pour participer aux opérations militaires avec la milice, mettaient autant d’entraves à l’exploitation de l’agriculture. Une autre raison encore plus profonde de la maigre production agricole était que le Canada restait en dehors de la révolution agricole européenne des xviie et xviiie siècles, de telle sorte que, dans les fermes, les méthodes en usage étaient surannées et inefficaces ; situation aggravée par le gaspillage qu’entraînait la vie de pionniers. Une trop grande partie des habitants se contentaient de produire pour suffire à leurs propres besoins. En outre, le pain blanc constituait la principale nourriture et il s’en consommait une moyenne quotidienne d’une livre et demie par personne. Or, ni le climat ni le sol ne convenaient à la culture du froment. Pour toutes ces raisons, les pertes de récoltes étaient aussi fréquentes qu’en France et il était très rare que l’on eût du blé ou de la farine en surplus pour l’exportation. Champigny fit tout son possible pour stimuler la production, mais il était très difficile d’amener les habitants à changer des habitudes aussi profondément enracinées. Il parvint à leur faire semer du chanvre et du lin et à élever un plus grand nombre de moutons. Tous ces produits constituaient des matières premières dont on pouvait fabriquer des cordages et des vêtements, mais, là encore, les habitants se montraient peu disposés à produire plus qu’il ne leur en fallait pour eux-mêmes.

Il n’obtint guère plus de succès dans ses tentatives pour encourager l’industrie de la pêche à produire davantage en vue d’alimenter les marchés extérieurs. Le manque de capitaux pour acheter des bateaux et des instruments de pêche, l’absence de salines dans la colonie et le pillage auquel les corsaires anglais se livraient dans le golfe du Saint-Laurent, constituaient les principaux obstacles à cette entreprise. Champigny parvint à convaincre le ministre de fournir des subventions pour les instruments de pêche et, grâce à cette aide, le sieur Charles Denys de Vitré obtint d’assez bons résultats dans la pêche à la baleine et au marsouin. En 1701, ses bateaux ramenèrent 70 baleines et, l’année suivante, 97 marsouins. Pour donner l’exemple, Champigny et Frontenac s’associèrent à deux marchands de Québec, firent remettre à neuf un navire qui était une prise de guerre, et l’envoyèrent dans les grands bancs de Terre-Neuve. Moins d’un an après, il fut repris par les Anglais et Champigny eut à déplorer, pour son compte, une perte de 4 000#. Dans le but de fournir aux établissements de pêche sédentaire le sel dont ils avaient grand besoin, Champigny leur en envoya une cargaison par les vaisseaux du roi et la leur vendit en ne prenant qu’un léger bénéfice pour le trésor. Quand il eut vent de la chose, le ministre, avec sa mesquinerie habituelle, le rappela sévèrement à l’ordre pour n’avoir pas fait payer le plein prix en vigueur sur le marché. Malgré ces tracas, la pêche destinée à la consommation locale ne fit que prospérer et, après la guerre, s’étendit dans le golfe du Saint-Laurent jusqu’au Labrador.

C’est à l’exploitation forestière que Champigny apporta la plus grande attention, plus particulièrement à la production de mâts pour les navires. Au temps de la marine à voiles, les pins géants, bien proportionnés, qui servaient de grands mâts étaient un produit vital pour une puissance maritime, tout comme le pétrole devait l’être plus tard. Sans un approvisionnement suffisant en mâts et mâtures, les vaisseaux n’étaient que de vulgaires pontons sans utilité. La Russie et les Pays baltes étaient, à l’époque, les principaux fournisseurs de grands mâts. L’Angleterre et la France désiraient vivement s’affranchir de cette dépendance étrangère et se procurer, dans leurs colonies américaines, des mâts et d’autres fournitures de construction navale. Ni l’une ni l’autre n’y parvinrent vraiment. Au Canada, Champigny fit faire des relevés des forêts, obtint des subventions royales, fit venir des maîtres artisans de France et parvint à produire des madriers de chêne et un nombre considérable de mâts. Le principal problème était de leur faire franchir l’Atlantique et de les acheminer jusqu’aux chantiers navals, en France. On manquait alors de ces longs bateaux à chargement par l’arrière, qu’on appelait des flûtes, et qui servaient au transport des mâts. Il y avait chaque année environ 90 mâts prêts à l’expédition, mais on ne pouvait en envoyer plus de 12. Champigny soupçonnait que les marchands de bois des Pyrénées, ne désirant guère affronter la concurrence canadienne, créaient des difficultés. Le coût élevé des mâts et du bois d’œuvre canadiens n’arrangeait rien non plus, mais ceci était inévitable dans une industrie naissante et les Anglais rencontraient d’ailleurs le même problème. C’était pourtant un commencement et, dans l’attente de temps meilleurs, l’industrie parvint quand même à survivre. Dans la colonie, pendant ces années, le nombre des moulins à scie augmenta mais presque tout le bois qu’ils produisirent servit à la consommation locale.

Champigny essaya aussi d’encourager le commerce avec les Antilles mais, en temps de guerre, c’était là une entreprise trop hasardeuse pour qu’elle eût beaucoup de chances de réussite. Dès la fin de la guerre, un négoce plein de promesses s’établit rapidement entre les marchands de Québec et ceux de la Nouvelle-Angleterre. Mais le ministre Pontchartrain y mit une opposition formelle. Il interdit tout commerce avec les colonies anglaises, de crainte que celles-ci n’approvisionnent la Nouvelle-France en marchandises que la France pouvait fournir elle-même. Le commerce continua clandestinement, surtout par voie du lac Champlain et de la rivière Richelieu, entre Albany et Montréal. Les vins français, l’eau-de-vie, les soieries et les peaux de castors partirent vers le sud, en échange des lainages anglais, dont on avait besoin dans la traite des fourrures, pour faire concurrence à la Hudsons Bay Company. L’intendant et le gouverneur de Callière affirmèrent qu’ils faisaient tout leur possible pour empêcher ces agissements, mais les bénéfices qu’en retirait la colonie étaient si évidents qu’on est porté à croire qu’ils ne se pressèrent pas d’y mettre un terme.

Pendant ses dernières années dans la colonie, Champigny montra beaucoup d’intérêt aux différentes tentatives qui furent faites en vue de former une société destinée à s’assurer le monopole du commerce des peaux de castors. L’idée était de fonder une société qui, malgré l’état dumarché des pelleteries, pourrait être exploitée sans réduire les prix payés au Canada. Plusieurs projets furent présentés, ce qui donna lieu à de nombreuses intrigues entre groupes rivaux. La sympathie de Champigny était tout acquise au groupe des Canadiens, à tel point que le ministre en vint à lui reprocher son évidente partialité. Finalement, les marchands de fourrures canadiens proposèrent de former une compagnie, dans le but de vendre eux-mêmes les peaux. Champigny se montra fort sceptique et fit remarquer qu’il était extrêmement douteux que les Canadiens puissent réussir dans cette entreprise. Mais le ministre repoussa son avis et donna son adhésion au projet des marchands. La Compagnie du Canada, fondée en 1700, rencontra rapidement des difficultés dont elle ne put venir à bout et, en 1706, elle connut la débâcle.

Le développement urbain fut un autre domaine où Champigny put exercer son habileté. À partir de 1688, la population de Montréal commença d’augmenter rapidement et les gens qui possédaient des terrains à l’intérieur des murs profitèrent des circonstances pour les louer ou les vendre à des prix exorbitants. Champigny mit rapidement un terme à cette pratique, en décrétant que personne ne pouvait posséder plus d’un arpent de terrain à l’intérieur de la ville, et que tout propriétaire d’un terrain inoccupé devait y bâtir une maison de pierre, dans un délai d’un an. Les personnes qui possédaient des terrains inoccupés et qui ne désiraient pas bâtir devaient s’en défaire dans les six mois qui suivaient le décret. À la même époque, Champigny fit porter la largeur des rues à 30 pieds.

Champigny a droit à la reconnaissance des historiens pour une autre innovation : en 1698, il proposa la création des archives canadiennes, destinées à conserver pour l’avenir tous les édits et toutes les ordonnances et proclamations royales. Les archives furent établies l’année suivante et le secrétaire du Conseil souverain fut chargé de les tenir à jour. Il devint ainsi le premier archiviste qu’ait eu le Canada. Champigny avait en tête un autre projet : la création des États généraux du Canada. Dans une dépêche assez mystérieuse, datée du 15 octobre 1700, il proposait que si le ministre décidait de faire de la colonie un pays d’État – plusieurs provinces de France étaient pourvues de ce genre de gouvernement régional -l’assemblée devrait être présidée par le gouverneur, et composée de l’évêque, de l’intendant qui aurait droit de vote et dirigerait les débats, de deux représentants du clergé, deux du Conseil souverain, d’un juge et de deux seigneurs de chacun des gouvernements de Québec, de Montréal et de Trois-Rivières, ainsi que de trois marchands de Québec, deux de Montréal et un de Trois-Rivières. Champigny écrivait que : « dans cette assemblée les affaires du pays seroient terminées à la pluralité des voix et il y seroit pourveu pour la levée de l’impost que le pays seroit chargé de fournir ». Ce projet ne fut cependant pas mis à exécution et les Canadiens échappèrent ainsi à la menace qui les aurait obligés à s’imposer eux-mêmes des taxes.

L’année suivante, en 1701, Champigny eut le plaisir d’apprendre que le roi l’avait nommé intendant au Havre. Son successeur, Beauharnois, arriva à l’automne de 1702 et Champigny et sa femme quittèrent Québec à la même époque. Ce départ ne mit en aucune façon un terme à l’intérêt qu’il portait au Canada et, quand il fut au Havre, il servit auprès du ministre, pendant plusieurs années, en qualité de conseiller dans les affaires canadiennes. Les dépêches en provenance du Canada lui étaient envoyées : il en faisait le commentaire et indiquait ses recommandations. Pour la gouverne du ministre, il rédigeait aussi des mémoires sur les questions les plus importantes et son opinion avait toujours beaucoup de poids.

Que ce soit au temps de Champigny, ou à notre époque, quand il s’agit d’un fonctionnaire du gouvernement, la question se pose toujours : a-t-il profité de sa position pour faire des bénéfices personnels ? Dans le cas de Champigny, on peut seulement dire qu’il était soit honnête, soit extrêmement habile. Dans toute administration, les soupçons, les commérages, les rumeurs accusatrices et la médisance sont monnaie courante. Il serait très difficile de découvrir un fonctionnaire, ayant servi en Nouvelle-France, qui n’ait été accusé de malversations de quelque sorte et Champigny ne fait pas exception à la règle. Il est pourtant surprenant que l’on ait découvert, contre lui, seulement deux accusations. La première est une lettre anonyme, provenant d’un soldat mécontent, qui accuse ses officiers supérieurs de délits de toutes sortes auxquels Champigny se trouve rattaché, ainsi que Vaudreuil qui commandait les troupes de la marine. On ne peut guère donner créance à ce premier témoignage, mais le second, par contre, est beaucoup plus grave. Il s’agit d’une lettre du père Henri-Jean Tremblay*, des Missions étrangères, adressée à Mgr de Laval, qui vivait alors retiré. Cette lettre est datée de Paris, le 19 juin 1705, trois ans après que Champigny eut laissé le Canada, le père Tremblay affirme, entre autres, que les Missions étrangères ont appris que Champigny avait fait un bénéfice personnel de plus de 25 000# par an, sur les vivres et l’habillement des troupes de la marine dans la colonie. « Gens qui s’en croient bien seure me l’ont ainsy raconté », écrivait le père Tremblay. Il eût été très facile à Champigny de se remplir ainsi les poches, mais comme l’opération aurait lésé bien des gens, on peut difficilement imaginer comment il aurait pu faire pour que les choses ne fussent pas ébruitées bien avant 1705. On peut être assuré que, si Frontenac avait eu le plus léger soupçon que Champigny fût coupable de prévarications, il l’eût dénoncé sur-le-champ, auprès du ministre. Vu qu’il ne l’a pas fait, nous pouvons conclure que l’accusation répétée par le père Tremblay ne tient pas, « faute de preuves ».

La carrière de Champigny, comme intendant de la Nouvelle-France, peut sans doute se résumer, tout bien considéré, comme celle d’un haut fonctionnaire, compétent et consciencieux. Ce ne fut pas un instigateur de grands projets, car les temps n’étaient pas propices à ce genre d’entreprises. Le grand intérêt qu’il portait aux valeurs humaines en fit un adversaire résolu de l’expansion effrénée vers l’Ouest qui, à son avis, minait les forces de la colonie. Tout comme Colbert, il était assez clairvoyant pour prévoir que les tentatives de gens cupides pour s’emparer de toute l’Amérique du Nord mèneraient à un désastre, tant que l’économie et la structure sociale du noyau de la colonie ne seraient pas fermement établies. Dans les affaires militaires, il montrait une bonne connaissance de la stratégie et des moyens nécessaires pour atteindre les objectifs. Aux jours les plus sombres de la guerre, les efforts qu’il déploya pour soutenir les forces combattantes contribuèrent énormément à leur victoire. C’est peut-être la présence d’un de ses fils dans les troupes de la marine qui lui faisait sentir plus vivement leurs besoins et leurs épreuves. Ses rapports avec les gouverneurs sous les ordres desquels il servit, du moins en ce qui concerne Frontenac et Callière, laissèrent fort à désirer, mais l’administration de la colonie n’en souffrit jamais. Le meilleur témoignage d’estime que cet intendant ait reçu est peut-être celui de la mère Jeanne-Françoise Juchereau, de l’Hôtel-Dieu de Québec, qui, lorsque Champigny lui eut fait ses adieux, avant de s’embarquer pour la France, fit la remarque suivante : « Il étoit bon, humain et populaire, il nous affectionoit beaucoup ».

W. J. Eccles

[La correspondance et les papiers personnels de Champigny ne nous sont malheureusement pas parvenus. Ses dépêches adressées au ministre se trouvent à Paris, aux AN, Col., C11A, 9–20, et les dépêches que le ministre lui envoya sont aussi aux AN, Col., B. Un grand nombre de documents intéressants sont conservés dans la collection Moreau de Saint-Méry, aux AN, F3 ; les APC possèdent des microfilms de ces documents. Les ASQ ont plusieurs documents dignes d’intérêt, particulièrement dans la section Lettres, N. Les Jug. et délib. contiennent de nombreuses pièces qui se rapportent à Champigny. Il est regrettable que si peu de ses édits et, ordonnances aient survécu.

Les articles d’Edmond Esmonin, dans Études sur la France des XVIIe et XVIIIe siècles (Paris, 1964), sont à consulter pour ce qui a trait à la création du poste d’intendant. Ladministration de la Nouvelle-France (Paris, 1929), l’un des premiers ouvrages de Lanctot, est utile et Sovereign Council of New France, par Cahall, est nécessaire pour comprendre le rôle de l’intendant dans l’administration de la justice. Dans The Marquis de Vaudreuil, New France at the beginning of the eighteenth century (Bruges, 1938), F. H. Hammang examine le rôle joué par Champigny dans les affaires canadiennes, après son retour en France. Les Jésuites et la N.-F. au XVIIe siècle, par Rochemonteix, contient beaucoup de renseignements sur les relations que Champigny eut avec les Jésuites. Eccles, dans Frontenac et Canada under Louis XIV, traite en détail de la carrière de Champigny au Canada. Thérèse Prince-Falmagne, dans Un marquis du grand siècle, Jacques-René de Brisay de Denonville, gouverneur de la Nouvelle-France, 1637–1710 (Montréal, 1965), traite des rapports de Denonville et de Champigny. Les courts articles de Régis Roy, Jean Bochart, BRH, VII (1901) : 325–327 ; Champigny, BRH, XX (1914), 80s., donnent certains renseignements généalogiques, mais contiennent aussi des faits erronés..]

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

W. J. Eccles, « BOCHART DE CHAMPIGNY, JEAN, sieur de NOROY et de VERNEUIL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/bochart_de_champigny_jean_2F.html.

Information à utiliser pour d'autres types de référence bibliographique


Permalien: https://www.biographi.ca/fr/bio/bochart_de_champigny_jean_2F.html
Auteur de l'article:    W. J. Eccles
Titre de l'article:    BOCHART DE CHAMPIGNY, JEAN, sieur de NOROY et de VERNEUIL
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
Date de consultation:    2 oct. 2024