DESSAILLIANT, dit Richeterre, MICHEL, artiste-peintre dont on ignore les dates de naissance et de mort, a vécu successivement à Montréal, Détroit et Québec ; circa 1701–1723.

En 1701, il était à Montréal comme le prouve un billet accusant réception d’une somme de 40# pour le portrait de Mme de Repentigny. Cinq années plus tard, il séjournait à Détroit où il aurait peint un retable pour le compte de Cadillac [Laumet]. En 1708, il revint à Montréal, puis à Québec où il devint l’un des peintres les plus recherchés.

Il a peint surtout sur commande, se concentrant sur des thèmes religieux. Parmi ses ex-voto on en retrouve aujourd’hui trois à Sainte-Anne de Beaupré. Le premier, intitulé Madame de Riverin et ses enfants, a été exécuté en 1703 à Québec ; Madame, née Angélique Gaultier, est agenouillée avec ses trois filles et son fils devant sainte Anne assise sur un coussin de nuages. Ce tableau constitue un document intéressant de l’art vestimentaire enfantin et féminin de l’époque. Un ex-voto, exécuté en 1710 ou 1711, rappelle le naufrage du Saincte-Anne ; il s’agit d’un tableau donné par le capitaine Charles Édouin à son équipage, en 1711, après que leur navire, le Saincte-Anne, dépêché de Terre-Neuve par Subercase [Auger] eut été miraculeusement sauvé d’une tempête (1709). Sous la furie des vagues magnifiquement ourlées de verts passés et d’ocres roux, on voit le navire qui se disloque avec, sur le pont, le père Gaulin (chargé d’un message de Subercase pour le gouverneur) implorant la protection de sainte Anne.

Le livre de comptes de Sainte-Anne de Beaupré révèle qu’on y a le « 6 février 1716, receu de M. Roger pour une messe solennelle avec un tableau, 14 ». Cet ex-voto intitulé M. Roger rappelle que ce marchand de Québec, dont le navire était pris dans les glaces, fut sauvé miraculeusement par l’intercession de sainte Anne. Cette œuvre est plus détaillée que les deux précédentes : sainte Anne et la Vierge dominent la partie supérieure du tableau, tandis que le navire, toutes voiles déployées, laisse s’égrener sa cargaison humaine qui se confie à de frêles barques.

C’est cependant l’Hôtel-Dieu de Québec qui possède le plus vivant des ex-voto de Dessailliant, celui de LAnge-Gardien. Le coloris un peu cru, la naïveté de la fillette à la figure rosée que percent de petits yeux noirs intelligents, la largeur de facture de l’ange aux ailes bleuâtres et à l’ample tunique blanche, constituent autant de caractéristiques de cette œuvre que la tradition monacale a entourée de légendes.

Dessailliant a laissé aussi quelques portraits, pour la plupart fort abîmés aujourd’hui. L’Hôtel-Dieu de Québec possède ceux de Mère Louise de Soumande de Saint-Augustin (1708), de Madame Régnard Duplessis représentée sous les traits de sainte Hélène (1707), de Jeanne-Françoise Juchereau, dite de Saint-Ignace (1723) et de LAbbé Joseph Séré de la Colombière (1723). Notons encore les portraits de Jean-Baptiste Hertel, chevalier de Rouville (vers 1710), de Zacharie François Hertel, sieur de la Fresnière (vers 1710) et du Chevalier La Corne de Saint-Luc (date inconnue).

Les ex-voto forment, cependant, la partie la plus intéressante des œuvres de Dessailliant. Cet art de l’ex-voto a connu durant près de deux siècles une vogue considérable au Canada français. En proie aux périls des forces indomptées de la mer et de la forêt, face aux hasards des guerres et calamités de toutes sortes, les colons remerciaient le ciel en demandant à des artistes, artisans et imagiers, souvent inconnus, de fixer sur la toile les grâces dont ils étaient l’objet. Ces tableaux étaient offerts à des sanctuaires et des monastères où ils étaient exposés à la vue de tous afin de les inciter à la piété. Sainte Anne, dont le culte semble avoir traversé les mers avec les Bretons, a été ainsi, comme l’attestent les nombreux ex-voto du sanctuaire de Beaupré, l’objet de nombreux témoignages. Œuvres de foi intense et de reconnaissance, ces tableaux de cachet médiéval échappent souvent aux règles de l’art mais touchent parfois au sublime. Les ex-voto sont à notre peinture ce que les contes sont à notre littérature : un joyau précieux.

Maurice Carrier

AJQ, Greffe de Pierre Rivet, 25 oct. 1710.— IOA, Hôtel-Dieu de Québec, J–4, 1–10 ; Notre-Dame-des-Victoires, D–7 ; Rivière Ouelle, E–5 ; Sainte-Anne de Beaupré, A–4, A–5, A–7, A–10, A–11, A–12, B–1, B–2, B–3, B–5, C–4.— J. R. Harper, La Peinture au Canada des origines à nos jours (Québec, 1966), 17–23.— Morisset, Peintres et tableaux (2 vol., « Les arts au Canada français », Québec, 1936–1937), I 33–59 ; La peinture traditionnelle au Can. fr., 35. Claude Picher, Les ex-voto, Canadian Art (Ottawa), XVIII (1961), ni 4.

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Maurice Carrier, « DESSAILLIANT, dit Richeterre, MICHEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/dessailliant_michel_2F.html.

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Auteur de l'article:    Maurice Carrier
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
Date de consultation:    11 oct. 2024