Titre original :  Lee Mong Kow, his mother wife and family. From: Maclean's magazine, 1 May 1909. Source: https://archive.macleans.ca/article/1909/5/1/a-remarkable-canadian-chinaman

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LEE MONG KOW (Li Mengjiu en mandarin), interprète et directeur d’école, né le 2 décembre 1861 dans le comté de Panyu, province de Guangdong (république populaire de Chine) ; marié au moins une fois, il eut six fils et six filles ; décédé le 9 mai 1924 à Hong Kong.

Lee Mong Kow appartenait probablement à une famille assez aisée. Sa mère, Lee Quan Sze, veuve à l’âge de 22 ans, veilla à son éducation. Lorsqu’il fut grand, elle se consacra à des œuvres de bienfaisance, ce qui lui apporta une renommée considérable en Chine et en Amérique du Nord. Les familles pauvres n’avaient pas les moyens de faire instruire leurs fils ni de permettre aux veuves d’éviter le remariage.

On ignore la date exacte de l’entrée de Lee au Canada, mais elle se situe très probablement vers 1880. Il fut d’abord manœuvre à Esquimalt puis, « en étudiant et en épargnant », il devint tailleur. En 1882, il se fixa à Victoria. Il travailla peut-être comme interprète à titre de suppléant avant d’être nommé, en novembre 1889, interprète principal pour les services de l’immigration chinoise du département des Douanes. Même si ces services allaient changer de ministère, Lee en resterait l’interprète principal jusqu’en 1920. Au fil de ses années de service, il vit entrer des milliers de Chinois au Canada et se fit connaître pour son intégrité.

Lee était l’un des rares membres de la communauté chinoise de Victoria dont la presse anglophone de la province commentait les activités. La première fois que l’on entendit parler de lui, ce fut lorsqu’il témoigna devant la commission royale d’enquête sur l’immigration chinoise et japonaise en Colombie-Britannique, instituée en 1900. À cette occasion, il attesta qu’on faisait venir au pays des prostituées chinoises. Ses remarques illustrent son rôle d’intermédiaire entre les cultures. Savait-il, lui demanda-t-on, s’il y avait des Chinoises qui avaient été vendues comme esclaves et contraintes de se prostituer ? À cette question, il répondit : « [Je suis au courant de trois cas de] femmes chinoises venues ici qui pourraient être considérées comme des esclaves par les Blancs, mais en Chine nous ne les appelons pas esclaves. » Des hommes, expliqua-t-il, payaient la traversée et le droit d’entrée pour des femmes qui voulaient venir au Canada mais qui n’en avaient pas les moyens. En échange, elles acceptaient de se livrer à la prostitution pour rembourser les frais plus 7 % d’intérêt dans un délai convenu.

Le gouvernement de la Chine reconnut la notoriété de Lee dans la communauté chinoise de Victoria en lui décernant en 1907 une décoration de quatrième classe, l’équivalent du titre de chevalier commandeur de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges, d’après le Daily Colonist de Victoria. L’année suivante, ce journal rapporta que Lee faisait un voyage d’affaires et d’agrément dans l’est du Canada. En ces temps où une très forte discrimination s’exerçait à l’endroit des Chinois, Lee avait assez de prestige et de capital pour faire respecter ses droits. Le Vancouver Daily World avait affirmé en 1906 qu’il était sur le point d’acheter l’un des journaux de la province, ce qui était illégal. Sous la pression des conseillers juridiques de Lee, le World dut publier des excuses officielles. En 1908, Lee menaça la municipalité de Victoria de poursuites judiciaires au sujet d’un permis de construire qui faisait l’objet d’un litige. En 1909, en plein débat sur l’inscription des jeunes Chinois dans les écoles de Victoria et sur la création d’une classe réservée à eux seuls, il demanda – et obtint – un permis autorisant trois de ses enfants à fréquenter la North Ward School, qui n’était pas ségrégationniste.

Peut-être parce qu’il était fonctionnaire fédéral, Lee, semble-t-il, participait moins à la vie politique de Victoria que d’autres membres de l’élite chinoise. Son absence pourrait avoir été liée au fait qu’il appartenait à une minorité parmi les locuteurs du cantonais établis au Canada. La plupart des Chinois de Colombie-Britannique étaient originaires de la région de Siyi, qui regroupait quatre comtés adjacents du delta de Canton (delta de Guangxu) et où l’on parlait un sous-dialecte du cantonais. Or, Lee venait de Panyu, comté proche de Canton où l’on parlait le cantonais standard. Dans les communautés chinoises de la diaspora, les liens de fidélité au lieu de naissance et au lignage avaient une telle importance que Lee était peut-être isolé du fait de ses origines. Par ailleurs, Lee semble avoir eu des relations sociales avec des gens comme Yip On, organisateur en chef du Parti de protection de l’empereur, mieux connu en anglais sous le nom de la Chinese Empire Reform Association, un des principaux mouvements politiques de l’époque. Yip Sang, homme d’affaires de Vancouver, appartenait aussi à cette association. Lee ne fut pas impliqué dans le scandale de l’immigration qui, en 1910–1911, fit l’objet de la commission d’enquête sur les allégations de fraudes chinoises et de contrebande d’opium sur la côte du Pacifique. Cette commission recommanda que des accusations criminelles soient portées contre Yip On.

C’est surtout dans le secteur éducatif que l’on voit que Lee était un leader. Il fut probablement l’un des initiateurs de la Le Qun Yishu, première école élémentaire de langue chinoise au Canada, et il fut le premier à la diriger. Inaugurée en 1899, l’école accueillait 100 élèves chinois et vivait uniquement de souscriptions volontaires. On peut lire dans le Daily Colonist pourquoi, selon un porte-parole, probablement Lee, cette école avait été fondée : « nous sommes des Chinois, où que nous allions, et nous estimons, vu l’ouverture actuelle des relations internationales, qu’il est nécessaire d’avoir une formation en chinois aussi bien qu’en anglais ». En 1908, l’école passa sous l’égide de la Chinese Consolidated Benevolent Association, principale organisation de la communauté chinoise. Réorganisée l’année suivante grâce à des subventions du gouvernement chinois, elle prit alors le nom de Chinese Imperial School. Elle devint la Chinese Public School en 1913, soit l’année où le conseil scolaire de Victoria convint avec Lee d’y transférer deux de ses classes réservées aux jeunes Chinois. Les élèves fréquentaient des classes anglaises sous la compétence du conseil scolaire le jour et des classes chinoises sous l’autorité de l’association le soir. Les choses continuèrent ainsi jusqu’à ce que, en 1915, le conseil soit incapable d’obtenir une réduction du loyer des salles de classe. Dans son discours aux élèves de la première promotion, en 1915, Lee nota que l’établissement était la plus grande école chinoise au Canada. Il souligna que, en plus de leurs études dans les « écoles occidentales », les élèves avaient satisfait à « une norme nationale chinoise ». Ils répondaient aux exigences fixées par le ministère chinois de l’Éducation pour l’obtention d’un diplôme d’études primaires. L’école offrirait encore des classes en chinois au début du xxie siècle.

En 1920, Lee Mong Kow partit occuper à Hong Kong le poste d’agent chinois de la Canadian Pacific Ocean Services Limited. Apparemment, il tomba malade peu après. Il mourut en mai 1924 à l’issue d’une longue maladie. Peut-être sa renommée était alors plus grande auprès des Canadiens d’origine anglo-européenne que des Sino-Canadiens. La nouvelle de son décès fit la une dans la presse anglophone – distinction rare pour un Chinois d’origine dans une société où sévissaient le racisme et la stratification sociale fondée sur la race. Le seul journal chinois de cette période qui a été conservé, le Dahan Gongbao (Temps chinois) de Vancouver, ne consacra que quelques lignes à la mort de Lee.

Timothy J. Stanley

School District 61 Educational Heritage Arch. and Museum (Victoria), Victoria School District, trustees’ meetings, minute-books, 1905–1910 : 112 ; 1911–1914 : 440.— Dahan Gongbao [Temps chinois] (Vancouver), 22, 24 mars, 13 juill. 1915.— Daily Colonist (Victoria), 18 janv. 1899, 9 sept. 1906, 15 avril 1907, 8 oct. 1908.— Victoria Daily Times, 1er sept. 1908, 10 mai 1924.— Lim Bang, « Weibu Zhonghua Huiguan zhi yuange ji qiaoxiao chuanli zhi yuanqi » [les Origines de la Victoria Chinese Consolidated Benevolent Association et les raisons de la création d’écoles outre-mer], dans Jianada Weiduoli Zhonghua Huiguan chengli qishiwu, Huagiao Xuexiao chengli liushi–zhounian jinian tekan [Soixante-quinzième anniversaire de la Victoria Canadian Chinese Consolidated Benevolent Association et soixantième anniversaire de l’Overseas Chinese School, publication souvenir spéciale], D. T. H. Lee [Lee T’ung-hai], édit. (Victoria, 1960), part. iv : 1–5.— Canada, Commission royale sur l’immigration chinoise et japonaise, Report (Ottawa, 1902 ; réimpr., New York, 1978) ; Parl., Doc. de la session, 1909, no 30 ; Royal commission appointed to investigate alleged Chinese frauds and opium smuggling on the Pacific coast, Report (Ottawa, 1913).— A. B. Chan, Gold Mountain : the Chinese in the new world (Vancouver, 1983).— Harry Con et al., From China to Canada : a history of the Chinese communities in Canada, Edgar Wickberg, édit. (Toronto, 1982 ; réimpr., 1988).— C. D. Lai, « Home county and clan origins of overseas Chinese in Canada in the early 1880s », BC Studies (Vancouver), no 27 (automne 1975) : 3–29.— T. J. Stanley, « « Chinamen, wherever we go » : Chinese nationalism and Guangdong merchants in British Columbia, 1871–1911 », CHR, 77 (1996) : 475–503.

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Timothy J. Stanley, « LEE MONG KOW (Li Mengjiu) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/lee_mong_kow_15F.html.

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