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BLACK, DAVIDSON WILLIAM, médecin, anatomiste, professeur d’université et anthropologue, né le 25 juillet 1884 à Toronto, fils de Davidson Black et de Margaret Bowes Delamere ; le 27 décembre 1913, il épousa dans cette ville Adena Sara (Sarah) Nevitt, et ils eurent un fils et une fille ; décédé le 15 mars 1934 à Pékin (Beijing, république populaire de Chine).
Davidson William Black avait deux ans lorsque son père, avocat de Toronto, mourut d’une insuffisance cardiaque. Sa mère éleva ses deux fils – Dyo (ainsi qu’on appelait Davidson William dans sa famille) et Redmond Dawson Delamere – avec l’aide de ses proches parents, en particulier son frère Thomas Dawson Delamere. Comme son père, Davidson William avait un cœur fragile ; à la fin de son adolescence, une fièvre rhumatismale qui dura six mois le fragilisa davantage. Malgré sa condition, il pratiqua d’intenses activités de plein air tout au long de sa vie. Les Black allaient souvent en vacances dans la région des lacs Kawartha ; Davidson William passerait de nombreux étés dans les forêts du nord de l’Ontario, où il travaillerait à titre de voyageur (selon ses propres mots) pour la Hudson’s Bay Company, d’aide dans une station biologique locale et de garde forestier. Il effectuerait ultérieurement des recherches sur le terrain sur l’île de Vancouver pour la Commission géologique du Canada.
Black entra à la University of Toronto en 1903 et obtint sa licence de médecine trois ans après. Afin d’élargir ses connaissances, il s’inscrivit à une licence ès arts. Ayant tardé à satisfaire aux exigences linguistiques, il ne reçut son diplôme qu’en 1911. Deux ans plus tôt, il avait accepté un poste à temps plein de professeur d’anatomie à la Western Reserve University de Cleveland, en Ohio. Un proche collègue, Thomas Wingate Todd, lui conseilla de travailler avec le neuroanatomiste australien Grafton Elliot Smith. En 1914, Black prit un congé pour se rendre en Angleterre et visiter le laboratoire de Smith à la Victoria University of Manchester. Smith tentait alors de résoudre l’énigme de l’homme de Piltdown (le fossile d’un crâne et d’une mâchoire ayant prétendument appartenu à un homme préhistorique trouvé dans le Sussex, qui s’avérerait canularesque). Black fut emballé de trouver un fragment fossilisé de dent de rhinocéros sur le site de Piltdown. Inspiré par sa première expérience anthropologique, Black retourna à Cleveland et se servit des relations nouées en Angleterre pour réunir des collections dans le but d’enseigner cette matière. Dans le cadre de ce travail, on le présenta, à New York, à deux scientifiques intrigués par la possible richesse en fossiles des terres asiatiques : Henry Fairfield Osborn, président de l’American Museum of Natural History (AMNH), et le Canadien William Diller Matthew (fils du géologue George Frederic Matthew*), l’un des conservateurs du musée. Les écrits de Matthew, en particulier, convainquirent Black que l’Asie était le lieu clé pour la recherche d’ancêtres primates.
Après le déclenchement de la Première Guerre mondiale, en 1914, Black essaya de s’enrôler à trois reprises. Sa demande fut rejetée deux fois en raison de sa faiblesse cardiaque. À sa troisième tentative, en 1917, on l’autorisa à se joindre au Corps de santé de l’armée canadienne et on l’envoya dans un camp militaire dans le sud de l’Angleterre. Pendant la guerre, la Rockefeller Foundation finança la création d’un hôpital d’enseignement en Chine, le Peking Union Medical College (PUMC), où un ancien camarade d’université de Black, Edmund Vincent Cowdry, occupait la chaire d’anatomie. Grâce en grande partie à ce dernier, Black y fut engagé comme professeur de neurologie et d’embryologie. Il y arriva en septembre 1919. Afin de constituer une collection de base pour ses cours et ses recherches au PUMC, Black amassa et moula des spécimens anatomiques provenant de divers établissements, notamment de l’AMNH, de la Western Reserve University et du National Museum of Natural History à Washington, D.C. Il succéda à Cowdry en 1921 en qualité de directeur du département d’anatomie.
Pendant ses premières années au PUMC, Black passa une grande partie de son temps à analyser des restes humains découverts par Johan Gunnar Andersson, ingénieur minier suédois au service de la Geological Survey of China (GSC). En 1926, Black apprit d’Andersson que le scientifique autrichien Otto Zdansky avait trouvé deux dents fossilisées dans les collines près de Zhoukoudian, village au sud-ouest de Pékin. Il déclara qu’elles semblaient humaines et convainquit la Rockefeller Foundation de financer des fouilles systématiques, qui commencèrent au printemps suivant. Après la découverte d’une troisième dent sur les lieux, il dit à Andersson : « Nous avons finalement une belle dent humaine ! C’est une splendide nouvelle, n’est-ce pas ! » En s’appuyant sur cette preuve, Black identifia en toute confiance une nouvelle espèce, Sinanthropus pekinensis, plus tard connu sous le nom d’homme de Pékin. Il joua un rôle central dans la création du Cenozoic Research Laboratory, qui vit le jour grâce à la coopération de la GSC et du PUMC, et au soutien de la Rockefeller Foundation. Les chercheurs employés au laboratoire analysaient tout le matériel biologique et culturel recueilli sur le site de l’homme de Pékin. La tâche de Black consistait à décrire et à évaluer les restes humains, notamment un crâne relativement complet que l’anthropologue chinois Pei Wenzhong découvrit en 1929. Black parcourut l’Asie, l’Europe et l’Amérique du Nord afin de promouvoir la reconnaissance scientifique de Sinanthropus pekinensis, emportant souvent avec lui une dent fossilisée qu’il conservait dans une capsule conçue à cet effet. « Les hommes qui ont vu “la dent”, écrivit-il triomphalement en 1928, sont maintenant convertis. » On crut d’abord que Sinanthropus pekinensis était un ancêtre des Néandertaliens, mais, dans les années 1950, on le classifierait dans l’espèce Homo erectus asiatique.
Black ne découvrit pas l’homme de Pékin. Il compta néanmoins parmi les membres importants de l’équipe internationale et multidisciplinaire dont les recherches aboutirent à cette trouvaille ; il salua d’ailleurs le travail de Zdansky et du géologue américain Amadeus William Grabau, qui proposa le nom adopté. Contrairement à de nombreux étrangers, Black s’entendait extrêmement bien avec ses collègues chinois, qu’il respectait, traitait comme des égaux et faisait participer au processus décisionnel. « Il oubliait complètement leur nationalité ou leur race, se rappellerait l’anthropologue Ding Wenjiang, parce qu’il savait que la science se situait au-dessus des choses artificielles et accidentelles de ce genre. » Black s’éprit de la Chine et de son peuple : il déclina des offres d’emploi d’universités occidentales pour rester au PUMC, s’installa, avec sa femme Adena Sara, dans la communauté chinoise au lieu de se cantonner à l’entourage clos du PUMC, et veilla à ce que ses deux enfants, nés et élevés à Pékin, apprennent le mandarin. La guerre civile chinoise, qui opposait le Kuomintang (Parti nationaliste chinois) au Parti communiste chinois [V. Henry Norman Bethune], interrompit par moments la routine quotidienne de Black et de ses collègues. Des échanges de coups de feu intermittents, lors d’escarmouches entre chefs de guerre locaux à l’intérieur et autour de Pékin, entraînaient parfois la fermeture hâtive du site de Zhoukoudian. Pour y échapper, la famille Black quittait habituellement la capitale ; la durée de leur absence variait selon l’intensité des combats.
Black reçut de nombreuses distinctions pour son travail, dont la médaille d’or Grabau de la Geological Society of China (1929), un doctorat honorifique de la University of Toronto (1930), un titre de membre associé honoraire du Royal Anthropological Institute of Great Britain and Ireland (1931), la médaille Daniel Giraud Elliot de la National Academy of Sciences américaine (attribuée en 1931, remise à titre posthume en 1934) et la médaille d’or King de la Peking Society of Natural History (1932). Il devint membre de la Royal Society de Londres en 1932 et donna sa conférence Croonian la même année.
Davidson William Black était au sommet de sa carrière anthropologique quand, le 15 mars 1934, dans son bureau, une insuffisance cardiaque congénitale l’emporta, à l’âge de 49 ans. Son collègue Grafton Elliot Smith déclara tristement : « On regrette non seulement la perte d’un ami particulièrement charmant et généreux, mais aussi l’interruption subite du travail formidable qu’il avait entrepris, et que personne d’autre, par manque de compétence, ne peut mener à terme. » Une plaque, que la Commission des lieux et monuments historiques du Canada dévoila en 1976 dans le pavillon des sciences médicales de la University of Toronto, et le prix Davidson Black, décerné par l’Association canadienne d’anthropologie physique, honorent sa mémoire. En Chine, où l’on désigne Black sous le nom de Bu Dasheng, les milieux scientifiques le révèrent encore. Gigantopithecus blacki, espèce de primate ancien, fut baptisé en son honneur.
Davidson William Black est l’auteur ou le coauteur d’au moins 70 publications savantes, dont nous inclurons une liste dans la bibliographie de notre ouvrage à paraître : The story of Davidson Black and the search for Peking Man. Voici toutefois ses plus importants écrits : « Brain in primitive man », Cleveland Medical Journal (Cleveland, Ohio), 14 (1915) : 177–185 ; « Asia and the dispersal of primates », Geological Soc. of China, Bull. (Pékin [Beijing]), 4 (mars–septembre 1925) : 133–183 ; « The human skeletal remains from the Sha Kuo T’un cave deposit in comparison with those from Yang Shao Taun and with recent north China skeletal material », Palæontologia Sinica (Pékin), sér. D, 1 (1925), fascicule 3 ; « Tertiary man in Asia : the Chou Kou Tien discovery », Nature (Londres), 20 nov. 1926 : 733–734 ; « On a lower molar hominid tooth from the Chou Kou Tien deposit », Palæontologia Sinica, sér. D, 7 (1927), fascicule 1 ; « Evidences of the use of fire by Sinanthropus », Geological Soc. of China, Bull., 11 (mars–novembre 1932) : 107–108 ; Fossil man in China : the Choukoutien cave deposits with a synopsis of our present knowledge of the late Cenozoic in China (Pékin, 1933) ; et « The Croonian lecture : on the discovery, morphology, and environment of Sinanthropus pekinensis », Royal Soc., Trans. (Londres), sér. B, 223 (octobre 1934) : 57–120.
UTARMS, B1966-0002 et B2011-0011 (Davidson Black family fonds).— Times (Londres), 17 mars 1934.— « Bibliography of Davidson Black », Chinese Medical Journal (Pékin), 48 (1934) : 1182–1186.— J. L. Cormack, « Davidson Black and his role in Chinese palaeoanthropology », dans Current research in Chinese Pleistocene archaeology, Chen Shen et S. G. Keates, édit. (Oxford, Angleterre, 2003), 9–19 ; « The scientific influence that Dr. Davidson Black (Bu Dasheng) had on Chinese prehistory », dans Chinese Academy of Sciences, Instit. of Vertebrate Paleontology and Paleoanthropology, Proc. of 1999 Beijing International Symposium on Paleoanthropology […], Dong Wei, édit. (Beijing, 2000), 292–298.— Geological Soc. of China et Peking Soc. of Natural Hist., Davidson Black, 1884–1934 : in memoriam ([Pékin, 1934 ?]).— Homo erectus : papers in honor of Davidson Black, B. A. Sigmon et J. S. Cybulski, édit. (Toronto et Buffalo, N.Y., 1981).— Dora Hood, Davidson Black : a biography (Toronto et Buffalo, 1964).— G. H. R. von Koenigswald, « Gigantopithecus blacki von Koenigswald, a giant fossil hominoid from the Pleistocene of southern China », American Museum of Natural Hist., Anthropological Papers (New York), 43 (1952), part. 4.— Jia Lanpo et Huang Weiwen, The story of Peking Man : from archaeology to mystery, Yin Zhiqi, trad. (Beijing, 1990).— G. E. S., « Davidson Black, 1884–1934 », Royal Soc., Obit. notices of fellows (Londres), 1 (1932–1935) : 360–365.— H. L. Shapiro, Peking Man (New York, [1975]).— P. V. Tobias et al., « Davidson Black and Raymond A. Dart : Asian-African parallels in palaeo-anthropology », dans Chinese Academy of Sciences, Instit. of Vertebrate Paleontology and Paleoanthropology, Proc. of 1999 Beijing International Symposium on Paleoanthropology […], 299–306 ; « The establishment of palaeo-anthropology in South Africa and China : with especial reference to the remarkably similar roles of Raymond A. Dart and Davidson Black », Royal Soc. of South Africa, Trans. (Le Cap), 56 (2001) : 1–9.
Julie L. Cormack, « BLACK, DAVIDSON WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/black_davidson_william_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/black_davidson_william_16F.html |
Auteur de l'article: | Julie L. Cormack |
Titre de l'article: | BLACK, DAVIDSON WILLIAM |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2021 |
Année de la révision: | 2021 |
Date de consultation: | 11 oct. 2024 |