Né aux États-Unis, Thomas C. Washington (mort en 1897) s’établit à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, où il devint un entrepreneur accompli et un leader de la communauté noire. En outre, il participa à la vie musicale de son lieu d’adoption. Une notice nécrologique souligne l’attention qu’il portait aux affaires et sa courtoisie à l’égard des clients : « C’est à cela sans aucun doute qu’il devait sa popularité et son succès. »
Titre original :  “Washington’s Cafe and Prescott House, ca. 1910,” Provincial Archives of New Brunswick, P210-2732.

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WASHINGTON, THOMAS C., barbier, restaurateur, logeur, imprésario et professeur de musique, né vers 1837 à New York, fils de John Washington et d’une prénommée Eliza ; vers 1860, il épousa à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick, Mary Elizabeth Watson (décédée en 1911), et ils eurent cinq fils et trois filles ; décédé le 1er mars 1897 au même endroit.

Thomas C. Washington fréquenta les grammar schools de New York destinées aux Noirs, où il reçut, selon le St. John Daily Sun, « une bonne éducation publique ». Il finirait par se rendre à Saint-Jean en 1860. Les Noirs ne représentaient alors qu’une très faible proportion de la population du Nouveau-Brunswick ; cette minorité se constituait principalement de descendants d’esclaves, d’engagés ou de Noirs libres qui avaient accompagné les loyalistes dans la région en 1783 [V. Thomas Peters*] ou qui étaient des réfugiés de la guerre de 1812 [V. Ward Chipman*]. Quelques-uns, comme Robert J. Patterson* et Robert W. Whetsel, le mari de Georgina Mingo*, avaient récemment fui les États-Unis pour échapper au Fugitive Slave Act de 1850.

Washington se maria à Saint-Jean peu après son arrivée. Pour subvenir aux besoins de sa famille grandissante, il ouvrit un salon de barbier. « Attentif et poli, selon le St. John Daily Sun, il devint vite populaire, et avait par conséquent une large clientèle. » Son établissement, situé en 1877 dans la rue Prince William, disparut dans l’incendie dévastateur de cette année-là [V. Sylvester Zobieski Earle*] ; sa résidence, au 236, rue Duke, connut peut-être aussi le même sort, car, en 1877–1878, il habita un certain temps dans la rue Bridge à Indiantown (Saint-Jean). Si l’on se fie à l’information locale, Washington bénéficia de la succession de sa mère, morte en 1875 en laissant une propriété dans le New Jersey d’une valeur estimée à 50 000 $. Cet héritage aida peut-être la famille à se réinstaller à la suite du feu : elle acheta une maison au 124, rue Mecklenburg, pour 3 000 $ à l’homme d’affaires noir Cornelius Sparrow, et ouvrit un autre salon au 32, rue Charlotte, en face du marché de la ville.

En 1880, Washington consolida ses entreprises en reprenant le Lorne Restaurant de George Sparrow, frère de Cornelius, au 103-5, rue Charlotte, situé stratégiquement en face du populaire hôtel Dufferin House. Il conserva judicieusement l’appellation originale du café, bien connue des clients. Il y établit aussi son salon de barbier et utilisa les étages supérieurs pour accueillir des pensionnaires. On désignerait l’immeuble sous le nom de Prescott House.

Actif au sein de la communauté, Washington était un fervent disciple de l’église méthodiste épiscopale africaine St Philip. Il appartenait à plusieurs associations de citoyens et groupes fraternels, dont les francs-maçons et la Seven Star Lodge de l’Independent Order of Good Templars (organisme de tempérance). En 1880, il agissait à titre de grand conseiller de la Grand Lodge of New Brunswick. Avec les frères Sparrow, notamment, il créa deux des premières loges noires de tempérance au Nouveau-Brunswick, qui furent peut-être aussi les premières au Canada atlantique. En 1890, il siégeait à la vice-présidence de l’African Methodist Episcopal Church Temperance Society. Également engagé dans la société des Oddfellows, il était devenu en 1889 le principal fondateur et grand noble de l’Acadia Lodge, qui ne comptait que des Noirs. En octobre 1883, à l’occasion des célébrations du centième anniversaire de l’arrivée des loyalistes au Nouveau-Brunswick, il se joignit, avec divers représentants de la communauté noire, dont Patterson et Abraham Beverley Walker*, aux membres de la New Brunswick Historical Society pour une cérémonie dans le cadre de la journée de l’arbre à Queen Square ; il planta un arbre qu’on dédia à la mémoire de l’abolitionniste William Lloyd Garrison.

Dans les années 1850, pendant qu’il se trouvait encore à New York, Washington semble avoir reçu une certaine formation artistique traditionnelle, axée sur la représentation théâtrale et l’opéra. Sa femme et lui apportèrent leur soutien et leurs conseils à des événements caritatifs organisés par d’autres personnes au théâtre du Saint John Mechanics’ Institute ; la presse locale souligna leur participation pour la première fois en 1878. Washington ne tarda pas à monter lui-même des spectacles. La même année, des publicités le désignaient sous le nom de professeur Washington et mentionnaient les Jubilee Singers, probablement sa première formation musicale. Une autre de ses compagnies, la Colored Juvenile Pinafore Troupe, se produisit trois fois en 1880.

Washington possédait aussi un orchestre, qui, en 1881, assura la musique au bal annuel des représentants du chemin de fer Intercolonial à Moncton. En 1887, un groupe qu’il avait mis sur pied, la Colored Ideal Concert Company, devint une attraction courante au Mechanics’ Institute. Dans un compte rendu d’une représentation donnée le 8 février de cette année-là, le Daily Telegraph nota que le public, qui avait bravé le mauvais temps pour assister au spectacle, « n’eut pas à regretter d’avoir quitté la maison ». Plus tard en 1887, Washington se rendit à New York pour recruter d’autres artistes. Ceux-ci participeraient à un cours offert au Mechanics’ Institute, qui serait jumelé à des concerts à Saint-Jean, Fredericton et Halifax.

En mai 1889, Washington organisa une séance musicale au profit du Royal Ball Club, qu’on semble ensuite avoir appelé le Ralph Waldo Emerson Colored Baseball Club, en l’honneur du poète et philosophe américain et abolitionniste bien connu, mais les amateurs de sport trouvèrent peut-être ce nom trop compliqué. En juin 1890, un défi lancé par le capitaine du club à une équipe constituée de journalistes du coin parut dans le Daily Gleaner de Fredericton. Une première équipe de baseball organisée avait vu le jour à Saint-Jean en 1853. On ne dispose toutefois pas de documentation sur les premières formations de baseball noires avant la fin des années 1880. Au moins deux des fils de Washington en firent partie. Beaucoup d’autres joueurs n’avaient pas les moyens de s’acheter des uniformes ou de l’équipement ; leur intégration aux équipes locales dépendait peut-être des diverses formes d’aide que leur apportait Washington pour les soutenir.

Tout au long des années 1890, le restaurant de Washington prospéra et attira les amateurs de théâtre, qui venaient y souper après les représentations, en particulier ceux de l’Opera House, rue Union. Pendant la saison des huîtres, on pouvait se délecter des coquillages de Bouctouche au bar. En été, à partir de 1891, le café exploitait un comptoir de crème glacée très prisé, qui offrait plus d’une dizaine de parfums, dont la pistache et l’ananas. Washington fit installer l’électricité pour faciliter la préparation de la friandise, de plus en plus populaire. À l’instar de plusieurs entreprises de Saint-Jean, la sienne dépendait des livraisons locales de glace [V. Georgina Mingo].

À cette époque-là, Washington et sa femme sollicitèrent l’aide de leurs fils Robert L. et Edward, et de leur fille Florence M. Celle-ci participa aussi aux troupes théâtrales de son père et à des opérettes présentées en ville. Pendant que Washington gérait le restaurant, qui élargit ses services pour offrir des « repas sur le pouce » aux visiteurs d’événements comme l’exposition annuelle de Saint-Jean, le reste de la famille s’occupait des pensionnaires de la Prescott House.

En février 1897, les Washington se trouvaient au sommet de leur carrière. Thomas C. subit alors une crise aiguë de la maladie de Bright, qui exacerba, selon le St. John Daily Sun, « un effondrement général du système attribuable au surmenage ». Il s’éteignit moins d’une semaine plus tard, le 1er mars, à l’âge de 60 ans. Dans un hommage publié le lendemain, le Daily Telegraph souligna sa réussite en affaires et dans la vie communautaire, en insistant sur son dévouement à « tout ce qui contribuait à l’élévation de la population de couleur de cette ville ». Sa femme, Mary Elizabeth, continua de diriger l’entreprise familiale avec l’aide de Florence M., jusqu’à sa vente en 1905 environ, et elle mourut en 1911.

Roger P. Nason

Daily Gleaner (Fredericton), 20 juin 1890.— Daily Telegraph (Saint-Jean, N.-B.), 26 juin 1877 ; 22 oct. 1878 ; 24 janv., 5 févr. 1879 ; 22, 26 nov. 1880 ; 27 sept., 6 oct. 1883 ; 8–9 févr., 26 sept. 1887 ; 21 sept. 1888 ; 4 sept. 1889 ; 20 juin 1890 ; 15, 21 avril 1891 ; 21, 24 mai, 23 sept., 19 déc. 1895 ; 2 mars 1897.— Daily Times (Moncton, N.-B.), 23 févr. 1881.— St. John Daily Sun (Saint-Jean), 2 mars 1897.— Telegraph-Journal (Saint-Jean), 31 mai 1955.— Annuaire, N.-B., 1865–1868.— Annuaire, Saint-Jean, 1869–1898.— McMillan’s agricultural and nautical almanac […] (Saint-Jean), 1880, 1890.— N.B. Hist. Soc., Loyalists’ centennial souvenir (Saint-Jean, 1887).

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Roger P. Nason, « WASHINGTON, THOMAS C. », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 16 juill. 2025, https://www.biographi.ca/fr/bio/washington_thomas_c_12F.html.

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Auteur de l'article:    Roger P. Nason
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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2025
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Date de consultation:    16 juill. 2025